Présidents africains: un juge indépendant va pouvoir enquêter sur les biens mal acquis

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 PARIS (AFP) – mardi 09 novembre 2010 – 17h38 – Un juge d’instruction indépendant va pouvoir enquêter sur le patrimoine en France de trois présidents africains et de leurs proches, après une décision historique de la Cour de cassation qui ouvre la voie aux plaintes des , jusque-là irrecevables.

Mardi, la chambre criminelle, présidée par Bertrand Louvel, a jugé recevable la plainte de Transparency International, une organisation non-gouvernementale (ONG) spécialisée dans la lutte contre la corruption, dans l’affaire dite des "biens mal acquis". Alors que depuis des mois le parquet s’oppose à une enquête, un juge d’instruction devrait être saisi dans les jours qui viennent.

Cet arrêt est inédit car jusqu’à présent la justice estimait que les associations de lutte contre la corruption ne pouvaient arguer d’un quelconque préjudice personnel dans ce type d’affaire. Au contraire, la justice considérait qu’il revenait au seul parquet d’engager des poursuites en matière de corruption.

En mars 2007, plusieurs associations avaient déposé plainte contre les conditions d’acquisition d’un important patrimoine immobilier et mobilier en France par trois chefs d’Etat africains – Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang Nguema de Guinée équatoriale et le défunt chef d’Etat gabonais Omar Bongo Ondimda, et certains de leurs proches.

D’après Transparency International (TI), le patrimoine immobilier des trois chefs d’Etat en France s’élèverait à 160 millions d’euros. Le clan Bongo possèderait à lui seul une trentaine de luxueux appartements ou maisons.

A l’issue d’une enquête préliminaire approfondie, le parquet avait classé le dossier.

En décembre 2008, TI avait à son tour déposé une plainte, qui fut également classée sans suite. Elle avait alors déposé plainte avec constitution de partie civile, procédure qui permet de contourner le parquet et de saisir directement un juge d’instruction.

En mai 2009, une juge du pôle financier de Paris avait redonné espoir à l’ONG, en donnant son feu vert à l’ouverture d’une enquête. Le parquet avait immédiatement fait appel de cette décision, estimant que le plaignant n’avait juridiquement pas d’intérêt à agir.

Le 29 octobre 2009, la cour d’appel de Paris avait finalement suivi l’analyse du ministère public, en déclarant Transparency irrecevable. Elle avait notamment jugé que les statuts de l’association adoptaient une définition trop "large" de la corruption. L’ONG s’était alors pourvue en cassation.

A l’audience du 26 octobre, son avocat, Me Emmanuel Piwnica, avait demandé à la Cour de cassation de "censurer" l’arrêt de la cour d’appel, car "contrairement à ce qu’elle dit" dans son arrêt, "le parquet n’a pas le monopole de la défense des intérêts collectifs". Mardi, la Cour de cassation lui a donné raison, en estimant que l’ONG avait bien subi "un préjudice direct et personnel".

L’enquête peut donc commencer et TI a salué une "avancée juridique considérable".

Cette décision "consacre le droit des grandes associations anti-corruption de provoquer une enquête face à l’inertie coupable du parquet", s’est réjoui son avocat, Me William Bourdon.

En l’espèce, a ajouté Me Bourdon, "cette brèche judiciaire (…) permet d’envisager le procès de ceux qui s’enrichissent au détriment de leur population depuis des décennies et qui permettra un jour la restitution de ces avoirs illégalement acquis. C’est la fin de l’impunité pour ceux qui pillent à leur profit les ressources naturelles de leur pays."

Toutefois, "cela ne signifie pas pour autant que ce que dit (TI) est juste !", a mis en garde l’avocat du président équato-guinéen, Me Olivier Pardo, pour lequel "il n’y a rien dans ce dossier contre (s)on client".

AFP

 

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