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ven 22 Nov 2024 - 23:44
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Présidentielle : en Cote d’Ivoire, l’angoisse de l’après

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Samedi matin, Abidjan s’est réveillé silencieux. Inquiet. Les rues étaient vides, les étals des vendeuses d’oranges débarrassés, on n’entendait que les oiseaux et le vrombissement des moteurs de pick-up des groupes mobiles d’intervention chargés de jeunes policiers. A Yopougon, quartier populaire de la capitale ivoirienne, Niangon Samuel n’est pas allé voter samedi pour élire son chef de l’Etat. Il n’a pas non plus monté des barricades ni renversé “ le pouvoir dictatorial d’Alassane Ouattara”, comme il le promettait depuis trois mois.

“” Pas d’élection pour nous aujourd’hui, on se sent trop petit

“ Je suis paniqué et désespéré, y a rien!”, se désole le jeune homme. Dans son quartier, théâtre ces dernières semaines d’échauffourées violentes, ce partisan de l’opposition avait activement participé à l’éveil des consciences pour dire non à un troisième mandat du président sortant. Mais face aux 35.000  forces de sécurité déployées à travers le pays, il a finalement décidé d’aller “jouer au ballon avec ses amis ” pour “ se distraire”. “ Pas d’élection pour nous aujourd’hui, lâche-t‑il, on se sent trop petits, on verra quel est le mot d’ordre, il va falloir changer de stratégie. ”

Sept millions et demi d’électeurs étaient appelés aux urnes

Près de chez lui, les habitants se sont toisés longuement sur le pas de leur porte avant d’oser finalement mettre une tête dehors et d’envoyer les plus jeunes vérifier que les intersections étaient dégagées puis ouvrir les maquis et les kiosques. “Y a pas palabres, tout va bien! On vient voter! ”, lance à la volée Soumayia, petite femme en pagne violet dans la longue file qui se forme devant l’école Wassakara. Ici, neuf bureaux de votes ont été ouverts et autant de files indiennes se sont formées dans la cour inondée par les pluies diluviennes. Dans cette zone pourtant historiquement acquise à l’opposition, ils sont des centaines à s’être levés aux aurores pour pouvoir glisser, au terme d’une à deux heures d’attente, leur bulletin dans l’urne.

“On est fatigués de tout ça, on veut juste la paix et la stabilité

Depuis plusieurs jours, les Ivoiriens se sont presque autoconfinés. L’appel à la désobéissance civile lancé par les deux principaux partis d’opposition (PDCI et FPI), qui fustigent les conditions du processus électoral et contestent la nouvelle candidature d’Alassane Ouattara, laissait craindre un vote troublé. En prévision, les boulangeries ont été dévalisées et les taxis collectifs mis quasiment à l’arrêt. Par peur des violences et par lassitude, beaucoup ont décidé de rester chez eux et d'”attendre que ça passe ”. “On est fatigués de tout ça, on veut juste la paix et la stabilité ”, assure Marie-Anne.

Sept millions et demi d’électeurs ivoiriens étaient appelés aux urnes samedi mais, selon la Commission électorale indépendante, au terme de la période officielle de distribution des cartes d’électeur, seuls 41 % d’entre elles avaient été retirées. Face au faible engouement et aux difficultés rencontrées dans certaines localités pour les obtenir, les autorités avaient in extremis autorisé un retrait le jour J sur place.

L’appel au boycott de l’opposition

Difficile d’évaluer les tendances et de donner une estimation de la participation. Combien sont réellement allés voter et combien ont décidé de respecter l’appel au boycott de l’opposition? Les observateurs s’attendent à un taux bien inférieur à la dernière élection – pourtant considérée sans enjeu -, lors de laquelle 54,63 % des inscrits avaient donné leur voix. Combien aussi n’ont pas réussi à se rendre aux urnes? A travers la ville d’Abidjan et dans plusieurs localités du pays, la tenue du scrutin a été perturbée, parfois empêchée et plusieurs bureaux de vote se sont transformés en lieux d’affrontement entre partisans du président sortant et ceux de l’opposition, résolument décidés à ne pas laisser cette “ forfaiture” se passer. A Kotobi, Daoukro, Yamoussoukro ou Bounoa, des bureaux ont été saccagés.

“Dès l’annonce des résultats, on ira le déloger nous-même de sa maison

A Blockhauss, en bordure de lagune, les habitants, soutiens de l’ancien président Laurent Gbagbo, ont monté des barrages, empêché l’accès aux bureaux et forcé les forces de police à délocaliser les urnes plus loin. “On ne veut plus de ce monsieur, on veut qu’il dégage, on est prêts à mourir ”, exulte Jérôme, le visage barbouillé de plâtre contre les gaz lacrymogènes. “ Dès l’annonce des résultats, on ira le déloger nous-même de sa maison, prévient-il. On est enragé ! ”

En fin de journée, le front de l’opposition, silencieux depuis plusieurs jours, a finalement pris la parole et dénoncé la tenue d’une “non-élection ”. “ Nous ne nous sentons pas concernés par ce qui s’est passé [samedi], a déclaré Pascal Affi N’Guessan, le leader du FPI, depuis le domicile de son allié, l’ancien président Henri Konan Bédié. Il n’y a pas eu d’élection aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Nos compatriotes ont boudé dans leur très large majorité ce coup d’Etat institutionnel et constitutionnel. Partout les barricades ont été maintenues. Le mot d’ordre de désobéissance civile a été suivi par nos compatriotes.”

“A peine trente à quarante bureaux de vote ont été saccagés. Quand vous faites le ratio, c’est insignifiant

De leur côté, les autorités se sont félicitées de la forte mobilisation des Ivoiriens en ce jour “important pour la démocratie ”, selon l’expression d’Alassane Ouattara lors de son vote à Cocody, quartier chic de la capitale. De son côté, Ibrahime Kuibiert-Coulibaly, le président de la Commission électorale indépendante, a minimisé les incidents et les violences qui ont émaillé la journée : “ Il y a des zones qui ont connu des troubles, mais ce sont des troubles mineurs. A peine trente à quarante bureaux de vote ont été saccagés. Quand vous faites le ratio, c’est insignifiant ”, a-t‑il estimé.

Si le pays ne s’est pas enflammé comme certains le craignaient, les jours à venir restent les plus critiques avec l’annonce des résultats, qui seront sans aucun doute contestés. Depuis son exil en Europe, l’ancien Premier ministre Guillaume Soro a d’ores et déjà affirmé ne plus reconnaître le président Ouattara et appelé à “œuvrer” à son départ.

SOURCE: http://www.lejdd.fr/

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