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REPORTAGE. À Minneapolis, noirs et blancs remontés contre Trump

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La grande ville du Minnesota a retrouvé le calme après les émeutes provoquées, au printemps, par la mort de George Floyd, un Afro-Américain tué par un policier. Le discours sécuritaire clivant du Président passe mal et laisse le champ libre au démocrate Joe Biden.

Zone sans police  préviennent les panneaux à l’angle de la 38e rue et de l’avenue de Chicago à Minneapolis. Depuis le 25 mai 2020, les forces de l’ordre ne mettent plus les pieds sur le théâtre du contrôle de police qui a coûté la vie à George Floyd, un homme noir de 46 ans, mort étouffé sous le genou d’un agent sourd à ses cris de douleur. Rebaptisé Square George-Floyd, le lieu est  une ZAD, comme vous diriez chez vous , explique Marcia Howard, professeure noire de 42 ans, présente depuis le premier jour des manifestations du mouvement Black Lives Matter (BLM, Les vies noires comptent). En guise de Zone à défendre, un carrefour dont les quatre entrées sont obstruées par des blocs de béton et des croisillons en métal. Des bénévoles équipés d’une caméra Go Pro, d’un talkie-walkie et d’un flacon de gel hydroalcoolique montent la garde.

Marcia Howard fait partie des manifestants qui réclament « la justice raciale maintenant ».
© Élie Courboulay Marcia Howard fait partie des manifestants qui réclament « la justice raciale maintenant ».

« La justice raciale maintenant »

© Élie Courboulay « Biden c’est un moindre mal, les gens iront voter », estime Toussaint Morrison.

Après les grandes manifestations de juin, le square a retrouvé son calme. Les habitants du quartier se mélangent aux curieux venus prendre des photos de la peinture murale représentant Floyd. L’ambiance oscille entre gerbes de fleurs, produits dérivés estampillés BLM et distribution de repas gratuits certains soirs. S’il n’y a plus la foule des grands jours, les revendications restent :  La justice raciale maintenant , résume Marcia, qui habite et travaille dans le quartier depuis 1998. À côté, Toussaint Morrison acquiesce. L’homme, la trentaine bien entamée, habite à quelques rues et il est connu de tous ici.  Biden c’est un moindre mal pour la communauté noire, assure-t-il. Les gens iront voter.

© Élie Courboulay « Le pays ne survivrait pas à un second mandat de Trump », affirme Melissa, habitante d’une banlieue blanche de Minneapolis.

Mais qu’en est-il dans le reste de l’agglomération de Minneapolis et ses 4 millions d’habitants, aux deux tiers blancs, peut-être échaudés par les émeutes ?  D’habitude, quand il y a des désordres sociaux et des émeutes, c’est le candidat républicain qui est perçu comme compétent pour ramener le calme , observe Christopher Federico, président du département de Science politique de l’université du Minnesota. Mais pas cette fois. Joe Biden a toujours huit points d’avance dans les sondages réalisés dans l’État. Juste après les émeutes, son avance était même montée jusqu’à 12 points.  C’est mieux qu’Hillary Clinton en 2016 et même que Bill Clinton en 1992 et 1996.

« Le pays ne survivrait pas à un second mandat de Trump »

© Élie Courboulay Le carrefour rebaptisé square George-Floyd est devenu un lieu de recueillement et une « zone à défendre » des militants de Black Lives Matter.

Je n’ai pas voté en 2016 mais là je vais voter Biden  , confirme Melissa. Cette jeune femme de 26 ans habite Bloomington, une banlieue blanche de Minneapolis, ambiance labrador, barbecue et tondeuse à gazon. Elle n’est pas vraiment emballée par le candidat démocrate mais, dit-elle,  le pays ne survivrait pas à un second mandat de Trump . Sentiment partagé par sa compagne Desyre, 25 ans, fraîchement diplômée de l’université, qui a milité pour Bernie Sanders lors de la primaire démocrate.

Les deux jeunes femmes étaient des premières marches Black Lives Matter en juin. Elles ont cessé d’y aller. Pas par crainte des émeutes mais par crainte des organisations de suprémacistes blancs. Depuis juillet, la police de Minneapolis enquête sur ces groupes d’extrême droite, soupçonnés d’avoir déclenché et attisé les violences en marge des manifestations. Selon la police, quelque 500 magasins avaient été endommagés, une cinquantaine brûlée.

Amérique des villes contre Amérique rurale

Si le slogan  Loi et ordre  brandi par Donald Trump ne convainc pas à Minneapolis, il trouve un écho plus important dans le reste du Minnesota, État très rural où la population noire représente seulement 7 % des 5,6 millions d’habitants.  Les gens qui vivent dans ces zones ne considèrent pas le racisme comme un problème important , selon Christopher Federico, pour qui la polarisation des États-Unis entre les grandes villes et États industriels, démocrates pour la majorité, et les États ruraux du Midwest et du Sud, républicains, n’a jamais été aussi grande.

Lors de la présidentielle de 2016, les démocrates ont emporté le Minnesota avec une avance de 40 000 voix, sur un total de 3 millions de votants. Mais ils n’ont obtenu la majorité que dans neuf circonscriptions, les plus urbaines, sur les 87 que compte l’État.  Les études montrent que les personnes vivant en ville supportent plus le mouvement Black Lives Matter et estiment que les manifestations ont été pacifiques dans leur ensemble, au contraire des habitants des zones rurales , résume le politologue. D’après l’Acled, ONG qui collecte des données sur les manifestations, 93 % des marches Black Lives Matter se sont déroulées sans aucun incident.

Loin de rallier de nouveaux électeurs, la stratégie du Président divise un peu plus le pays. Le combat pour l’égalité raciale rassemble au contraire autour de Biden des abstentionnistes de 2016. Mais cette fois, personne ne crie victoire trop tôt, confirme Melissa, inquiète :  L’Amérique l’a élu une fois, on serait idiot de croire qu’elle ne peut pas le faire à nouveau…

Source: https://www.ouest-france.fr/

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