L’ex-dictateur tchadien âgé de 77 ans avait bénéficié d’une permission de sortie de 60 jours à cause des risques de contamination existant dans les prisons.
Coronavirus oblige, le Sénégal a pris des mesures sanitaires pour empêcher des contaminations en masse dans ses prisons. C’est dans ce cadre que l’ex-président tchadien Hissène Habré (1982-1990), condamné à perpétuité par une juridiction africaine à Dakar pour crimes contre l’humanité, a été autorisé à sortir de prison le 7 avril pour une durée de 60 jours. Un temps qu’il a passé sous surveillance pénitentiaire entre les domiciles de ses deux épouses installées, elles aussi, dans la capitale sénégalaise.
Cette autorisation très contestée était arrivée à son terme samedi 6 juin. « L’affaire Hissène Habré est actuellement en instruction devant le juge de l’exécution des peines. Il va devoir retourner demain (dimanche) en prison, comme cela avait été indiqué », a indiqué samedi soir le ministre sénégalais de la Justice, Me Malick Sall. L’ex-dictateur, âgé de 77 ans, est donc bien retourné dimanche soir vers 18 heures heure locale à la maison d’arrêt du cap Manuel où il purge sa peine.
Lire aussi Covid-19 : Hissène Habré provisoirement libéré
Aménagement provisoire de peine
« C’est tout à fait vrai. La permission de sortie de 60 jours a pris fin ce samedi. Il y a quelques jours, une démarche de renouvellement de cette permission a été entreprise par nos avocats auprès des juges d’application des peines », a confirmé à la presse son épouse, Fatima Raymonde Habré.
Selon elle, la Justice a répondu vendredi et a rejeté la demande en posant deux conditions.
« Premièrement, elle a dit qu’il faut que le président Hissène Habré réintègre la prison avant de demander un renouvellement d’une autre permission. Deuxièmement, il ne pourrait la faire qu’après un mois en prison. Autrement dit, il faudrait attendre le 6 juillet pour refaire une demande », a-t-elle ajouté, tout en dénonçant « des risques plus graves encore pour sa santé qu’au début de la permission », à l’heure où le Sénégal compte plus de 4 328 cas de Covid-19, dont 49 décès.
Le collectif des victimes inquiet
Les associations de victimes avaient dit redouter une « libération déguisée » du président tchadien déchu à la faveur de cette « mesure humanitaire et de précaution », selon les autorités sénégalaises.
Le juge de l’application des peines avait motivé sa décision par le fait que Hissène Habré était « particulièrement vulnérable à ce coronavirus » et la nécessité de faire de la place dans sa prison, choisie pour mettre en quarantaine les prisonniers en début de détention. Hissène Habré suivait un traitement médical depuis la propagation de la pandémie de coronavirus au Sénégal, avait plaidé son avocat.
Le 30 mai 2016, Habré a été condamné, par les Chambres africaines extraordinaires mises en place par l’Union africaine, à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, notamment pour des faits de violences sexuelles et viol. En sus, il doit allouer un montant de 82 milliards de francs CFA à 7 396 victimes identifiées. Il a été condamné en appel en 2017 à la prison à perpétuité à Dakar (par les Chambres africaines extraordinaires) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité durant son régime, au Tchad, entre 1982 et 1990. « Les victimes de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré attendent toujours de recevoir un début d’indemnisation, quatre ans après sa condamnation historique au Sénégal », rappelait le 29 mai le Collectif des victimes de l’ex-homme fort de N’Djamena représenté par Reed Brody, avocat pour l’ONG Human Rights Watch (HRW).
Par Le Point Afrique
Publié le 08/06/2020 à 09:30 | Le Point.fr