Le franc CFA est régulièrement critiqué en Afrique subsaharienne, dans les rues de nombreuses capitales comme dans les milieux intellectuels. Il serait la cause de nombreux maux socio-économiques que traversent ces pays. Comment se caractérise ce rejet ? Quelles en sont les principales raisons ? Où en est-on du processus, entamé en 2020, de la disparition du franc CFA en Afrique de l’Ouest et du passage à l’éco ? Quelles sont les perspectives monétaires à court et moyen terme des pays francophones d’Afrique de l’Ouest ? Le point avec Émilie Laffiteau, macroéconomiste, chercheuse associée à l’IRIS.
Rappel : le franc de la Communauté financière africaine (CFA) ou XOF est la monnaie des 8 pays de l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest (UEMOA) : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Le franc de la Coopération financière en Afrique centrale (CFA) ou XAF est la monnaie commune de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) : Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République du Congo et Tchad.
Le franc CFA semble rejeté dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest. Pourquoi ce rejet ?
Dans la pratique, l’utilisation du franc CFA reste de mise et il a moins souffert que d’autres monnaies des pays voisins telles que le cedi du Ghana ou le naira du Nigéria d’une dépréciation réelle de sa valeur. Les marchés financiers comme les citoyens ouest-africains continuent de lui accorder une relative confiance tant comme intermédiaire aux échanges et unité de compte que comme réserve de valeur (par exemple, la Côte d’Ivoire a, ces dernières années, réussi d’importantes levées de fonds sur les marchés financiers à des niveaux jamais observés par le passé). En revanche, dans les discours, il est assurément de plus en plus contesté par les populations ouest-africaines et certains leaders politiques. On a ainsi pu voir dans les manifestations et rassemblements populaires à Ouagadougou, Bamako, Niamey mais aussi Dakar des slogans virulents demandant son retrait. Le Front panafricain anti-CFA porté par l’activiste franco-béninois Kemi Seba est très actif sur les réseaux sociaux depuis 2017. Dans les milieux intellectuels, parmi les nombreux défenseurs de son retrait, on retrouve l’économiste Kako Nubukpo, actuel commissaire de la Commission de l’UEMOA et ancien ministre de l’Économie du Togo. On peut par ailleurs souligner que ce rejet est également perceptible en Afrique centrale, au Cameroun par exemple, mais dans une moindre mesure.
Les raisons de ce rejet ou ressentiment sont multiples. Il est évident que le franc CFA, ne serait-ce que par son nom « franc », reste un héritage fort de la colonisation de la France dans ces pays. Même si des arguments alambiqués ne manquent pas d’animer le débat, la volonté des États et des peuples ouest-africains de disposer d’un instrument discrétionnaire de politique monétaire en s’affranchissant pleinement de la tutelle de la France apparait pleinement légitime. Outre cet argument de souveraineté monétaire, les pourfendeurs du FCA dénoncent à raison les inconvénients économiques d’une parité de change fixe avec l’euro. Cet arrimage n’incite pas les entreprises exportatrices africaines à fournir des efforts de compétitivité et décourage la volonté de substitution aux importations par la production locale. Elle entretient les pays dans une forte dépendance pour ses intrants (principalement des biens intermédiaires en provenance de Chine et d’autres continents) et maintient une économie de rente des matières premières. Mais le rejet du CFA va en réalité bien au-delà de l’enjeu monétaire : c’est sans doute la bataille la plus symbolique que puissent mener les partisans d’une prise de distance avec la France, à de multiples niveaux : diplomatique, économique, militaire ou culturel. Bref, il ne s’agit pas seulement de revendication de souveraineté monétaire, mais de souveraineté nationale.
Qu’en est-il de la fin annoncée du franc CFA en 2020 et du passage à l’éco ?
En mai 2020, les présidents ivoirien et français, Alassane Ouattara et Emmanuel Macron, ont entériné officiellement la réforme du franc CFA annoncée en décembre 2019, reconnaissant que cette monnaie est « perçue comme l’un des vestiges de la Françafrique ».
Aujourd’hui ce projet semble au point mort, en grande partie à cause de la conjoncture économique et géopolitique mondiale. La guerre en Ukraine, la hausse des taux d’intérêt au niveau mondial et l’inflation mettent en souffrance les régimes de change flexibles des pays en développement (on a vu dernièrement le Ghana faire défaut et subir une inflation galopante). Au contraire le franc CFA, grâce à sa parité avec l’euro et sa garantie du Trésor français, assure une relative maîtrise de l’inflation, limite le coût de l’endettement en devises et évite une défense de la monnaie locale qui serait très couteuse en devises internationales.
Quelles sont les perspectives monétaires pour les pays de l’UEMOA ?
Plusieurs scénarios sont possibles dont trois semblent plus probables. Le premier, celui de l’éco comme monnaie commune entre les 15 pays de la CEDEAO. Il comporte l’avantage d’être celui pour lequel les efforts sont actuellement consacrés afin de donner suite à la réforme de 2020 et engage le Nigéria qui détient, grâce à son pétrole, un niveau de réserves en devises largement plus élevé que ses voisins, ce qui permettrait de défendre la valeur de la nouvelle monnaie.
À court terme, le statu quo risque donc de durer. Si la volonté de souveraineté monétaire des pays de l’UEMOA est pleinement légitime, les alternatives au franc CFA restent à l’heure actuelle mal embarquées.
Source : IRIS
MALADES MENTAUX OCCIDENTAUX
Merci d’avoir fait avancer le débat avec votre brillante intervention.
Vivement que les africains suivent Kemi Seba et autres apprentis économistes pour frapper monnaies sans valeur aucune et qui s’effondrera le jour même de son émission …… se sera le coup de grâce porté par les mégalos et autres énergumènes
Comments are closed.