Après 10 années sombres passées à la prison de Schevenigen au Pays-Bas, le sénateur Jean Pierre Bemba Gombo a vu son horizon politique s’éclaircir avec son acquittement spectaculaire en juin dernier par la Cour pénale internationale (CPI) dans l’affaire qui l’opposait au Procureur pour crime contre l’humanité et crime de guerre sur des faits commis par ses soldats en 2002 en République Centrafricaine.
Oubliées les années noires de La Haye, effacées les vieilles rancœurs avec la Majorité présidentielle nées au lendemain de la présidentielle de 2006, le gouvernement s’est empressé de lui délivrer un passeport diplomatique. Une procédure expéditive qui tranche d’avec le calvaire que vit Moïse Katumbi pour renouveler son passeport expiré.
En fait, si Bemba est soigné aux petits oignons par le pouvoir, c’est parce qu’il entend en tirer des dividendes politiques. Bemba peut en effet constituer son joker dans son obstination à conserver le pouvoir au terme des prochaines élections que l’on annonce comme les plus disputées de l’histoire de la RDC.
En effet, la Majorité présidentielle est consciente que l’ex Bandundu et l’ex Katanga ne lui seront pas acquis comme en 2011, à cause des relations en dents de scie avec le Palu, d’une part, et à cause de la défection de Moïse Katumbi, d’autre part.
Pour compenser la perte dans les deux provinces précitées, l’ex Equateur est la province sur laquelle la majorité compte faire la différence. Et Bemba y est resté très populaire en dépit de sa longue incarcération. Selon plusieurs sources, des négociations discrètes ont débuté entre la Majorité présidentielle et le MLC pour un accord politique. Les stratèges de la Majorité présidentielle veulent obtenir ce qu’ils n’ont pas pu avoir avec l’UDPS lors des négociations secrètes à Ibiza et Venise, notamment.
Faire de JP Bemba le joker de la Majorité présidentielle en l’intronisant dauphin, semble l’option levée par le camp Kabila. C’est risqué car à la Majorité présidentielle tout le monde n’est pas d’accord avec cette option qui comporte des risques de faire imploser le camp présidentiel.
Toutefois, Joseph Kabila a déjà obtenu de tous ses partisans qu’ils s’inclinent devant son choix. En cela, Kabila a anticipé les dissensions.
Même en faisant signer la charte FCC, Kabila n’évitera pas les départs une fois son choix connu sur le candidat MP à la présidentielle.
Cependant, les Kabilistes sont clairs et insistent pour que Jean Pierre Bemba fasse allégeance au président Joseph Kabila. Il doit accepter que ce dernier soit son autorité morale comme l’ont fait les autres : Kengo et Tshibala, notamment.
Alors que la Majorité n’a d’yeux que pour Bemba, son parti l’a si bien compris et l’a, le 13 juillet, vite investi candidat, président du Mouvement de Libération du Congo (MLC) à la présidentielle du 23 décembre 2018. Question d’affirmer ses ambitions.
Le retour de Bemba sur la scène politique, alors qu’il ne l’avait pas vraiment quittée, est donc une opportunité pour la Majorité présidentielle pour désorganiser davantage l’opposition.
Cependant, l’avenir judiciaire de l’ancien vice-président de la République (2003-2006), n’est pas totalement dégagé. Bemba est condamné définitivement par la CPI dans l’affaire dite de « subornation des témoins ».
Cette condamnation a fait dire à certaines gens que le président du MLC n’était plus éligible à la présidentielle de décembre 2018. À l’appui de leurs propos, ils brandissent l’article 10 de la loi électorale excluant de la présidentielle les candidats condamnés pour corruption.
Sauf que le droit pénal est d’interprétation stricte. Subornation des témoins, qui est une entrave à l’administration de la justice, n’est pas à confondre avec la corruption. Donc Bemba est bel et bien éligible.
Mais le seul hic est que les juges n’ont pas prononcé de sentence définitive. Ils ont promis de rendre leur décision dans un temps raisonnable, sans plus de précision. Or même muni de son tout neuf passeport diplomatique, Bemba ne peut pas quitter Schengen avant la sentence des juges.
Le dépôt des candidatures à la présidentielle de décembre 2018 débute le 25 juillet et se termine le 8 août. Pour Bemba qui n’a pu s’enrôler, la présence physique est indispensable pour que sa candidature soit recevable car il va en même temps se faire identifier comme électeur.
Les juges de la CPI doivent donc se prononcer avant le 7 août pour débloquer le destin présidentiel de JP Bemba. Ce qui fait dire à plusieurs observateurs que la communauté internationale a encore de quoi tirer les ficelles et faire chanter le « chairman ».
Dans tous les cas, JP Bemba est à nouveau au cœur du jeu politique et se trouve bien accueilli par la Majorité de l’opposition.
YAWO ATIAH