Sénégal: Quand le diplomate français Ruffin veut remettre en selle la Françafrique !

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Dans une tribune parue dans le quotidien français Le Parisien, Jean-Christophe Ruffin, ancien ambassadeur de France au Sénégal entre 2007 et 2010, mais surtout écrivain et académicien de son état, se rappelle au bon souvenir de la classe politique sénégalaise. En jetant un regard très critique sur la gouvernance du duo Bassirou Diomaye Faye- Ousmane Sonko, il prédit de sombres perspectives pour la stabilité au Sénégal et entrevoit même le chaos en cas de victoire du parti Pastef (parti au pouvoir) lors des élections législatives du 17 novembre prochain. L’ancien ambassadeur de France au Sénégal reprend du service sur la commande de l’Élysée pour rebrancher les câbles de la nauséabonde Françafrique. 

Dans un style dénué de toute précaution diplomatique, il s’en prend ouvertement au Premier ministre Ousmane Sonko dont il dit pourtant que c’est un populiste fortement soutenu par la jeunesse.
Dans ce texte au vitriol, titré « Après la dissolution de l’Assemblée, avis de tempête sur le Sénégal ? », l’ancien diplomate alerte sur «une période d’incertitudes» qui s’ouvre au Sénégal où vivent, insiste-t-il, « 25 000 Français». Une situation qu’il met sur le compte de la dissolution récente de l’Assemblée nationale. Ne s’arrêtant pas à ce constat lapidaire, il assaène, sans gants : « La rhétorique populiste du Premier ministre Ousmane Sonko, nouvel homme fort de Dakar, inquiète à Paris, qui voit ses partenaires africains rompre les liens les uns après les autres ».

Quelle est la raison du courroux de Ruffin à l’égard du nouveau pouvoir?

Regrette-t-il déjà l’ex-président Macky Sall à qui il avait personnellement remis la décoration de son pays au grade de Grand Officier de la Légion d’honneur française ? Ou est-ce tout simplement une ultime gesticulation d’un fervent défenseur des «intérêts » français dans une région désormais en passe de s’affranchir de toute main mise extérieure ?
Jean-Christophe Ruffin n’en est pas à son premier coup d’éclat. C’est lui qui a été à l’origine de la fameuse controverse née de la décoration à la légion d’honneur accordée par la France à Macky Sall, en 2008, alors qu’il était président de l’Assemblée nationale. Le début de ses déboires avec Wade…En effet, quatre ans jour pour jour avant sa victoire au second tour de la présidentielle de février 2012, Macky Sall recevait, des mains de celui qui l’avait adoubé, dans les jardins de la résidence de l’ambassadeur de France à Dakar, la prestigieuse décoration. C’était, précisément, le 25 mars 2008, dans un contexte de vive tension avec le camp Abdoulaye Wade, que l’ambassadeur de France, Jean-Christophe Rufin, lui remettait cette haute distinction.
A l’époque, l’ambassadeur Rufin disait, comme pour se dédouaner qu’«il est toujours délicat de décorer un homme politique» car on peut « être soupçonné de vouloir favoriser tel ou tel ». Ajoutant qu’il souhaiterait s’ériger en faux «contre toute interprétation hasardeuse» et précisant, surtout, que « la France respecte le Sénégal comme un État souverain et n’entend interférer en rien, ni avec ses institutions, ni avec sa vie politique qui ne regarde que son peuple ». Un constat loin de sa position actuelle, faite de mises en garde et de prophéties douteuses !

Certes, le diplomate français, se sachant en terrain miné, avait pris un certain nombre de précautions pour ne pas froisser davantage le chef de l’État sénégalais avec qui le récipiendaire de la Légion d’honneur était en pleine guerre. Mais son rappel en Hexagone était lié à des propos qui lui sont attribués, et révélés par Le Canard Enchaîné dans son édition du 24 décembre 2008. Selon le journal satirique, dans un télégramme confidentiel destiné à Paris, le diplomate aurait déconseillé « une aide française massive » à destination du Sénégal, si l’on ne formulait pas « des exigences très fermes » et « l’ouverture d’un vrai dialogue avec l’opposition ». Craignant, rapporte Le Canard Enchaîné, « des mauvaises décisions économiques », et invoquant un mystère « sur la destination des fonds ». De plus, Ruffin avait fustigé les nombreux voyages du président Wade et ses projets pharaoniques, comme la « statue de la renaissance africaine », qui au total aura coûté la modique somme de 23 millions d’euros (15 milliards FCFA) .
Qu’est-ce qui explique, maintenant, seize ans après cette intrusion inappropriée dans la politique intérieure d’un État souverain dont il semblait sans doute être le préfet ?

Après 2011, et ses prises de position tranchées contre les Wade, le voici de nouveau en mission commandée…contre le nouveau régime! En fait, beaucoup plus littéraire, rêveur que géopolitique comme l’a été Christophe Bigot, un de ceux qui l’ont succédé au poste, Ruffin a toujours servi les intérêts de la « défunte » Françafrique avec son ami Robert Bourgi. Son meilleur trophée reste le scalp de Karim Wade qu’il s’était juré d’avoir.
En mettant en parallèle l’évolution récente des pays de la sous-région, et en citant expressément le Mali, le Burkina et le Niger, « unis dans une commune hostilité à l’égard de la France », Ruffin prophétise : « Si cette exceptionnelle démocratie africaine devait traverser une crise grave, voire sombrer dans le chaos, les conséquences pour la France seraient dramatiques ». Quelle sentence sans appel !
Trainant une réputation peu flatteuse de « diplomate iconoclaste », Jean-Christophe Ruffin est présenté comme quelqu’un dont la liberté de ton dérange. Ancien médecin engagé dans l’action humanitaire, il est aussi écrivain et a été admis à l’Académie Française en 2008. Mais l’ancien diplomate français est un habitué des dérapages et des mots de trop. Lors d’une conférence de presse, en décembre 2008, Jean-Christophe Rufin avait sorti des propos qui avaient irrité en haut lieu. En réponse à une lettre ouverte de la vice-présidente du Sénat sénégalais, à l’époque, qui avait dénoncé des propos « choquants, voire méprisants et insultants », et exigé des « excuses publiques », il s’était contenté d’un communiqué pour dire que ses propos « tenus sur le ton de la plaisanterie » étaient juste « ironiques et affectueux (…) « .
Cette fois-ci, l’écrivain-diplomate ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante. Certes, son opinion n’est pas forcément celle de la France officielle mais elle n’en démontre pas moins qu’il y a encore des adeptes farouches de la survivance des anciennes pratiques abjectes et démodées de la Françafrique. Aux Autorités sénégalaises de décrypter le message qui semble beaucoup plus donner à l’opposition en mal d’unité un os à ronger dans la perspective des prochaines joutes électorales.

Par Karim DIAKHATÉ et Hugues DESORMAUX (Confidentiel Afrique)

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