Depuis cinquante ans déjà, les Etats-Unis entretiennent des contacts secrets avec Cuba, malgré leur hostilité ouverte. Sous le président Clinton, l’ancien président Carter faisait fonction de médiateur. C’est ce qui ressort d’un nouveau livre sur les rapports entre les Etats-Unis et Cuba.
Le livre Back Channel to Cuba révèle notamment que Henry Kissinger, de 1969 à 1977 ministre des Affaires Etrangères et conseiller de sécurité national sous les présidents Nixon et Ford, a entrepris des tentatives de rapprochement. A partir de novembre 1975, suite à l’intervention cubaine en Angola, il était devenu plus favorable au ‘tabassage’ du pays.
Le livre a été écrit par Peter Kornbluh, spécialiste de Cuba au National Security Archive, et William LeoGrande, spécialiste de Cuba à l’American University à Washington, DC. Il s’agit d’un enchainement d’histoires de médiateurs secrets qui ont fait des aller-retour entre les deux capitales, même dans les périodes de conflit intense.
Blocus économique
Depuis 1960, Cuba subit un blocus économique des Etats-Unis. Après la fin de la Guerre Froide, les relations ouvertes sont restées particulièrement mauvaises. Il ressort toutefois du livre que même le président John F. Kennedy (1961-1963), qui avait introduit le blocus, a pris des initiatives secrètes pour arriver à un dialogue.
Entre temps, le discours officiel restait bourré de rhétorique de la guerre froide. Seul le président et une poignée de personnes étaient au courant de ces contacts. En fait, depuis 1960, il n’y a aucun président qui n’a pas communiqué avec Cuba via des médiateurs.
Le président Jimmy Carter
L’une des révélations du livre concerne le rôle de l’ancien président Jimmy Carter (1977-1981). En 1994, sous la présidence de Bill Clinton, il y avait une grande affluence de boat people cubains qui s’aventuraient au passage dangereux vers la Floride.
La même chose était déjà arrivée en 1980. A l’époque, c’était même une des raisons de l’échec électoral du président Carter face au républicain Ronald Reagan. En effet, il était devenu clair que Cuba laissait partir surtout des criminels de droit commun et des patients psychiatriques aux Etats-Unis.
En 1994, Carter a écrit lui-même une lettre à Fidel Castro, dans laquelle il proposait de chercher une solution ensemble et “d’œuvrer à une solution future pour les divergences de longue durée”. Via l’ambassadeur cubain auprès des NU, Carter a négocié au sujet du nombre d’immigrés auxquels les Etats-Unis donneraient l’asile.
Pendant sa propre présidence, Carter avait déjà essayé de normaliser les relations. Les deux gouvernements ont créé des ‘postes d’observateur’ dans les deux capitales pour défendre leurs intérêts. Au moment où la guerre froide s’est intensifiée, la marge de manœuvre de Carter s’est rétrécie.
Henry Kissinger
Henry Kissinger avait déjà cherché à relâcher les relations auparavant. Ses représentants négociaient pour voir s’il existait une « même bonne volonté des deux côtés pour régler les divergences ».
L’intervention cubaine en Angola, devenu indépendant début 1975 et en proie d’une guerre civile interne, a mis fin aux tentatives de rapprochement. Les Etats-Unis soutenaient inconditionnellement les rebelles de droite de l’UNITA, sous la direction de Jonas Savimbi, après quoi Cuba a donné du soutien militaire à la guérilla de gauche du MPLA, dirigé par Agostinho Nieto.
L’engagement militaire cubain a favorisé la victoire du MPLA. En même temps, l’armée cubaine infligeait une défaite terrible à l’armée sud-africaine en Angola, ce qui sonnait le glas du régime d’apartheid (voir Mandela, Cuba et la fin de l’apartheid).
Kissinger était furieux quant à cette ‘ingérence’, dévoile le livre. « Je crois que nous devons écraser Castro”, affirmait-il au président Gerad Ford. « Nous ne pourrons probablement pas le faire avant les élections [présidentielles] [de novembre 1976, que le président Ford a perdu de justesse du candidat démocratique Jimmy].”
Kissinger avait peur que Cuba n’intervienne dans d’autres pays africains. « S’ils partent en Namibie ou en Rhodésie (l’actuel Zimbabwe), je proposerais de les tabasser”, a dit Kissinger selon la transcription de l’entretien. “Cela déchaînera une rage, mais je crois que nous devons revendiquer qu’ils quittent l’Afrique”.
Kissinger a établi un vaste plan pour une attaque militaire contre Cuba. Le nouveau président Carter n’a toutefois pas repris ce plan d’attaque militaire de Kissinger. Il avait un tout autre regard sur le problème.
Sorties diplomatiques
Les sorties diplomatiques entre les deux pays jouent un rôle primordial dans le livre. « Les présidents utiliseront toujours ce genre de canaux », a dit LeoGrande, le co-auteur.
« Utiliser des canaux diplomatiques sans l’ébruiter est probablement nécessaire pour résoudre des problèmes diplomatiques complexes. » Les auteurs sont persuadés qu’il est possible de faire des pas positifs vers une réouverture des contacts formels avec l’île.
IPS
Interview avec les auteurs du livre sur Democracy Now!: Secret History of U.S.-Cuba Ties Reveals Henry Kissinger Plan to Bomb Havana for Fighting Apartheid
Back Channel to Cuba. The Hidden History of Negotiations between Washington and Havana.
Documents Detail Secret Talks Between Washington and Havana
trad.: Hilde Meesters
(Tiré de Le Cuba Si France)
Sidenio Acosta Aday
Embajador
Embajada de Cuba en Mali