Dans moins d’un mois, les Ivoiriens se rendront aux urnes pour choisir celui qui aura en main les destinées du pays pour les cinq (5) ans à venir. Cette fois semble la bonne, car plus de 60 tonnes de matériels électoraux, principalement composés de cartes d’identité et de cartes d’électeurs, sont arrivés à Abidjan à la fin de la semaine dernière et remis par l’opérateur Sagem Sécurité aux autorités ivoiriennes. Du côté de la Commission électorale Indépendante (Cei), les choses se précisent, car selon une source, la distribution des cartes commencera dès le Mardi 05 Octobre 2010. Déjà, le front politique s’anime dans les états majors. Dans le camp présidentiel comme dans l’opposition, chaque candidat affûte son arme (la fleur aux fusils), pour les batailles futures. Selon l’opinion du citoyen lambda, au-delà des trois « grosses pointures », que sont : Laurent Gbagbo, candidat du FPI au pouvoir, Aimé Henri Konan Bédié, candidat du PDCI-RDA, Alassane Dramane Ouatara, Président du RDR, les autres sont viennent jouer les troubles fête. Mais quel est le poids réel de chacun de ces candidats que tout le monde qualifie, à tort où à raison, de « poids lourds » dans le jeu politique ivoirien ?
Laurent Gbagbo, Candidat du FPI au pouvoir
Opposant historique au père fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny, Laurent Gbagbo a toujours su prendre ses distances vis à vis de la gestion du pouvoir par le PDCI-RDA, avant de se proclamer héritier de ce dernier, après sa prise du pouvoir, avec un score étriqué lors des élections de l’an 2000. Après le décès d’Houphouët en 1993, il constitua un front uni avec le Rassemblement des Républicains d’Alassane Ouattara, appelé « Front Républicain », pour contrer l’arrivée au pouvoir de celui qu’on disait dauphin d’Houphouët, candidat du plus vieux Parti le PDCI en décrétant le boycotte actif. Plusieurs de ses militants furent arrêtés avant et après ce scrutin gagné par Henri Konan Bédié. A la faveur du coup de force de 1999 contre Bédié et son succès teinté de violence en 2000, face au Général Robert Guei, lors des dernières élections organisées dans le pays, il accéda au pouvoir et fait face à une rébellion armée venue du Nord du pays depuis le 19 septembre 2002, suite à une tentative de coup d’Etat.
Forces et Faiblesses
D’abord, ce qui fait la force du candidat de la Refondation, c’est son charisme politique. Très teigneux, Laurent Gbagbo a étonné tout le monde en parvenant à déjouer tous les pronostics qui ne lui donnaient pas plus de deux ans au pouvoir. Enseignant chercheur lui-même, à l’Université, l’homme a su attirer la sympathie des jeunes étudiants de la Fesci, mouvement estudiantin, qui était rentré dans la clandestinité sous le pouvoir Bédié dans la moitié des années 90. Devenu Galaxie Patriotique après le 19 Septembre 2002, avec ses ramifications dont une aile militaire, ce vaste mouvement a joué un grand rôle dans sa prise du pouvoir et dans son maintien au palais présidentiel après la rébellion de 2002. Pour le premier tour, l’homme écume toutes les régions de la Côte d’Ivoire, à l’instar de ses adversaires politiques pour séduire l’électorat sur son nouveau programme, si le peuple lui réitère sa confiance pour un nouveau bail de cinq ans.
S’il a la chance d’être favori parce que utilisant les moyens de l’Etat et surtout d’avoir à ses cotés les forces de Défense et de sécurité, son bilan des 10 ans passés à vouloir refonder le Pays ne plaide pas en sa faveur. Car selon ce qui ressort du discours des leaders de l’opposition, les Ivoiriens dans leur grande majorité ne mangent plus à leur faim, le pouvoir d’achat des ménages a lourdement chuté tandis que les prix des denrées alimentaires ont pris l’ascenseur. Ils reprochent également au pouvoir FPI la mauvaise gestion des affaires de l’Etat et la résurgence d’une petite bourgeoisie au sommet de l’Etat, surtout dans l’entourage du Chef de l’Etat. Le Woody de Mama en est tellement conscient qu’il fut contraint, à une période clé de sa politique, de déplacer le centre d’intérêt de sa politique vers 10 autres petits partis politiques, dont les leaders sont nommés directeurs de campagne. Les Jeunes Patriotes, avec à leur tête le chef charismatique Charles Blé Goudé, s’investissent à ses cotés pour éviter une défaite de leur mentor dans les urnes. Il sait qu’il joue gros, notamment, face à Ado et Bédié. Ce qui lui a d’ailleurs fait dire récemment, lors d’une tournée de campagne que «rien n’est gagné à l’avance et que ceux qui disent Gbagbo a déjà gagné ne comprennent rien à la politique». D’où, son slogan de campagne pour le moins évocateur : « allons-y » ? Qu’à cela ne tienne, les refondateurs croient dur comme fer que leur candidat sera en tête au sortir du premier tour le 31 Octobre prochain.
Aimé Henri Konan Bédié, Candidat du PDCI-RDA
Ancien Chef de l’Etat de 1995 à 1999, l’homme a d’abord terminé le mandat de son père spirituel Félix Houphouët Boigny, de 1993 à 1995. Il sortira vainqueur d’un scrutin à sens unique lors des élections organisées dans le pays en 1995. Malgré les protestations de son opposition composée alors de ses deux principaux adversaires politiques d’aujourd’hui, à savoir Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Sa gestion musclée du pouvoir contre ces deux personnalités qui le menaçaient directement fut stoppée net un certain 24 décembre 1999, par un coup d’Etat perpétré par de jeunes militaires fraîchement arrivés d’une mission de maintien de paix au sein des forces des Nations Unis en Centrafrique.
Forces et Faiblesses
Devenu incontournable dans les négociations inter Ivoiriens de Ouagadougou de part son statut d’ancien Chef de l’Etat et la taille de son Parti, Henri Konan Bédié a réussi à convaincre son « ennemi » d’hier, Alassane Dramane Ouattara du RDR et d’autres leaders de partis politiques de l’opposition ayant les mêmes idéaux politiques, sur la vision d’Houphouët, à créer le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Paix (RHDP). Selon les termes de cette convention, celui qui aura le plus de suffrages, au sortir du premier tour, passera la main à l’autre pour avoir le fauteuil présidentiel au second tour. Mais beaucoup d’Ivoiriens croient dur comme fer que Bédié ne fera jamais la passe à ADO, au cas où ce dernier sera en bonne position pour le second tour. Car les militants du parti d’Alassane ont encore en mémoire la persécution dont les dirigeants et les militants du RDR ont été l’objet sous l’ère Bédié.
Les chances du candidat du Parti cinquantenaire de Côte d’Ivoire (le PDCI-RDA), à l’analyse des observateurs, sont vraiment en deçà des espoirs placés en lui par ses partisans. La récente querelle entre lui et son frère Charles Konan Banny, ex-patron de la BCEAO, pour la candidature du parti à la présidentielle, a sérieusement ébranlé la grande maison du PDCI. Car le parti était menacé, à quelques mois seulement des échéances électorales, d’implosion. Heureusement que la raison a prévalu sur la passion. Le Sphinx de Daoukro a été reconduit pour prendre le départ avec les 14 autres candidats à la présidentielle de 2010. Il a encore la chance d’avoir la confiance des barons nostalgiques de la période du parti unique des années 1980. Mais n’oublions pas que la donne a changé depuis que le parti a enregistré des scissions en cascade depuis dix ans. Malgré les attaques en règle contre la Refondation pendant sa campagne, Henri Konan Bédié, que tout le monde donne fini politiquement, aura-t-il les ressources nécessaires pour rebondir ? La réponse se fera sentir dans les urnes le 31 Octobre prochain. A suivre…
De Gildas, correspondant du Républicain à Abidjan