Et, les bourreaux repus de sang formèrent un cercle autour du cadavre. Ils se mirent à chanter, à danser en enjambant le corps inerte. Quelques minutes plus tard, ils rentrèrent chez eux. Parés de leurs plus beaux atours, ils se rendirent à la mosquée afin de prier… Ils ont sacrifié un homme le jour de l’Aïd el Kébir. Pour étancher leur soif de vengeance.rn
Le 29 décembre 2006, à 22 h 11, RDI, la chaîne d’information continue de la télévision canadienne interrompt sa programmation normale. Le présentateur, solennel, annonce : « L’ancien dictateur sanguinaire irakien, Saddam Hussein, a été pendu à 22 h, 3 h du matin à Bagdad, dans une salle des services de renseignement ». La caméra fit un gros plan et l’on découvrit la bouille de trois « spécialistes » de l’Irak. C’était parti pour trois heures d’analyses macabres sur la mort du tyran de Bagdad.
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L’on dira ce que l’on voudra, l’on noircira des milliers de pages pour justifier ce meurtre, il n’en demeure pas moins que la mort de Saddam Hussein ne porte qu’une seule signature : George W. Bush, président des Etats-Unis. Cet homme est le chef d’orchestre de cette sinistre mise en scène. Car, dès le jour où il a décidé, contre tout bon sens, de lancer ses troupes à l’assaut de l’Irak, Bush n’avait qu’une idée en tête : tuer Saddam. Comme il le disait à ces proches : « Cet homme a quand même essayé de tuer mon père ! »
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Les macabres événements de Bagdad n’ont rien à voir avec la justice. Il s’agit purement et simplement d’une vengeance. La vengeance est le contraire de la justice. Saddam ne répondra jamais de crimes plus graves telle l’utilisation d’armes chimiques contre les Kurdes, les guerres contre l’Iran et le Koweït. En fait, Saddam ne parlera tout simplement jamais et c’était là le but visé par ses assassins.
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L’Amérique a mis toute sa puissance militaire, diplomatique et économique en marche afin que la parodie de procès qui se tenait se termine au plus vite. Nous ne saurons jamais ce que Saddam Hussein et Donald Rumsfeld, envoyé spécial de Reagan et ami personnel du dictateur de Bagdad, se sont dit pendant les années où Saddam constituait « l’ultime rempart contre l’intégrisme iranien ». Nous ne saurons jamais le rôle joué par le père de l’actuel président (directeur de la CIA) dans l’accession de Saddam Hussein au pouvoir. Nous ne saurons jamais rien car, l’Amérique et l’Occident de manière générale qui ont fabriqué ce monstre ont décidé que la justice des vainqueurs était la meilleure du monde.
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La peine de mort est la pire sauvagerie inventée par l’être humain pour étancher sa soif de vengeance. Si elle servait à quelque chose, les Etats-Unis qui tuent leurs prisonniers à l’échelle industrielle seraient aujourd’hui le pays le plus sécuritaire du monde. Au contraire, marcher dans les rues de Washington ou New York, c’est toujours prendre le risque de se faire descendre par des criminels ou… par des policiers pour qui, l’impunité est totale.
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A ceux qui croient que la peine de mort est la meilleure justice pour les meurtriers, je vous rapporte ce témoignage d’une mère de famille de la Virginie diffusée sur la chaîne Discovery. Pamela était la mère d’Ann, femme de 28 ans qui vivait en concubinage avec Steven. Ils avaient un fils de 6 ans, Dylan. Un jour, la jeune femme est retrouvée morte avec 31 coups de couteaux à l’abdomen. Sa mère Pamela est une fervente adepte de la peine de mort.
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Dès l’arrestation de Steven, elle se mit à prier qu’il soit grillé. Steven est reconnu coupable de meurtre prémédité et condamné à mort. Après sept ans passés dans le couloir de la mort, il est exécuté. Pamela ne voulait, pour rien au monde, manquer ce spectacle. Pour elle, c’était boucler la boucle. Je vous retranscris le reste de son témoignage : « J’étais assise à côté du procureur et de l’avocat de Steven. J’ai assisté à toute la scène. Il n’a pas bronché. Il n’a pas paniqué. Il a juste fait un signe de croix et s’est installé sur la chaise. Quand le médecin l’a déclaré mort, j’ai senti un immense vide. Je n’étais pas satisfaite. Je me suis dit : c’est tout ? En revenant à la maison, j’ai couru vers la chambre de ma fille : son assassin est mort, mais elle n’avait pas ressuscité. J’ai trouvé mon petit-fils dans le garage. Je lui ai dit que j’étais sortie pour m’amuser un peu. Il m’a regardé et a dit : En plus tu es une menteuse ! Je sais bien que tu étais partie assister à l’exécution de mon père. Es-tu satisfaite maintenant que j’ai perdu mes deux parents ? Il n’a plus jamais parlé de cette affaire. Le jour de ses 18 ans, il a ramassé ses affaires et a quitté la maison. Je ne l’ai jamais revu. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles… Pour ma fille, j’ai perdu trois personnes ».
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Il est certes difficile d’accepter que certains types de criminels restent en vie. Mais aucune société humaine digne de ce nom ne peut légiférer et s’arroger le droit d’ôter la vie. La protection de la vie est le premier signe de l’humanité chez un humain. Ceux qui réclamaient le sang de Saddam Hussein l’ont obtenu. Malheureusement, ils découvriront très vite, que cet acte funeste ne fera d’eux ni des hommes heureux ni des hommes meilleurs. La vanité des uns et des autres est sans limites. En vérité, je vous le dis, seule la seule justice juste est celle de Dieu.
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Ousmane Sow
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(journaliste, Montréal)
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