Macron a reçu Poutine, lundi, à Brégançon pour tenter de déminer les grandes crises mondiales, malgré des désaccords sur plusieurs sujets sensibles.
Emmanuel Macron a reçu Vladimir Poutine lundi dans sa résidence d’été, les deux hommes affichant une apparente cordialité et une volonté de rapprochement entre Moscou et l’UE notamment sur l’Ukraine, malgré des désaccords sur plusieurs sujets sensibles. Un bouquet de fleurs à la main pour Brigitte Macron, le président russe est arrivé souriant au fort de Brégançon, sur la côte méditerranéenne, accueilli par le couple présidentiel français. Après quelques amabilités, les deux hommes, assis sur des chaises de jardin, ont échangé devant la presse. Malgré des convergences et la claire volonté d’Emmanuel Macron de rapprocher Russie et UE, ils se sont montrés divisés sur des sujets tels que la guerre en Syrie ou les droits de l’homme.
Dans la province d’Idleb, où l’armée syrienne est à l’offensive avec l’aide des Russes, Emmanuel Macron a jugé « impérieux » le besoin de respecter le cessez-le-feu, qui a été décidé mais n’est pas appliqué. Le maître du Kremlin, incontournable en Syrie et en Iran, a balayé la requête, déclarant que la Russie « soutient les efforts de l’armée syrienne pour éliminer les menaces terroristes à Idleb ». Autre divergence sur la question de la répression des manifestations d’opposants à Moscou, sujet sur lequel Vladimir Poutine a répondu par une pique en déclarant qu’il ne souhaitait pas une « situation telle que celle des Gilets jaunes », évoquant un bilan de « onze personnes tuées et 2 500 blessées » lors de la vague de manifestations parfois violentes qui a ébranlé le gouvernement français il y a quelques mois.
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Selon les autorités françaises, un seul mort a été recensé lors des manifestations de Gilets jaunes : une femme de 80 ans tuée par une grenade lacrymogène alors qu’elle était sur son balcon. Dix autres personnes ont été tuées dans des accidents causés par des barrages routiers des manifestants. Le parallèle a été réfuté par Emmanuel Macron, « la comparaison ne vaut pas raison. Les Gilets jaunes ont été librement aux élections européennes (…) Je souhaite qu’ils s’expriment librement (…) On est un pays où les gens peuvent s’exprimer librement, manifester librement », a-t-il dit, en référence aux exigences des manifestants russes d’élections transparentes et libres. Malgré ces désaccords de fond, la tonalité est clairement au réchauffement entre les deux pays, Emmanuel Macron voulant œuvrer à un rapprochement stratégique entre l’Europe et la Russie pour affronter un monde en plein chambardement, et éviter que Moscou ne se rapproche trop de la Chine.
En contact régulier au téléphone, les deux hommes se sont déjà vus plusieurs fois en tête-à-tête : Emmanuel Macron a reçu Vladimir Poutine dans les fastes de Versailles en mai 2017, juste après son élection, puis s’est rendu à son invitation à Saint-Pétersbourg l’an dernier. Ils se sont également entretenus lors de chaque G20, tout dernièrement à Osaka en juin. Un contact constant et des relations moins dégradées que sous la présidence de François Hollande.
« Optimisme prudent »
« La Russie est européenne, très profondément, et nous croyons dans cette Europe qui va de Lisbonne à Vladivostok », a-t-il dit, ajoutant vouloir la « réarrimer » à l’Europe après « les malentendus des dernières décennies ». « Nous avons à réinventer une architecture de sécurité et de confiance entre l’Union européenne et la Russie », a-t-il ajouté, recevant le président russe à quelques jours du sommet du G7 (ex-G8) de Biarritz, instance dont la Russie a été exclue en 2014 après son annexion de la Crimée.
Les deux hommes ont laissé entrevoir des avancées possibles sur la crise dans les provinces pro-russes d’Ukraine, permises selon eux par l’arrivée du nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron ouvrant la voie à un prochain sommet au format « Normandie », entre Russie, Ukraine, France et Allemagne. « Les choix du président (ukrainien Volodymyr) Zelensky sont un vrai changement pour la situation », a déclaré Emmanuel Macron. « Je vais parler (avec Emmanuel Macron) de mes contacts avec le nouveau président ukrainien. Il y a des choses qui sont dignes de discussions et qui provoquent un optimisme prudent », a quant à lui déclaré Vladimir Poutine, alors que la Russie pâtit des sanctions européennes décrétées en raison de l’annexion de la Crimée et de son implication présumée – qu’elle dément – dans le conflit du Donbass.
Vladimir Poutine a de son côté loué « le rôle très important, voire clé », de Paris pour permettre le retour en juin dernier de la Russie à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Geste symbolique, Emmanuel Macron a aussi annoncé qu’il se rendrait à Moscou en mai 2020 pour assister aux célébrations du 75e anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. « Je suis reconnaissant » à Emmanuel Macron d’avoir accepté cette invitation, a répondu Vladimir Poutine. Les Russes accordent la plus haute importance à ces commémorations qui ont été boudées par les Occidentaux depuis l’annexion de la Crimée par la Russie.