Le premier tour a donné cinq point d’avance au président sortant, mais la candidate du RN a un réservoir de voix. Tous deux regardent les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, troisième homme du premier tour.
POLITIQUE – C’est une nouvelle campagne qui s’ouvre ce dimanche 10 avril 2022. Elle aura des airs de 2017. Prévu par l’ensemble des instituts de sondages, le duel annoncé a eu lieu: Emmanuel Macron (28.1%) et Marine Le Pen (23.3%) se sont qualifiés pour le second tour du dimanche 24 avril.
Selon les estimations d’Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France, cinq points séparent les deux finalistes de cette élection, Emmanuel Macron arrivant largement en tête. Les deux candidats consolident et renforcent leurs socles de 2017. Emmanuel Macron prend quatre points (il était à 24,01% au premier tour) et Marine Le Pen en gagne deux (elle était à 21.3%).
Le chef de l’État qui a mené une campagne-éclair de 38 jours sur fond de gestion de crise du Covid et de guerre en Ukraine a remporté son pari. Il a présidé “jusqu’au dernier quart d’heure”, comme il l’avait promis. Accusé de ne pas débattre avec ses concurrents, il n’a fait qu’un meeting et une poignée de déplacements, misant sur sa gouvernance actuelle pour convaincre.
La dernière semaine, ses attaques ciblées contre Marine Le Pen et son projet l’ont sans doute aidé à prendre la tête de ce premier tour. “C’est un bon résultat.
Surtout après cinq années d’épreuve et de gouvernement”, s’est félicité, sur France 2, Bruno Le Maire. “Mais tout reste à faire”, prévient le ministre de l’Économie. Quelques minutes plus tard, Éric Zemmour et ses 7% de suffrages appelle à voter pour Marine Le Pen.
La campagne “Tefal” selon l’expression du sondeur Brice Teinturier ou “drôle de campagne” qui ne s’est jamais vraiment imposée dans le débat public a conduit les Français à moins voter qu’en 2017. La participation est estimée à 74% selon Ifop-Fiducial, soit quatre points de moins qu’il y a cinq ans (78%), avec une abstention autour de 26% contre 22.2% en 2017.
Malgré ce niveau d’abstention, l’électorat de Marine Le Pen a répondu présent. Tout au long de la campagne, la candidate d’extrême droite a martelé le message de se rendre aux urnes, craignant une démobilisation comme aux dernières élections régionales de 2021 où elle n’avait emporté aucune région, malgré les sondages qui la plaçait plus haut.
J’appelle tous les Français à rejoindre ce grand Rassemblement national et populaire.Marine Le Pen, finaliste du premier tour de la présidentielle
Marine Le Pen, finaliste du premier tour de la présidentielle
“J’appelle tous les Français à rejoindre ce grand rassemblement national et populaire”, a déclaré Marine Le Pen au soir du premier tour, faisant un appel du pied discret à l’électorat de Jean-Luc Mélenchon qui s’est présenté comme le candidat de la gauche “populaire” pendant cinq ans. ”Nous allons mettre en œuvre cette victoire, cette grande alternance”, a promis la candidate du RN.
La candidate d’extrême droite a fait une campagne au plus près du terrain, jouant à fond la carte de l’empathie, des sourires et des selfies pour mieux cacher son programme anti immigration et anti-Europe. En mettant le pouvoir d’achat très haut dans ses prises de parole pour coller aux aspirations des Français, elle a eu la bonne intuition, contrairement à son concurrent Éric Zemmour qui n’a axé son projet que sur la sécurité et l’immigration.
Sauf que cette fois-ci, Jean-Luc Mélenchon a été clair. “Pas une voix à Marine Le Pen”, a-t-il répété avec insistance, ironisant à propos de ceux qui lui avaient reproché un manque de clarté en 2017. Il y a cinq ans, le leader insoumis n’avait pas pris explicitement position dans son discours initial, avant de préciser sa pensée un peu plus tard contre la candidate du RN et de s’en remettre à un vote des militants, sans l’option du vote Le Pen, mais avec la possibilité de l’abstention, du vote blanc ou du vote Macron. Il devrait refaire ce procédé dans les prochains jours.
“Je connais votre colère. Ne vous abandonnez pas à ce qu’elle vienne à vous faire commettre des erreurs qui seraient définitivement irréparables”, a-t-il explicité à ses troupes, conscient qu’une partie d’entre elles pourraient être tentées par le vote Le Pen et tenant à ne pas reproduire l’erreur de 2017 qui lui a été beaucoup reprochée, notamment à gauche.
Résultat, le leader insoumis, troisième homme de cette campagne avec 21.7% des voix -deux points de plus qu’en 2017- est d’ores et déjà au centre des attentions des deux candidats en lice pour le second tour. Emmanuel Macron l’a nommément désigné en évoquant ceux qui voteront pour lui “pour faire barrage à l’extrême droite et je sais que cela ne vaudra pas soutien”. “Je veux saluer leur clarté pour faire barrage à l’extrême droite”, a-t-il appuyé, conscient du potentiel réservoir de voix qui se situe dans l’électorat de La France Insoumise qui sera aussi dragué par Marine Le Pen.
Emmanuel Macron qui a pris la parole autour de 22h a été plus offensif que sa concurrente. Il a pris soin de saluer un à un ses concurrents éliminés dès le premier – Eric Zemmour compris – pour remercier tous ceux qui ont appelé à voter pour lui dans un esprit de “front républicain” dont il aura besoin au second tour alors que l’écart ne cesse de se réduire entre Marine Le Pen et lui dans les enquêtes d’opinion.
Emmanuel Macron a tenté de dépasser son “en même temps” de 2017 en proposant “quelque chose de nouveau”. “Je souhaite tendre la main à tous ceux qui sont prêts à travailler pour la France. Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour bâtir une action commune au service de notre nation pour les années qui viennent”, a-t-il promis sans trop s’avancer.
“Rien n’est joué et le débat que nous aurons dans les quinze jours à venir est décisif pour notre pays et pour l’Europe” a lancé le président-candidat à ses partisans réunis porte de Versailles, à Paris. Dans une allocution bien plus longue que celle de sa concurrente, le chef de l’État a lâché ses coups envers Marine Le Pen.
“Voulons-nous d’une France indépendante, forte sur les plans agricole, militaire et culturel? Voulons-nous d’une France qui finance son État-providence et ses services publics?”, a-t-il lancé sous les “oui!” de ses partisans. Conscient qu’il aura besoin de la gauche pour l’emporter au second tour, il a répété plusieurs fois le mot ”écologie” et a même repris le concept de “planification écologique” cher… à Jean-Luc Mélenchon.