Depuis plus d’une semaine, les candidats à l’élection présidentielle sont à pied d’œuvre pour expliquer à la population le contenu de leur plate-forme électorale. Déjà, le début de la campagne est entaché de manifestations troubles qui ont occasionné mort d’hommes sur le terrain, à Dakar comme en province. Cela était d’ailleurs prévisible dès lors que le président sortant, Me Abdoulaye Wade, après des tripatouillages constitutionnels, s’est entêté à vouloir briguer un troisième mandat présidentiel à la faveur des confusions nées de ces nouveaux textes. Et pourtant, le vieux président sortant, âgé de 86 ans, après douze années de pouvoir, avait été prié de ne pas se representer à l’échéance de février 2012. En témoignent les recommandations en bonne et due forme des chefs de diplomatie occidentaux et non des moindres comme le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, et la secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton, contre lesquels il s’était insurgé en ces termes : « Est-ce que vous trouvez normal qu’un ministre d’un pays étranger se mêle de la politique d’un pays pour dire ce que nous allons faire ? Je le réfute moi ! »
L’on se rappelle qu’il y a tout juste un peu plus de six mois, c’était pourtant lui Abdoulaye Wade qui avait été mandaté par ces mêmes personnes pour plaider la cause de leur campagne militaire en Libye. Pour ce faire, il s’était rendu en pleine crise à Bengazi, fief libéré des insurgés d’alors, pour réclamer purement et simplement le départ du pouvoir de l’ancien guide dont il trouvait illégitime la volonté de rester à la tête du pays. « A chacun son tour chez le coiffeur », dit d’ailleurs un adage très populaire. Dans le même registre, l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal n’avait pas fait dans la langue de bois. Sur la candidature du président sortant validée par le Conseil constitutionnel, Lewiss Luckers déclarait dans un entretien qu’il avait accordé à l’Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (Appel), repris par notre confrère ‘’dakaractu.com’’ : « Il est regrettable que le président Wade ait choisi de compromettre les élections ».
Le même diplomate s’était désolé que Wade veuille « mettre en péril la sécurité du pays par son insistance à briguer un troisième mandat ». Mais au lieu d’écouter la voix de la raison prônée par ces chancelleries qui lui étaient pourtant proches jusque-là et une bonne frange de la population sénégalaise, le vieil assoiffé de pouvoir s’est entêté et s’est mis dans la course. A ses détracteurs, il dira que son âge n’est point un handicap et que le fait d’y faire allusion est un manque de respect. « C’est la posture d’un sage. Moi, j’ai une mission au Sénégal et je la remplirai », argumente-t-il. Pour Wade qui soutient avoir trop travaillé et avoir beaucoup de chantiers à terminer, il faut encore conserver le fauteuil. En tout cas, pour leur première sortie, le meeting des leaders du 23 juin (M23) à Rufisque a connu un succès sur le plan de la mobilisation. Les candidats à la présidentielle de février 2012 ont encore fait part de leur détermination à « faire partir Wade et asseoir entre leaders, un pacte basé sur l’unité sincère ».
Il est donc à craindre que des dérapages de tout genre viennent entacher ce scrutin très attendu, qui devrait être riche en enseignements. Il appartiendra aux acteurs politiques sénégalais de faire preuve de sagesse et de mettre au-dessus de tout, l’intérêt supérieur du pays. D’autant plus que l’ancien maître du ‘’sopi’’ semble dire à tous ceux qui lui demandent de partir : « Moi pas bouger ! J’y suis, j’y reste. »
Gaoussou M. Traoré