La Côte d’Ivoire s’apprête à ouvrir une nouvelle page de son histoire après dix années de crise sous le pouvoir des Refondateurs. Sur le terrain, la campagne électorale bat son plein. Après plusieurs jours de débats intenses sur la méthode à adopter pour le comptage des voix, la commission électorale indépendante (Cei) a opté pour un comptage manuel par la voix de son porte parole Bamba Yacouba, la semaine dernière. L’opposition redoutait des fraudes liées à un système informatique de traitement des résultats, qui devait être du ressort d’une filiale d’un bureau d’études dirigé par un proche du candidat Gbagbo.
Mais coup de théâtre, le gouvernement prend le contre-pied de la cellule chargé de l’organisation des élections le lundi 25 Octobre, en déclarant que le traitement sera informatique. Soro coupe donc l’herbe sous les pieds de la Cei et de l’opposition. D’autre part, la guerre des affiches fait rage. Le Samedi dernier, des affrontements entre partisans d’ADO et ceux du candidat de la majorité Présidentielle (LMP), ont fait plusieurs blessés à Katiola dans les zones ex-assiégés. La veille, la sortie de route d’une voiture qui suivait le cortège de Gbagbo a fait cinq morts et des blessés graves à Divo. Une ambiance de campagne agitée qui laisse présager un environnement électrique le 31 Octobre prochain, jour du vote. La seule grande inconnue reste la sécurisation des élections sur l’ensemble du territoire national, malgré les assurances données çà et là.
Les 14 candidats engagés dans la course présidentielle en Côte d’Ivoire amorcent le dernier virage, cette semaine. Dans le camp présidentiel comme dans l’opposition, on ne se fait pas de cadeau. Même les candidats indépendants en ont pour leur compte. Dans les villes et campagnes, les candidats, de pérégrination en pérégrination, écument les coins et recoins du pays avec des slogans et promesses de campagne qui ne laissent personne indifférent.
Chacun cherche à séduire le plus grand nombre. A ce jeu, deux grands ensembles se dégagent déjà. Il s’agit des candidats du RHDP (Henri Konan Bédié du PDCI RDA, Alassane Ouattara du RDR, Mabri Toikeuse de l’UDPCI et Anaky Kobenan du MFA) et la majorité présidentielle (LMP) avec son unique candidat Laurent Gbagbo. Pour l’observateur averti, le futur Président de la Côte d’Ivoire sortira du trio Gbagbo, ADO et Bédié. La tendance qui se dessine déjà, à une semaine du scrutin, penche sensiblement en faveur du champion des Républicains qui se définit comme la solution pour sortir son pays de la crise dans laquelle elle s’enlise depuis 10 ans.
Face à la polémique qui enflait entre le camp présidentiel et l’opposition, sur le comptage des voix le jour du scrutin, après plusieurs consultations avec le représentant spécial du facilitateur du dialogue direct inter ivoirien, le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu et la Cei, le Premier ministre Guillaume Soro a opté pour le traitement informatique.
Tout en retenant la Société informatique de localisation et de sécurité (SILS Technology), le Premier ministre a recommandé la mise en place d’un comité d’experts indépendants. Ledit comité a pour rôle de contrôler SILS Technology, pour éviter les tricheries parce que cette structure est une filiale du Bureau d’étude technique et de développement (Bnetd), dirigée par un proche du candidat du LMP. Le comité est composé de techniciens issus du cabinet du Premier ministre, de la commission électorale indépendante, de la facilitation, de la société informatique de droit suisse dénommée CRYPTO AG et d’observateurs issus de l’ONUCI. Cette décision vient de battre en brèche la déclaration du Porte parole de la Commission Electorale Indépendante (CEI) Monsieur Bamba Yacouba qui avait déclaré à la presse le jeudi 21 octobre 2010 sur la question de la centralisation des résultats que « tout autre moyen technologique est à écarter et que la CEI va procéder au comptage manuel des voix, depuis les CEI sous préfectorales, communales, départementales et régionales jusqu’à ce que les résultats parviennent à Abidjan où les ils seront proclamés par le Président de l’Institution ». « Les Superviseurs vont se charger d’acheminer eux même les résultats sur Abidjan, selon des modalités arrêtées par la CEI », a-t-il ajouté. Pour terminer, il a exhorté les Ivoiriens à se rendre dans leurs centres d’enrôlement pour le retrait de leurs pièces sans lesquels ils ne pourront prendre part au scrutin. Cependant,
Guillaume Soro rassure les populations qu’avec le dispositif mis en place, l’élection présidentielle se déroulera dans la transparence à tout point de vue. La décision du gouvernement réjouit le directeur général du Bnetd qui était soupçonné par l’opposition de vouloir tripatouiller les résultats du scrutin du 31 octobre. « Cette décision va permettre à la Cei d’être à la hauteur… », a déclaré Ahoua Don Mello. C’est donc bien parti pour que l’élection présidentielle se tienne à la date convenue.
La campagne se déroule normalement sur fond de « guerre » des affiches à travers le pays. Dans ce domaine, c’est le candidat de la Majorité Présidentielle qui mène le bal, avec des affiches sur chaque 100 mètres dans la capitale économique (Abidjan). Il ne laisse pas grand-chose pour les autres candidats sur les grands panneaux d’affichage notamment à Abidjan. Mais c’est cette omniprésence des affiches de Gbagbo à tous les carrefours qui irrite les militants d’en face qui avaient commencé à les asperger de peinture ou les déchirer carrément. Le week-end dernier cette situation a provoqué un affrontement à Katiola, ville située 45 km au nord de Bouaké, entre les militants du FPI (parti au pouvoir) et ceux du RDR (opposition).
Selon plusieurs sources concordantes, des militants du Front Populaire Ivoirien (FPI), ayant constaté que bon nombre d’affiches de leur leader ont été déchirés, ont décidé de se venger ayant à l’esprit que ce sont les militants du RDR (Rassemblement Des Républicains) qui en sont les responsables. Donc, ils se sont rendus au centre ville de Katiola précisément au grand carrefour de l’hôtel Hambol, où se trouve une grande affiche de campagne du président du RDR avec l’intention de la déchirer. C’est ainsi que les militants du FPI ont trouvé sur leur chemin ceux du RDR qui étaient sur le lieu. L’affrontement qui a suivi a fait plusieurs blessés dans les deux camps. Vu le grand nombre des militants du RDR qui affluaient sur les lieux, les militants du FPI se sont réfugiés à l’Hôtel Hambol. Fort heureusement, aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée grâce à l’intervention du Commandant Vecho (Touré Hervé) et ses hommes qui se sont rendus sur les lieux pour calmer les esprits.
La veille de cet affrontement de Katiola, la campagne de la majorité présidentielle a tourné au drame à Divo, à environ 200 km d’Abidjan, sur l’axe Abidjan Gagnoa. En effet, après un meeting qui a drainé du monde à Lakota, le candidat de La majorité présidentielle (Lmp) avait rendez-vous avec les populations de Divo où il devait animer un autre meeting. C’est en route pour cette deuxième rencontre de la journée qu’une des nombreuses voitures du cortège de Laurent Gbagbo a fait une sortie de route dans un village, alors qu’elle voulait éviter un enfant qui traversait la route. Bilan, cinq morts et quatre blessés parmi les villageois qui s’étaient massés le long de la route pour voir le cortège passer. Selon des sources proches du candidat, la voiture qui a fait l’accident, de type 4×4, suivait le cortège mais n’en faisait pas partie. Les blessés ont été admis au Centre hospitalier régional de Divo.
Pour Laurent Gbagbo, les Ivoiriens doivent choisir entre deux camps. Un camp qui est pour la souveraineté, l’indépendance et la liberté des Ivoiriens et de la Côte d’Ivoire. C’est ce camp, selon lui, qui a résisté aux agresseurs de la Côte d’Ivoire et dit non à la rébellion depuis son déclenchement dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Laurent Gbagbo est, bien entendu, le leader de ce camp. Il veut, a-t-il dit, que la Côte d’Ivoire prenne son destin en mains elle-même. L’autre camp, a poursuivi le candidat de la majorité présidentielle, est celui de ceux qui veulent que la Côte d’Ivoire reste éternellement dépendante de l’étranger, notamment de la France, son ancien pays colonisateur. Les candidats qui sont de ce camp, a-t-il ajouté, veulent prendre le pays pour le gouverner selon la volonté de leurs tuteurs étrangers. C’est pour cela que les partisans de ce camp, a-t-il déclaré, ont voulu faire coucher la Côte d’Ivoire et se sont alliés aux rebelles. Ceux-là, ce sont les autres candidats.
Une élection présidentielle ne peut réussir sans un environnement sécurisé. La sécurisation des bureaux de vote à travers le pays et la gestion de l’après élection jusqu’à la proclamation par la Cei est aujourd’hui la préoccupation majeure des acteurs politiques ivoiriens, notamment ceux de l’opposition. Très suspicieuse, l’opposition craint un remake du hold-up électoral perpétré par le FPI lors des élections de 2000. Selon un organe proche du PDCI RDA, sachant la cause lui échapper dans les urnes, « Gbagbo préparerait un passage en force et asseoir une dictature rampante au pays d’Houphouët », écrit le journal. « Au lieu de se soumettre au verdict des urnes, le 31 octobre prochain, le chef du Parti prétendument socialiste et ses séides, ont entrepris de concocter un autre plan lugubre, s’il est démocratiquement battu… (…) » Pour y parvenir, dit l’auteur de l’article, il a mis en place plusieurs stratégies dont le plus plausible et cynique demeure le désarmement des Forces de Défenses et de Sécurité, le jour du scrutin présidentiel. Pour le journal, Gbagbo veut priver les FDS d’armes et de munitions de peur que celles-ci ne se retournent contre lui. « Il redoute donc le fait que les FDS ne se retournent contre lui pour lui porter l’estocade dans son entêtement à confisquer le pouvoir devant des candidats de poids comme Bédié et Alassane Dramane Ouattara », renchérit-il. « Ainsi donc, selon « Le Mandat », en lieu et place des FDS privés de minutions, le régime entend armer lourdement les milices tribales qui seront chargées d’accomplir le sale boulot », conclut le journal. Vrai ou faux, en tout cas la sécurisation des personnes et des biens en période électorale reste un grand souci pour les représentations diplomatiques, dont les ressortissants payent un lourd tribut, victimes collatérales des manquements à la démocratie en Eburnie.
Cette préoccupation n’a t-elle pas motivé le Conseil de sécurité des Nations Unies à reconduire les sanctions contre la Côte d’Ivoire, invitant le régime à organiser l’élection présidentielle de façon libre et transparente ? Ainsi, non seulement l’embargo sur les armes à destination de la Côte d’Ivoire et sur les exportations sur les diamants bruts du pays, mais aussi et surtout sur des personnalités politiques et militaires a été reconduit pour six mois.
Dans les milieux diplomatiques à l`ONU, on souligne que le Conseil a voulu envoyer un signal encourageant à la Côte d’Ivoire pour l’exhorter à mener à bien son processus électoral et à améliorer la situation des droits de l’homme, selon l’AFP.
De Gildas, correspondant du Républicain à Abidjan