Le sort de ces enfants vivant dans des “daaras”, des écoles coraniques, obligés de mendier chaque jour un quota d’argent, de riz ou de sucre pour leur maître sous peine de sévices physiques ou psychologiques, vaut régulièrement au Sénégal de figurer dans les rapports d’organisations de défense des droits de l’Homme.
Entre le lancement du programme “retrait des enfants de la rue” à Dakar, en juin 2016, et mars 2017, près de 1.550 enfants mendiants ont été recueillis, dont 1.089 talibés, soulignent dans ce rapport Human Rights Watch (HRW) et la Plateforme pour la Promotion et la Protection des droits de l’Homme (PPDH), une coalition d’organisations sénégalaises.
Sous la direction du ministère de la Famille et de l’Enfance, plus de 60 opérations ont été menées par la police et les travailleurs sociaux dans le cadre de ce programme.
Mais, “un an plus tard, le programme n’a pourtant guère eu d’effet sur les chiffres alarmants qui concernent les enfants qui sont victimes d’exploitation, d’abus et de négligence au quotidien”, selon le rapport.
Si plusieurs centaines d’entre eux ont pu rejoindre leurs familles après être passés par des centres d’accueil, plus d’un millier de talibés ont été renvoyés auprès de leurs maîtres coraniques, soulignent les ONG.
“On ne parle pas d’échec, mais on alerte”, a déclaré le coordinateur de la PPDH, Mamadou Wane, lors d’une conférence de presse pour présenter ce rapport, précisant qu’il restait environ 28.500 enfants mendiants dans les rues de Dakar.
Les ONG mettent notamment en cause l’absence d’une répression dissuasive envers les maîtres impliqués dans la mendicité forcée. “L’absence d’enquêtes et de poursuites des maîtres abusifs s’est finalement soldée par un retour au statu quo”, selon le rapport.
Une loi contre la mendicité des mineurs, datant de 2005 et rarement appliquée, prévoit deux à cinq ans de prison et une amende allant de 500.000 FCFA à 2.000.000 FCFA (762 à 3.050 euros).
Mamadou Wane a insisté sur la responsabilité collective des Sénégalais, “parce que c’est une population qui donne. Donner de l’argent dans la rue à un enfant ne l’aide pas, au contraire”.
La présentation de ce rapport a été organisée à dessein deux jours après le début de la campagne pour les élections législatives du 30 juillet, “pour faire tout simplement exister ces enfants qu’on veut nous cacher”, a indiqué le responsable de la PPDH, déplorant l’absence de cette question dans les programmes politiques.
Les ONG demandent aussi à la nouvelle Assemblée “s’efforcer de mettre fin à la mendicité forcée et d’accélérer l’adoption du projet de loi portant statut des daaras” datant de 2013.
Dans son rapport annuel sur le trafic d’êtres humains publié fin juin, le département d’Etat américain salue les efforts du Sénégal contre la mendicité forcée des enfants, mais maintient le pays sur la “liste de surveillance niveau 2”.
Il justifie notamment cette décision par le fait qu’après avoir identifié quelque 1.550 victimes potentielles, le gouvernement sénégalais en a “renvoyé beaucoup chez leurs marabouts exploiteurs”, sans réelle supervision ni plan pour “prévenir la récidive”.
(©AFP / 11 juillet 2017 20h08)