Acquittés il y a un an, l’ancien chef de l’État et son ancien ministre de la Jeunesse vivent en Belgique et aux Pays-Bas, avec des conditions restrictives de liberté. Aujourd’hui, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé demandent à la chambre d’appel de la CPI de leur accorder une liberté sans condition.
Costume sombre, écharpe bleue autour du cou, Laurent Gbagbo est assis aux côtés de ses avocats et non dans le box des accusés. Acquitté depuis un an, l’ancien chef d’État veut rentrer en Côte d’Ivoire. Alors ses avocats insistent sur le préjudice causé par cette situation.
« Le passage du temps renforce et assoit de manière concrète et durable cette restriction et cette atteinte à la liberté et donc à cette injustice. La défense estime donc que sur le principe, il ne peut être imposée de restriction à la liberté d’une personne acquittée qui doit pouvoir exercer l’intégralité de ses droits », a déclaré Me Jacobs.
Puis l’équipe de la procureure Fatou Bensouda jette un froid dans la salle d’audience en annonçant un changement de stratégie.
Mi-octobre, dans son mémoire d’appel, la procureure demande à la chambre d’appel de conclure à une erreur judiciaire, et n’évoque la suite des procédures que sous forme d’hypothèse. Mais ce jeudi, changement de cap. L’équipe de Fatou Bensouda précise ses intentions : la procureure veut rejuger Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. « La procureure a l’intention de continuer la procédure contre M. Gbgabo et M. Blé Goudé. Si notre appel est accepté, le procureur demandera ensuite un nouveau procès contre M. Gbagbo et M. Blé Goudé », a annoncé Me Gallmetzer, son substitut.
La défense rappelle la « faiblesse des preuves » accusatoires
Car pour Fatou Bensouda, l’arrêt qui a conduit à l’acquittement de ces deux responsables politiques est entaché de vices de procédures. La procureure demande donc à la chambre d’appel de la CPI de remettre en question cet arrêt et de maintenir Laurent Gbagbo dans une situation de liberté soumise à des conditions jusqu’au bout de la procédure.
Mais pour la défense de l’ancien chef d’État, après huit ans de détention, « cela reviendrait à mettre Laurent Gbagbo en détention ad vitam aeternam », proteste Me Jennifer Naori.
De plus, il y a un an, les juges avaient prononcé l’acquittement, en raison notamment de « la faiblesse exceptionnelle » des preuves apportées par Fatou Bensouda, rappelle l’un des avocats de la défense. Les conseils de Laurent Gbagbo ont donc insisté sur l’importance de le libérer sans condition afin d’éviter de créer une injustice. Laurent Gbagbo, soulignent-ils, s’est engagé par écrit, à se présenter à tout moment devant la Cour pour son procès en appel.
Perplexe devant ce changement de stratégie, le juge-président de la chambre d’appel, Chile Eboe Osuji, rappelle que cette solution ne convient qu’à l’accusation, qui avait déjà présenté l’ensemble de ses témoins en première instance. Après des réflexions juridiques et parfois philosophiques sur la notion de liberté, chaque partie s’est engagée à rendre ses observations par écrit ce vendredi.