Des représentants de haut rang américains et ukrainiens se réunissent mardi en Arabie saoudite pour des discussions destinées à réparer les liens bilatéraux et à évaluer si Kyiv est disposé à effectuer les concessions que Washington réclame en vue de mettre fin rapidement à la guerre avec la Russie.
Alors que les Etats-Unis étaient le principal allié de l’Ukraine face à l’invasion lancée par la Russie en février 2022, avec des dizaines de milliards de dollars d’aides apportées par l’administration de l’ancien président américain Joe Biden, la donne a changé à Washington avec le retour au pouvoir de Donald Trump le 20 janvier dernier.
Le président américain, qui a répété son intention de mettre fin rapidement au conflit entre l’Ukraine et la Russie, a adopté un ton conciliant avec Moscou, renouant le contact avec le président russe Vladimir Poutine, et exercé des pressions sur Kyiv pour accepter ses conditions en vue d’un accord de paix.
Dans la foulée de sa vive altercation avec son homologue ukrainien Volodimir Zelensky à la Maison blanche le 28 février, Donald Trump a suspendu la semaine dernière l’aide militaire à Kyiv, considérée comme cruciale, et le partage des renseignements, non moins important.
Cette visite de Volodimir Zelensky, qualifié dans le passé de “dictateur” par Donald Trump, a été écourtée alors qu’elle devait donner lieu à la signature d’un accord sur les minerais rares ukrainiens réclamé par le président américain, qui entend par ce biais obtenir du gouvernement ukrainien le remboursement des aides apportées par Washington à Kyiv pendant trois ans.
“AVOIR UNE IDÉE DES CONCESSIONS” AUXQUELLES ILS SONT PRÊTS
Face aux pressions américaines intenses, Volodimir Zelensky s’efforce de montrer la bonne volonté de l’Ukraine, exprimant son souhait de travailler avec les Etats-Unis pour trouver une issue au conflit et assurant lundi soir de la position “pleinement constructive” de la délégation ukrainienne qui prendra part aux discussions de Djeddah, en dépit du refus de Washington d’apporter à Kyiv les garanties sécuritaires qu’il réclame en vue d’un accord avec Moscou.
“Nous voulons comprendre la position ukrainienne et avoir une idée globale des concessions qu’ils sont disposés à effectuer, parce que nous n’obtiendrons pas un cessez-le-feu et une fin à cette guerre si les deux camps ne font pas des concessions”, a déclaré lundi à des journalistes le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, au moment de se rendre à Djeddah.
Le chef de la diplomatie américaine aura notamment à ses côtés mardi le conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, Mike Waltz, pour les discussions avec la délégation ukrainienne menée par Andriy Yermak, un haut conseiller de Volodimir Zelensky. Le président ukrainien, en visite lundi en Arabie saoudite pour y rencontrer le prince héritier Mohammed ben Salman, ne prendra pas part à ces pourparlers.
Steve Witkoff, émissaire spécial de la Maison blanche pour le Proche-Orient mais impliqué dans les discussions sur l’Ukraine, a exprimé son optimisme à l’égard de la signature de l’accord sur les minerais rares ukrainiens, même si Marco Rubio s’est montré plus mesuré.
Il est prévu que Steve Witkoff se rende à nouveau à Moscou pour y rencontrer Vladimir Poutine, ont rapporté lundi deux personnes au fait de la question, après une visite rendue au président russe en février. Ce déplacement devrait avoir lieu cette semaine, a dit l’une des sources.
CÉDER DES TERRITOIRES ?
A la suite d’un entretien téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Washington et Moscou ont ouvert dans la capitale saoudienne Ryad des discussions pour restaurer leurs relations. La Russie est à cette occasion restée ferme sur ses exigences à propos de l’Ukraine: annexer les territoires conquis et interdire à Kyiv d’intégrer l’Otan.
Marco Rubio a refusé lundi devant les journalistes de spécifier les concessions que les deux camps devront effectuer, mais il a dit que l’Ukraine éprouverait des difficultés à récupérer l’intégralité de son territoire. La Russie contrôle environ un cinquième du territoire ukrainien, dont la péninsule de Crimée annexée en 2014.
“Les Russes ne peuvent pas conquérir toute l’Ukraine, et il sera évidemment très difficile pour l’Ukraine de contraindre, dans un laps de temps raisonnable, les Russes à se retirer là où ils étaient en 2014”, a dit le secrétaire d’Etat américain.
De hauts représentants de l’administration Trump, et le président américain lui-même, ont déclaré par le passé que Kyiv devait oublier ses objectifs d’intégrer l’Otan et de retrouver ses frontières d’avant 2014.
Les alliés européens de l’Ukraine, qui ont multiplié les réunions d’urgence, répètent que Kyiv doit prendre part en position de force à de quelconques discussions de paix avec Moscou et ne doit pas être poussé à la table des négociations avec son agresseur russe.
Volodimir Zelensky a régulièrement déclaré que Vladimir Poutine ne voulait pas la paix et a prévenu que la Russie pourrait attaquer d’autres pays européens si elle n’essuyait pas un échec dans son invasion de l’Ukraine. Il a réclamé par le passé comme préalable à d’éventuelles négociations que Moscou se retire des territoires conquis depuis le début de son invasion.
(Reportage de Daphne Psaledakis et Pesha Magid; version française Jean Terzian)