AFP – Des accords de paix signés mais pas appliqués, des combats qui alternent avec des périodes d’accalmie sur le terrain: depuis 30 ans, “la guerre oubliée” de Casamance, dans le sud du Sénégal, empoisonne la vie économique et politique du Sénégal, et représente un défi pour le prochain président sénégalais.
“Nous voulons que la paix revienne ici”, déclare à l’AFP sous couvert d’anonymat un haut responsable économique à Ziguinchor, la principale ville de cette région agricole et touristique séparée du nord du pays par la Gambie, où l’aspiration à la paix est très largement partagée.
En décembre 1982, le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) y a déclenché une rébellion indépendantiste. Depuis, des périodes d’apaisement relatif sont interrompues par des violences, avec des accrochages entre rebelles et militaires, braquages armés et, dernièrement, rapts de membres de forces de sécurité, les violences ayant connu une recrudescence depuis novembre dernier.
Cette situation n’empêche pas des Occidentaux de fréquenter les zones touristiques, généralement stables.
Le conflit ne s’est jamais véritablement éteint et a fait des milliers de victimes civiles et militaires – incluant morts et blessés -, des dizaines de milliers de déplacés et réfugiés, sans qu’on puisse en établir un bilan précis.
Pourtant, plusieurs accords ont été signés entre le MFDC et le gouvernement sénégalais, et les parties se déclarent régulièrement disposées à négocier. En février 2005, elles s’étaient même donné quatre mois pour “cristalliser la paix”, sans résultats. La communauté catholique Sant’Egidio a récemment été sollicitée pour tenter une nouvelle médiation.
“Il faut dire que les divisions du MFDC n’aident pas”, souligne anonymement un quinquagénaire de la région ayant des contacts au sein de la rébellion, dont les scissions se sont amplifiées depuis la mort, en décembre 2007, de son leader historique, l’abbé Augustin Diamacoune Senghor.
Nouveau plan de paix
L’actuel chef de l’Etat Abdoulaye Wade, candidat à un nouveau mandat la présidentielle de dimanche face à 13 autres candidats, a récemment reconnu avoir failli à sa promesse de ramener la paix. A son arrivée au pouvoir en 2000 – il a été réélu en 2007 – il s’était engagé à résoudre le conflit “en 100 jours”.
“Ca fait des années que je cherche la paix en Casamance, en vain. Mais maintenant, je suis confiant que c’est pour bientôt. Nous sommes en discussion avec toutes les franges du maquis du MFDC qui sont aussi pour la paix”, a-t-il dit lors d’un meeting électoral le 11 février à Bignona, près de Ziguinchor).
“Mais le chemin pour y parvenir peut être long”, a-t-il ajouté, en annonçant un nouveau plan: “Désarmement, déminage et projets (DDP)”, qui prévoit la mise en culture, après leur déminage, de près 100.000 hectares de terres agricoles dans trois communes, “pour que les rebelles quittent le maquis”.
Début janvier, SOS Casamance, organisation humanitaire créée en 2001, avait fustigé l’engagement non tenu de M. Wade concernant la résolution du conflit, et la gestion de la crise par son régime qui, avait-elle accusé, “s’est illustré dans le pourrissement du conflit avec, à la clé, la mise en place d’un système de division par la corruption, de l’aile combattante et politique du MFDC”.
“Cette situation de +ni paix, ni guerre+ ne profite qu’à certains individus”, déplore aujourd’hui l’ONG, qui a lancé mi 2011 une pétition internationale baptisée “Je vote pour la paix en Casamance en 2012”.
Le texte est “un message solennel adressé aux politiques, particulièrement à ceux qui aspirent à nous gouverner, pour une prise en compte effective et un engagement indéfectible” à mettre fin à ce conflit trentenaire, indique-t-elle.
Des femmes de la région regroupées au sein d’une “plate-forme des femmes pour la paix en Casamance” ont, elles, rédigé un “mémorandum” ayant valeur de “serment”, à l’attention des candidats à la présidentielle, les engageant “à l’ouverture de négociations sincères” avec le MFDC dès leur élection.