Pourquoi les grâces présidentielles accordées par Donald Trump suscitent-elles l’indignation?

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Donald Trump semble bien décidé à profiter des avantages de son poste jusqu’au dernier moment. Le 45e président des Etats-Unis, qui devra quitter la Maison Blanche mercredi après des derniers jours chaotiques et qui, pour la première fois de l’histoire du pays, est visé par une deuxième procédure d’impeachment, a semble-t-il la volonté de protéger ses arrières et ses plus proches collaborateurs.

Alors que l’investiture de Joe Biden se profile à grands pas, Donald Trump a en effet multiplié, ces dernières semaines, les grâces pour son entourage. Tradition outre-Atlantique, cette pratique consiste, selon l’article 2 de la Constitution des Etats-Unis, en la possibilité pour un président d’amnistier toute personne ayant commis un crime fédéral.

Toutefois, comme le précise le JDD, depuis un arrêt de la Cour suprême de 1997, ce dernier peut désormais “commuer des peines, amnistier ou gracier des personnalités ou des organisations inculpées ou condamnées mais uniquement dans le cadre pénal fédéral.” De fait, les délits les moins graves “relevant du droit des Etats fédérés” ne peuvent être graciés par l’homme fort du pays.

De nombreux soutiens de Trump concernés

En réalité, la plupart des grâces déposées par Donald Trump sont actuellement préventives, et concernent des hauts fonctionnaires de la Maison Blanche et d’autres proches qui n’ont pas encore, ou ne seront peut-être jamais, condamnés. Contacté par BFMTV.com, le spécialiste de la politique américaine Jean-Eric Branaa souligne que ce phénomène pourrait se poursuivre dans les heures à venir.

“Il va encore faire une liste, il y aura certainement en premier Ivanka, Eric, Donald, ses enfants, mais aussi son avocat Rudy Giuliani. Il pourrait également inclure des gens comme Lin Wood ou encore des membres de QAnon. Peut-être voudra-t-il aussi gracier ceux du Capitole, c’est dans l’air du temps ces derniers jours”, explique-t-il. Ces grâces préventives devraient ainsi protéger les bénéficiaires pour la période d’avant cet octroi.

De façon plus surprenante, aux côtés des noms des proches de Donald Trump circulent aussi ceux de plusieurs rappeurs qui l’ont soutenu lors de la campagne présidentielle de 2016. Selon Le Figaro, Donald Trump songe en effet à gracier Lil Wayne et Kodak Black, inquiétés respectivement pour port d’arme illégal et falsification en vue d’acheter des armes.

En ce qui concerne les grâces plus habituelles, qui concernent les crimes déjà commis, on retrouve là encore de nombreux collaborateurs du multimilliardaire. Dans un article à ce sujet, Slate pointe Albert Pirro, avocat qui a travaillé avec Donald Trump, reconnu coupable de fraude fiscale. Pour l’heure, cette liste de nouveaux noms est entre les mains de ses conseillers principaux et du bureau du conseiller juridique de la Maison Blanche avant une possible validation.

Indignation

Mais cette liste ne sera pas nécessairement validée. En effet, elle fait suite à une première sélection de personnalités graciées fin 2020 qui avait grandement fait scandale aux Etats-Unis.

Deux personnalités mises en cause dans l’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection de 2016, Paul Manafort, ex-directeur de campagne de Donald Trump et son ancien conseiller Roger Stone, figuraient par exemple dans cette liste.

En tout 26 personnes ont été graciées fin décembre par le milliardaire et trois personnes ont bénéficié d’une commutation de leur peine. Elles étaient elles-mêmes venues s’ajouter à l’amnistie accordée à d’ex-mercenaires condamnés pour les meurtres d’Irakiens en 2007, qui avait également provoqué une levée de boucliers.

Abus de pouvoir ?

Donald Trump avait en effet annoncé une quinzaine de grâces et cinq autres mesures de clémence, qui bénéficient notamment à quatre ex-agents de la sulfureuse société de sécurité privée Blackwater, reconnus coupables du meurtre de 14 civils irakiens en 2007 à Bagdad. L’un de ces gardes de sécurité, Nicholas Slatten, a été condamné à une peine de prison à vie, les trois autres à des peines de 12 à 15 ans.

“Je sais que rien de ce qu’il fait ne me surprend plus, mais quel abus de pouvoir choquant, partisan et répugnant!”, avait réagi sur Twitter le sénateur démocrate Chris Van Hollen.

“Tout ceci me donne envie de vomir”, a jugé l’ancienne sénatrice démocrate Claire McCaskill, qui siégeait à la commission des Forces armées de la Chambre haute. “Cette grâce déshonore notre armée de façon indicible.”

Auto-grâce?

Au-delà de cette sélection de grâces, une nouvelle question se pose encore: Donald Trump a-t-il le droit de se gracier lui-même? Ces dernières semaines, la presse américaine s’est fait l’écho de la volonté du président sortant de s’auto-gracier, alors qu’il est menacé par des procédures juridiques sur plusieurs fronts, de ses déclarations d’impôt à des obstructions pour entraver l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, jusqu’à l’invasion du Congrès par ses partisans, dans laquelle sa responsabilité est pointée par ses détracteurs.

Evidemment, ce cas de figure serait une première dans l’histoire du pays et ne figure pas dans la Constitution américaine. De plus, comme le rappelle le JDD, de nombreux juristes soulignent que le “pardon” vaut pour autrui mais pas pour soi. Selon Slate, un avis juridique du ministère de la Justice datant de 1974 soulignait bien qu’un président ne pouvait se gracier lui-même.

Paradoxalement, il aurait fallu que le 25e amendement soit utilisé, comme cela avait été demandé par les Démocrates après les événements du Capitole, et que le vice-président prenne ainsi le pouvoir, pour que ce dernier puisse gracier Donald Trump. Une hypothèse qui est à exclure, Mike Pence ayant assuré ne pas vouloir utiliser l’amendement.

Dans un tweet de juin 2018, Donald Trump avait déjà envisagé cette possibilité d’auto-grâce. “J’ai le droit absolu de me gracier moi-même, mais pourquoi ferais-je cela alors que je n’ai rien fait de mal?”, avait-il écrit.

Hugo Septier

BFMTV.com

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