En RDC, 6 candidatures sur 25 à la présidentielle du 23 décembre sont déclarées irrecevables. C’est ce qu’a annoncé la commission électorale congolaise. Sont concernés l’ancien vice-président et l’un des principaux opposants, Jean-Pierre Bemba, pour subornation de témoin, les anciens premiers ministres Antoine Gizenga, Adolphe Muzito et Sami Badibanga, Jean-Paul Moka-Ngolo et Marie Josée Ifoku.
Sur 25 candidatures à la présidentielle en RDC, 19 ont été retenues par la Commission électorale, chargée d’examiner leur validité. Pour les législatives, sur 15 505 candidatures reçues, 282 ont été considérées par la Ceni comme irrecevables.
Eve Bazaiba, la secrétaire générale du MLC, le parti de Jean-Pierre Bemba, qui avait réuni hier soir la quasi-totalité des candidats ou leurs représentants au siège de son parti, a été la première à réagir à cette annonce. Au micro de RFI, elle s’insurge contre la décision. A ses yeux, la candidature de Jean-Pierre Bemba « faisait trembler la Kabilie au point d’instrumentaliser la Ceni en vue de l’écarter ». Elle affirme que le ministre de la Justice avait envoyé une lettre « assortie de la liste des noms des personnes que Kabila ne voulait pas voir postuler ».
A présent, son parti va « utiliser toutes les voies du droit pour réclamer » le droit de Jean-Pierre Bemba à se présenter à l’élection présidentielle et prendra « le peuple et toute l’opinion nationale et internationale à témoin ». Les partisans de Jean-Pierre Bemba considèrent en effet qu’il avait le droit de se présenter.
Certes, l’ancien vice-président a été reconnu coupable par la CPI de subornation de témoins. Certes, la loi électorale prévoit l’invalidation de tout candidat condamné par un jugement irrevocable de corruption. Mais, pour le MLC, corruption et subornation de témoins sont deux délits différents dans le code pénal congolais. Dès vendredi soir, un activiste congolais s’étonnait que la commission électorale s’érige en tribunal et interprète une décision de la justice internationale. Pour Eve Bazaiba son candidat « a été acquitté totalement » et la subornation de témoin n’est « pas reprise dans la loi électorale ».
Cinq autres candidatures rejetées
Marie Josée Ifoku, la seule femme sur la liste des 25 candidats à la présidentielle fait aussi partie des recalés, pour défaut de nationalité d’origine d’après la Ceni. Même raison pour expliquer le rejet de l’ancien Premier ministre Samy Badibanga. Il n’aurait pas recouvré sa nationalité légalement après l’avoir perdue en optant précédemment pour une autre. Une question qui avait pourtant été soulevée en 2016 lors de sa nomination. A l’époque, le gouvernement avait assuré que le problème avait été réglé.
Deux autres anciens chefs du gouvernement nommés par Joseph Kabila sont également exclus par la Ceni. Aldophe Muzito pour conflit avec son parti, le parti lumumbiste unifié (PALU) et Antoine Gizenga pour défaut de signature. La Commission reproche à ce compagnon de Lumumba de n’avoir pas bien rempli les différents formulaires lors du dépôt de sa candidature.
La candidature de Jean-Moka a elle aussi été écartée par la Ceni, qui annonce n’avoir pas pu retracer le paiement de la caution électorale de 100 000 dollars américains.
Déclaration et « mise en garde » commune de l’opposition
Plutôt dans la soirée, avant même que la Ceni ne s’exprime, 6 candidats à la présidentielle ont pris les devants. Dans un communiqué ils ont mis en garde la Commission électorale. Ils lui ont demandé de ne pas céder aux injonctions politiques visant à exclure certains candidats à la présidentielle.
« L’opposition politique congolaise et les candidats-président de la République rappellent à la communauté nationale et internationale que, conformément à la déclaration du 13 août 2018, le renoncement de monsieur Kabila à un troisième mandat inconstitutionnel ne constituait pas la fin du combat dans la quête des élections inclusives, transparentes, crédibles et apaisées », affirme cette déclaration, lue par Martin Fayulu, le candidat de la dynamique de l’opposition.
Les candidats de l’opposition « tirent la sonnette d’alarme sur les manipulations flagrantes en cours visant à vider le scrutin de leur essence démocratique ». L’opposition affirme en effet être « en possession d’éléments probants attestant que le pouvoir en place, par l’entremise du ministre de la Justice et de cadres de la majorité au pouvoir » ont donné « des injonctions à la Ceni » dans le but « d’exclure plusieurs candidats de l’opposition du processus électoral ».
Des injonctions qui auraient été données « dans le but d’écarter les candidats Jean-Pierre Bemba et Félix Tshisekedi » – la candidature de ce dernier n’a finalement pas été rejetée. Et ce, à la suite de l’impossibilité pour Moïse Katumbi de déposer sa candidature « pour des motifs juridiquement infondés ».
L’opposition considère donc que le pouvoir cherche « à confisquer le processus électoral » et met en garde Corneille Nangaa, président de la commission électorale « qui subira seul les graves conséquences de ses actes ». Elle « exige » enfin la libération du processus électoral et lance un « appel à la mobilisation générale du peuple congolais afin de résister à cette provocation de trop » de la part d’un pouvoir qualifié de « dictatorial ».
Publié le 25-08-2018