M. Sanchez, un économiste de 46 ans sans expérience du pouvoir, a prêté serment devant le roi Felipe VI, au palais de la Zarzuela, et en présence de son prédécesseur Mariano Rajoy, qu’il a évincé vendredi grâce à une motion de censure au Parlement.
Sans bible ni crucifix, une première en Espagne, il a juré “de respecter et faire respecter la constitution comme la loi fondamentale de l’Etat”.
Un défi à relever sans attendre, puisque le président de la région Catalogne, Quim Torra, l’a invité à des négociations alors que son objectif est l’indépendance de la Catalogne, contraire à la constitution.
“Nous devons nous asseoir à la même table, de gouvernement à gouvernement. La situation ne peut pas continuer, même pas un jour de plus”, a dit M. Torra dont le gouvernement régional a pris ses fonctions peu après la prestation de serment de M. Sanchez.
Cette prise de fonction entraîne la levée automatique de la tutelle imposée à la Catalogne quand elle a tenté de faire sécession le 27 octobre dernier.
M. Sanchez s’est déjà engagé à “jeter des ponts” pour dialoguer avec les indépendantistes, même s’il avait fermement soutenu M. Rajoy dans la crise catalane.
– Redressement fulgurant –
Le chef du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) doit encore nommer les membres de son gouvernement. Ce n’est que quand la liste sera publiée au journal officiel qu’il pourra prendre pleinement ses fonctions, dans les jours qui viennent.
Après avoir mené son parti à deux défaites électorales cuisantes en 2015 et 2016, contraint à la démission par l’appareil du PSOE puis remis en selle par les militants il y a un an à peine, Pedro Sanchez a réussi à déboulonner M. Rajoy, un vétéran de la politique de 63 ans, au pouvoir depuis 2011.
Il a saisi l’occasion de la condamnation du Parti Populaire (PP) de M. Rajoy pour déposer une motion de censure le 25 mai. C’était une affaire de trop pour le chef du gouvernement, qui était jusqu’à présent sorti indemne de multiples scandales impliquant son parti.
L’opposition s’est liguée contre M. Rajoy, lâché par ses alliés nationalistes basques du PNV dont il venait pourtant d’obtenir l’approbation du budget contre un demi-milliard d’euros d’investissements.
– Majorité instable –
Lors de sa première prise de parole, son successeur, 1,90 m et surnommé “le beau mec”, a promis d’aborder avec “humilité tous les défis auxquels le pays fait face” en citant en particulier “l’urgence sociale”, alors que le chômage et la précarité minent toujours l’Espagne malgré une insolente reprise économique.
Mais il devra démontrer qu’il peut gouverner avec ses 84 députés socialistes après avoir réuni une majorité hétéroclite allant de la gauche radicale Podemos aux indépendantistes catalans et aux nationalistes basques du PNV.
Ses alliés de circonstance ont tous souligné que leur vote contre M. Rajoy n’était pas un chèque en blanc. Podemos réclame avec insistance d’entrer au gouvernement.
Selon Fernando Vallespin, politologue à l’Université autonome de Madrid, il ne pourra faire voter que des mesures “lui permettant d’obtenir une majorité facile”, comme des amendements à la loi du travail ou une meilleure protection de la liberté d’expression.
En matière de dépense publique, M. Sanchez s’est déjà lié les mains en promettant au PNV de ne pas toucher au budget de M. Rajoy et à ses largesses financières pour le Pays basque.
L’agence de notation financière DBRS s’attend à ce qu’il dirige “un gouvernement de transition, avec peu de marge de manoeuvre pour infléchir les politiques, et qu’il convoque finalement des élections dans les mois à venir vu la difficulté qu’il aura à faire passer des lois”.
(©AFP / 02 juin 2018 15h48)