Pour les dirigeants européens, s’opposer aux Etats-Unis est assimilable à un suicide de l’Europe

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En appliquant la théorie gestaltiste sur la gouvernance de l’Europe de la période postérieure à la chute du mur de Berlin (1989) et à l’illusion de la fin de la guerre froide (1991) jusqu’à nos jours, l’on se rend lucidement compte que l’Europe vit dans la peur et la duperie vis-à-vis des États-Unis d’Amérique. Après la Seconde Guerre mondiale en 1945 dont les États-Unis se sont déclarés vainqueurs, alors que le monde vit dans une paix relative, c’est à ce moment-là même que les Etats-Unis créent une alliance militaire agressive en temps de paix. C’est l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Depuis donc sa création en 1949, l’OTAN s’est illustrée dans la vente de la peur et de la terreur au reste du monde. Véritable vainqueur de la Seconde Guerre mondiale, la Russie (URSS) a su se dresser en pôle de contestation de l’ordre mondial unipolaire de l’Occident otanesque sur la scène mondiale qui, aujourd’hui, aboutit au Multipolarisme de l’Alliance BRICS.

S’étant alors constituée en « terres de sang » depuis 1914 par des guerres fratricides, l’Europe en quête d’une prétendue « garantie de sécurité » qui serait offerte par l’OTAN devient le paillasson des États-Unis plutôt qu’une « protégée ». Malgré cet état de fait, les dirigeants européens continuent d’estimer que s’opposer aux États-Unis pourrait nuire aux intérêts et au bien-être général de l’Europe, alors que dans la dynamique mondiale les États-Unis n’ont plus le monopole du pouvoir coercitif pour offrir prétendument cette garantie. Fondée sur la manipulation de toutes les logiques institutionnelles internationales (par exemple, ONU et ses institutions spécialisées et affiliées), la relation entre l’Europe et les États-Unis a toujours été fondée sur la légitimation du néocolonialisme, les deux entités partageant des liens économiques, politiques et sécuritaires solides, basés tout aussi sur l’exploitation des peuples opprimés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. Cependant, des tensions sont apparues ces dernières années sur diverses questions telles que les politiques commerciales, les dépenses de défense, les accords sur le changement climatique et les relations diplomatiques. Dépassés donc par la vitesse des événements récents dans la dynamique mondiale, les dirigeants européens semblent désorientés par la peur des supposées conséquences potentielles d’une relation tendue avec les États-Unis et s’appesantissent sur l’importance de maintenir un partenariat de coopération, même si celui-ci s’apparente à un esclavage du temps moderne. Cette hésitation de l’autodétermination de l’Europe vis-vis des Etats-Unis alimente des crises profondes quant à l’unité de l’Europe et sa souveraineté sur la scène mondiale. Alors que le multipolarisme s’amplifie à un rythme de plus en plus accéléré, les dirigeants de l’Europe ont encore du mal à choisir entre s’affranchir de l’ordre mondial unipolaire débridé et intégrer le nouvel ordre mondial multipolaire, car adoubés par la politique étrangère des Etats-Unis.

La scène mondiale est complexe et changeante

L’une des principales raisons pour lesquelles les dirigeants européens considèrent l’opposition aux États-Unis comme un « suicide » pour l’Europe est le rôle autrefois joué par les États-Unis dans les affaires mondiales. Les États-Unis étaient un puissance économique majeure et un acteur clé de la politique internationale qui, depuis des décennies, exerçaient une influence considérable sur les processus décisionnels mondiaux mais qui n’en est désormais plus grand-chose. Ces temps sont révolus, car les nouveaux centres de pouvoir qui, constitués en Alliance BRICS battent en brèche les bastions de l’hégémonie américano-occidentale. Le paradoxe est que, toujours dans la pensée des dirigeants européens, en contrariant ou en aliénant les États-Unis, les pays européens risquent de perdre des opportunités économiques cruciales, des partenariats de sécurité et des alliances diplomatiques qui, à leurs yeux, semblent vitaux pour leur propre stabilité et prospérité. Ce qu’ils ignorent encore en ce 21ème siècle, est que le nouvel ordre mondial multipolaire, prôné par l’Alliance BRICS, ne se dresse ni contre l’Occident ni contre toute autre entité, il propose plutôt un monde plus juste et plus inclusif.

De la même manière que les dirigeants européens comprennent que l’unité entre les nations occidentales est essentielle pour relever des défis communs tels que le terrorisme, les menaces de cybersécurité et l’instabilité géopolitique, dont elles sont d’ailleurs les seuls concepteurs et comptables, ils se doivent également de comprendre par acte et par effet, que les autres existent aussi sur la même planète-terre qu’elles. Une obligation de cohabiter malgré tout comme disait Raymond Aron. Alors que le partenariat transatlantique entre l’Europe et les États-Unis a historiquement servi de pierre angulaire de la solidarité et de la coopération occidentales, les politiques européens idéalisent toujours que toute fracture dans cette relation pourrait affaiblir la capacité collective des nations occidentales à faire face efficacement aux menaces communes. C’est-à-dire, le maintien de la majorité planétaire sous la botte de la minorité occidentale. Ceci est une évidence dans la mesure où cette solidarité et cette coopération dont s’il s’agit sont organisées autour du pillage, de la spoliation des ressources et de la détérioration des termes de l’échange. L’humanité toute entière regrette les périodes sombres de l’exercice du pouvoir mondial par l’Occident collectif et la terre toute entière s’élève contre les seigneurs de l’unipolarisme débridé, les Occidentaux.

En outre, les dirigeants européens semblent mésestimer les réalités du paysage géopolitique plus large, qui comprend des puissances émergentes telles que la Chine et la Russie qui coopèrent et actionnent au sein de l’Alliance BRICS pour une plus grande influence sur la scène mondiale. Dans ce contexte, le maintien d’une alliance transatlantique moribonde de nature otanesque devient encore plus critique pour les intérêts stratégiques et la sécurité de l’Europe. En se tenant aux côtés des États-Unis, les pays européens pourraient trébucher en essayant de naviguer dans des dynamiques géopolitiques complexes et ne seraient plus en mesure de préserver leur propre position dans un environnement mondial de plus en plus concurrentiel.

Pour clore, nous pouvons déduire que si des désaccords surgissent entre l’Europe et les États-Unis sur certaines questions, les dirigeants européens perçoivent encore comme stratégiquement imprudent d’adopter une position conflictuelle envers leurs homologues américains. Ils s’attachent donc du prix à l’importance de préserver une relation de coopération avec les États-Unis pour faire avancer les objectifs communs et malsains de l’Occident collectif qui consiste à protéger les intérêts mutuels et défendre les valeurs occidentales sur la scène internationale. Une Alliance moribonde de l’unipolarisme otanesque ne peut plus dissuader personne dans la dynamique de l’Alliance BRICS multipolaire. Avec le nouvel ordre mondial multipolaire, le monde bouge avec ou sans la minorité occidentale.

Mohamed Lamine KABA – Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

Source: https://journal-neo.su/fr

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