« Dans l’art militaire, chaque opération particulière a des parties qui demandent le grand jour et des parties qui veulent les ténèbres du secret. Vouloir les assigner, cela ne se peut ; les circonstances peuvent seules les faire connaître et les déterminer. On oppose les plus grands quartiers de rochers à des eaux rapides dont on veut resserrer le lit : on n’emploie que des filets faibles et déliés pour prendre les petits oiseaux. Cependant, le fleuve rompt quelquefois ses digues après les avoir minées peu à peu, et les oiseaux viennent à bout de briser les chaînes qui les retiennent, à force de se débattre », L’art de la guerre page 27-28.
Qui mieux que le pouvoir du Président Roch Marc Christian Kaboré dans sa relation avec la France, pour illustrer cette assertion ? S’il y a un président qui a donné du fil à retordre à la France en Afrique ces 5 dernières années, c’est bien le président Rock Kaboré. Arrivé au pouvoir après l’arrachement du boulon central de la FrançAfrique en Afrique de l’Ouest, Blaise Compaoré en 2014 par le peuple Burkinabè, la France ne cachera pas son hostilité envers le Président Kaboré. Tout a commencé avec le refus du Président Roch KABORE d’assurer le relais de la France auprès de ses vrais partenaires au Sahel, les terroristes à qui la France avait ‘’financé leur implantation au nord du Mali à hauteur de 58millions d’euro ‘’ (voir New York Time du 29 Juillet 2014). Il en est suivi de sa position claire et affichée contre la monnaie de servitude le FCFA et enfin son ‘’refus de l’implantation d’une opération de force française de type Barkhane’’ (Florence Parly J.A du 1er Novembre 2018).
Cette volonté très affichée et inflexible du Président Kaboré, poussera la France et ses alliés à administrer à l’armée burkinabè et au peuple Burkinabè toute sorte d’attaques, de sabotage et de dénigrement en passant par des agissements de quelques éléments de l’ancienne garde prétorienne (RSP) du Président Compaoré. Dans les tractations médiatiques, l’interrogation du Ministre de la Défense burkinabè sur les intentions réelles de la présence française au Sahel, jointe à celles du député malien et de l’artiste Salif Keita provoqueront la convocation de Pau. Convocation qui s’était vue reporter au prix de l’attaque d’Inatès au Niger et après la réaction irritante du Président Kaboré dans les médias affirmant qu’il n’a pas eu connaissance d’une invitation de la part de Macron pour une quelconque rencontre. Cette sortie avait affiché le caractère mal poli de la politique française vis-à-vis des Dirigeants africains, provoquant ainsi un mouvement d’indignation des Africains à travers le monde entier. Et ce n’est pas tout, loin s’en faut.
La France après avoir pris le contrôle des opérations militaires de l’armée de l’air malienne, qui s’était vue interdite de faire décoller ses avions de guerre sans son accord préalable, aurait tenté d’imposer le même principe à l’armée de l’air burkinabè. L’armée burkinabè va prendre le contre-pied de la France en publiant un courrier interdisant à la France de survoler son territoire sans une demande d’autorisation préalable de 48h comme l’aurait demandé la France. Depuis lors, l’armée Burkinabè ne cesse de monter en puissance. Elle organise ses opérations de façon souveraine avec courage et détermination, produit des résultats qui ont fini par recréer et consolider la confiance du peuple. Ces victoires qui infligent un mécontentement des soi-disant partenaires, dans la lutte contre le terrorisme et la justification de leur présence militaire au Sahel auprès de leur propre opinion.
Comment le Président Kaboré a aidé, sauvé l’éco CEDEAO ?
Après la tentative de Macron de saboter la monnaie éco CEDEAO, par la création de l’éco Ado-Macron le 21 décembre 2019 à Abidjan, le Président Kaboré se serait opposé à cette nouvelle arnaque. Il a refusé d’entraîner le Burkina Faso dans un nouvel accord monétaire dans des conditions autres que celles de l’éco CEDEAO. Il sera appuyé par le président du Niger et celui du Togo, le tout couronné par l’indignation du président Buhari du Nigéria. Connaissant l’intransigeance du Président Kaboré sur les questions précitées, la France n’a pas eu d’autre choix que d’enterrer son projet d’arnaque et de sabotage de l’éco CEDEAO.
La crise malienne et la redistribution des cartes françafricaines
Dès la chute d’IBK, avant le sommet d’urgence de la CEDEAO sur le Mali, le président Macron s’est précipité à appeler ses pions que sont : Mahamadou Issoufi du Niger et surtout ADO de la Côte d’Ivoire et Macky Sall du Sénégal, pour leur dicter la conduite à tenir vis-à-vis des militaires. Voulant se racheter de son échec à saboter la monnaie éco CEDEAO, le président ADO, va essayer de prendre le contrôle du sommet. Mais il sera de façon inattendue déstabilisé à deux reprises par le jeune président Umaru Sissoco Emballo de la Guinée Bissau et désavoué par le président Kaboré qui décline toute intervention militaire contre le peuple souverain du Mali. Ayant compris qu’elle ne pourra plus compter sur ADO pour imposer son ingérence dans les organisations africaines et surtout sur la CEDEAO, la Ministre des armées françaises sort de sa réserve en s’affichant pour reprendre le relais et actualiser les menaces en exigeant le départ des militaires maliens du pouvoir.
Après la lettre ouverte que nous lui avons adressée et qui a été reprise par plusieurs journaux internationaux, la France a changé de stratégie. Le calcul est simple. ADO ayant perdu son influence et avec tous les soucis d’une élection peu approuvée par ses principaux challengers, Macky Sall appelé à partir et qui connaît déjà des contestations contre une éventuelle 3ème candidature, Mahamadou Issoufou qui a confirmé son départ, il ne reste que Roch Kaboré très proche du Sahel dont le pouvoir bénéficie d’une légalité et d’une candidature à la fois légitime et légale sur 5ans. La France a donc besoin d’un président qui a encore du crédit pour assurer ses arrières à la fois au “Jeu5“ Sahel et dans l’espace CEDEAO dans cette période de transition à la stabilité incertaine. Ce qui pourrait expliquer les multiples tournées et consultations du Président Kaboré auprès de ses pairs africains. Comme ce fleuve qui rompt ses digues après les avoir minées peu à peu, et ces oiseaux qui viennent à bout de briser les chaînes qui les retiennent, à force de se débattre, le Président Kaboré remporte une victoire sans abandonner ses convictions. Pourra t-il saisir cette opportunité pour s’afficher de façon déterminante pour la cause africaine vis-à-vis d’une France en perte de vitesse aggravée par la maladie à Coronavirus ? Ou deviendra t-il la nouvelle orange française en Afrique de l’ouest ? Si cela est avéré, l’avantage que les burkinabè pourront tirer dans ce jeu géopolitique, est d’abord leur sécurité face au terrorisme surtout pendant cette période électorale. Ils n’auront plus à craindre d’éventuelles attaques terroristes venant du GSIM de Iyad Ag Ghaly, de l’État Islamique (EI) ou du MUJAO.
La deuxième possibilité, le Président KABORE pourra se servir de sa résistance aux pressions de Paris pour convaincre ses pairs à engager une coalition militaire africaine pour la lutte contre le terrorisme. Cela suppose qu’il comprenne déjà que l’avenir de l’Afrique noire et du monde se jouent au Mali et que la CEDEAO dont il a eu voix au chapitre, a commis la plus grave erreur pour l’avenir de l’Afrique, en se concentrant seulement sur le type de dirigeant pour le Mali, laissant libre champ aux vautours de la géostratégie et de la géopolitique internationales. Somme toute, les militaires maliens choisissant la peur d’être indépendant vis-à-vis d’une CEDEAO aux ordres de la France, viennent de semer les germes d’une prochaine insurrection populaire dans les 10 prochaines années. Car tant que la France ne rendra pas Kidal au pouvoir central du Mali, le terrorisme prospérera et le peuple malien se remettra dans les rues tôt ou tard. Tôt ou tard.