La sous-région et la chute de Blaise Compaoré : La place vacante du « doyen »

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En direct: le président Compaoré dissout le gouvernement burkinabè
Blaise Compaoré, photographié le 26 juillet 2014 au palais présidentiel burkinabè.
AFP PHOTO/ SIA KAMBOU

Peut-on échapper à son destin ? Assurément non. La sagesse enseigne même à ce propos que l’être humain est tenu de suivre son destin. S’il refuse, son destin le traînera derrière lui. Après la chute inattendue de l’homme fort de Ouagadougou, on ne peut s’empêcher de penser au caractère inéluctable du destin. Tout espoir de lui échapper semble, à posteriori, vain. Ainsi pensaient par exemple les Grecs de l’Antiquité. Pour eux, l’être humain n’a aucune prise sur les événements, même les plus petits. Nous sommes comme programmés pour une certaine vie, selon une certaine personnalité, à une certaine époque et culture, et les grands événements ne sont que la résultante d’une accumulation d’événements plus petits.

La fin peu glorieuse du long règne de Blaise Compaoré a surpris plus d’un. Tant l’homme s’était imposé aussi bien dans son pays que sur l’échiquier continental, accumulant les dossiers de médiation avec plus ou moins de succès. Son poids diplomatique était d’autant plus important qu’il avait le statut de doyen sans être le plus âgé des chefs d’Etat de la région ouest-africaine.

C’est donc sans surprise que son absence a suscité un flot de commentaires dans le milieu des journalistes présents à Accra pour couvrir le dernier sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cedeao consacré à la crise burkinabé et à l’épidémie Ebola.

Regroupés dans une salle spécialement aménagée pour la presse à l’occasion, les journalistes meublaient le temps pendant le huis clos des chefs d’Etat avec des anecdotes, des analyses et des commentaires sur le départ précipité du président Blaise Compaoré. « C’est vrai, il était peu bavard devant des micros. Mais les rares fois qu’il acceptait de parler, ses analyses tombaient comme des prémonitions après les huis clos. Lors du sommet extraordinaire de la Cedeao sur la crise malienne à Yamoussoukro, je lui ai posé la question sur ses attentes par rapport aux décisions qui y seront prises. Il m’a répondu que l’organisation prendra des décisions fermes à l’encontre du Mali à travers un embargo diplomatique et financier ainsi que la suspension du pays du groupe régional. Et le communiqué final du sommet n’a fait que confirmer cela malgré la réticence de certains de ses pairs contre cet embargo. Depuis j’ai compris que sa voix comptait beaucoup dans les décisions de l’organisation », témoigne un confrère ivoirien.

Un journaliste burkinabé ajoute que l’ex-locataire du palais de Kosyam se caractérisait par sa fermeté lors des sommets. « Son statut de doyen lui donnait tous les privilèges. D’abord au niveau protocolaire, il était toujours en première place après le chef de l’Etat qui préside l’organisation. Ensuite, il était cité dans les différents discours surtout ces derniers temps où le titre de doyen de chef de l’Etat revenait comme un refrain. Puis, il était toujours sur la liste des intervenants pour donner sa lecture ou son analyse d’une situation. A cela, il faut ajouter sa surexposition médiatique surtout par les grandes chaines internationales qui le convoitaient lors des sommets. Et conscient de cette convoitise, il se faisait désirer. Bref, c’était le leader incontesté des chefs d’Etat de la sous région. Il était consulté par ses pairs aussi bien pour des problèmes régionaux, sous régionaux que nationaux, comme un sage », analyse notre confrère burkinabé.

Le charisme de l’ex-homme fort de Ouagadougou retient aussi l’attention d’un confrère sénégalais. « Médiateur de toutes les crises, au cœur des grands coups fourrés dans les pays voisins, sur la géopolitique régionale, il n’y avait pas meilleur expert. Il était aussi écouté du Nord que du Sud. Cela lui donnait un certain avantage sur ces pairs de la sous région dont certains le craignaient, d’autres le méprisant et d’autres l’adulant, mais devant lui tous affichaient un comportement irréprochable », argumente le confrère.

Au delà des commentaires et des anecdotes à son sujet, la plupart des journalistes estiment que le départ précipité de Blaise Compaoré tourne une page dans la vie des organisations sous-régionales et régionales au sein desquelles il avait imposé son leadership. Il ne laissait personne indifférent. Qu’on l’admire ou qu’on le haïsse. Son impressionnant carnet d’adresses doublé d’une connaissance fine de la scène politique de presque tous les pays voisins, faisait de lui un homme quasiment incontournable.

Le médiateur sans frontières laisse orphelines les organisations régionales qui sont, à présent, en quête d’un nouveau « doyen ».

D. DJIRE 

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