Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est de plus en plus considéré comme un important vecteur de croissance, et cela s’explique notamment par son incidence sur l’insertion professionnelle des jeunes et la création d’emplois. Parmi les nombreuses institutions interpellées sur cette question de l’entrepreneuriat, figure en bonne place l’Université, du fait de son rôle central dans la formation des ressources humaines et dans la transmission des valeurs. Paradoxalement, pendant très longtemps, aucune relation n’était cependant établie entre l’Université et l’entrepreneuriat : en effet, l’Université restait cantonnée à ses deux missions historiques, à savoir la formation et la recherche, tandis que l’entrepreneuriat était le plus souvent relégué à un niveau post-universitaire (Schmitt, 2005). Il faudra attendre les années 80 pour que les Universités, aux États-Unis d’abord, s’investissent en faveur de l’accompagnement de l’action entrepreneuriale de leurs membres (Slaughter et Leslie 1997), ce qui conduit à transformer les universités en agents du développement économique (Etzkowitz, 2003). Sur le plan sémantique, cela s’est traduit par l’apparition de nouveaux concepts tels que « université entrepreneuriale », « capitalisme académique », « entrepreneuriat académique », « acadépreneuriat », qui, en dépit des nuances qui peuvent leur être reconnues, désignent au fond la même réalité, à savoir l’implication de plus en plus forte des universités afin que les jeunes diplômés et même les chercheurs aient désormais un « comportement entrepreneurial » et non plus un « comportement salarial ». L’objectif de ce travail sera donc de procéder à une analyse approfondie de la relation université/entrepreneuriat au Sénégal. Dans un premier temps, après une courte présentation de l’Université sénégalaise, il sera procédé à un tour d’analyse complet de ses actions sur cette question de l’entrepreneuriat. Ensuite, l’analyse portera sur les enjeux, tant du point de vue interne qu’externe, liés à une plus forte implication de l’Université sénégalaise autour des questions entrepreneuriales. Puis, il sera procédé à un survol des contraintes internes à l’université et qui entravent au développement d’une véritable culture entrepreneuriale. Enfin, le rôle particulier des pouvoirs publics sera examiné, notamment pour ce qui est des initiatives que pourrait prendre l’État pour favoriser le basculement des universités sénégalaises vers des stratégies ou des dynamiques entrepreneuriales.
Au terme de cette analyse de la relation université/entrepreneuriat au Sénégal, principalement un constat s’impose. En effet, étant donné les défis qui s’imposent à l’Université, mais aussi ceux que doit relever le Sénégal pour aspirer à l’émergence ou au développement économique, une plus grande attention doit être portée à l’analyse de cette relation Université/Entrepreneuriat qui, jusqu’ici, a été un peu trop négligée. Au niveau mondial, les universités n’ont cessé d’investir au cours de ces dernières années le champ de l’entrepreneuriat, avec des résultats bien souvent remarquables, et il y a donc à ce propos des enseignements forts utiles que l’Université sénégalaise pourrait en tirer. Il est vrai toutefois qu’il n’existe pas de recette magique pour favoriser ou développer la culture entrepreneuriale au sein des universités, et qu’une grande part du succès de cette transformation est liée non seulement à l’aptitude de chaque université à interagir avec son environnement, mais aussi à ses propres capacités à inventer, à innover et au final à entreprendre. Quoi qu’il en soit, si l’Université sénégalaise entend jouer les premiers rôles, si elle entend changer d’ère en matière de formation des élites pour se mettre au diapason mondial, alors peut-être n’a-t-elle pas d’autre choix que de s’arrimer davantage au système économique, pour en être tout simplement l’une des locomotives. Fondamentalement, au-delà donc de la relation université/entrepreneuriat, ce dont il est ici question, c’est finalement la représentation que l’Université sénégalaise se fait de sa mission historique ou de sa responsabilité sociale.
Abdoulaye A. Traoré