Le professeur Serigne Diop, ministre d’Etat auprès du président Abdoulaye Wade s’est entretenu avec nous sur le bicaméralisme. C’était dimanche dernier au Centre international de conférence de Bamako.
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rnVoyez-vous l’opportunité d’une deuxième chambre au Mali ?
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rnIl m’est difficile de parler pour un pays, mais ce que je peux dire, c’est que de manière générale, dans les démocraties d’aujourd’hui, une 2è chambre est très utile, donc peut être utile pour le Mali. Pourquoi? parce que la chambre issue du suffrage universel est dominée par une logique de partis. Ce sont les partis qui désignent les candidats, ce sont les partis qui donnent les moyens aux candidats pour faire la campagne et ce sont les partis qui déterminent le programme qu’il faut mettre en œuvre, ça veut dire qu’à la fin des élections, les députés dont il s’agit sont soumis aux partis et c’est tout à fait logique.
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rnOr, de plus en plus, à la suite des élections, ceux qui conduisent le gouvernement sont du même bord que ceux qui sont majoritaires à l’Assemblée, ça veut dire qu’au fond, tout le système étatique fonctionne selon la logique d’un parti majoritaire. La 2è chambre, si elle est composée, de manière à ne pas reproduire ce phénomène majoritaire, en permettant par exemple la représentation des collectivités locales, des catégories socioprofessionnelles dans la société, les femmes, les syndicats, les intellectuels, devrait être une chambre qui, en examinant les mêmes textes législatifs qui ont été examinés par l’Assemblée issue du suffrage universel, permettrait une meilleure législation. Je crois donc que ce n’est pas un luxe : c’est un besoin des Etats contemporains
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rn L’existence du Haut Conseil des collectivités territoriales ne risque-t-elle pas de créer un empiètement à la mise en place d’une deuxième chambre?
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rnA mon avis, si l’on veut créer une 2è chambre au Mali, il faudrait intégrer cette chambre des collectivités dans la 2è chambre législative, donc ce serait le renforcement des attributions de cette chambre aujourd’hui. De ce fait, les collectivités locales seraient représentées dans le Sénat et avec des moyens renforcés parce que les représentants participeraient à l’exercice du pouvoir législatif.
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rnQuelles sont les prérogatives des Sénats dans les pays africains comparativement à ceux des pays occidentaux ?
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rnJe crois que c’est un passage du pouvoir législatif en ce sens que le projet de loi ou la proposition de loi est étudiée par les deux chambres séparément, ça veut dire que le regard porté sur le texte peut être un regard différend selon qu’on appartient à l’Assemblée issue du suffrage universel ou à l’Assemblée issue d’un autre mode de désignation de ses membres, je crois que ça permettrait de donner une meilleure qualité des lois qui sont votées et c’est le même principe qui régit l’existence des 2è chambres dans les pays du nord notamment.
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rnConcernant le mode de désignation, est-ce que le fait que les membres du Sénat soient nommés par le président de la République, comme c’est le cas au Sénégal, ne remet pas en cause la compétence des membres de la 2è chambre ? Ne faudrait-il pas des critères de compétence ?
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rnJe crois que la nomination des membres de la 2è chambre, par exemple par un responsable de l’exécutif, existe dans un pays comme le Canada, ou tous les sénateurs sans exception sont nommés par le gouverneur général représentant la reine d’Angleterre sur proposition du Premier ministre canadien. Au Sénégal, il existe un système intermédiaire: une partie des sénateurs est nommée par le président de la République, une autre partie est élue au niveau des départements donc des collectivités administratives territoriales. Je crois que la nomination par le chef de l’Etat peut être une bonne chose.
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rnOn peut maintenant réfléchir sur une réglementation de cette nomination. L’intérêt de la nomination est de permettre à l’autorité de nommer des compétences qu’elle n’aurait pas si c’est par un système d’élection, car, si c’est par système électoral, on élit celui qui peut réunir autour de lui le plus grand nombre de personnes. Il peut ne pas être forcément quelqu’un de compétent, ni intellectuellement, ni techniquement ni même politiquement parce qu’on élit celui qui a les moyens de réunir en son nom le plus de suffrages.
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rnJe crois que la nomination devrait permettre par exemple que les femmes, en tant que genre, soient représentées, la nomination devrait permettre que les organisations socio professionnelles, les syndicats, les chefs traditionnels dans les pays où ces chefs sont une réalité majeure dans la société, soient représentés. C’est pourquoi j’estime que le mode de désignation par nomination n’est pas une mauvaise chose. Il faut peut-être souhaiter que ces nominations soient le plus pertinentes possible pour que le Sénat puisse remplir sa fonction.
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rnPropos recueillis par Baba Dembélé
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14 dec 2007
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