Le nouveau président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, devra très vite imprimer sa marque, notamment en matière de réforme des institutions et de gouvernance.
Bassirou Diomaye Faye succèdera donc à Macky Sall. Le candidat de l’opposition l’a emporté dès le premier tour de l’élection présidentielle du 24 mars 2024, avec 54,28 % des voix, loin devant le candidat de la coalition au pouvoir, Amadou Ba (35,79 %). Ces chiffres publiés le 27 mars dans la soirée sont encore provisoires mais les corrections ne changeront rien au résultat final. Le nouveau président devrait prêter serment dès le 2 avril.
Les chefs d’État du monde entier ont salué le nouvel élu et le processus démocratique qui fait du Sénégal, une nouvelle fois, un pays capable d’alternance. Même si celle-ci a été singulière : dix jours avant son élection, Bassirou Diomaye Faye dormait en prison.
La relation avec les partenaires étrangers sera mise à l’épreuve si le nouveau pouvoir souhaite renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers. Ce, alors que l’année 2024, on le sait, marque l’entrée en production de grands projets.
Une tâche ardue l’attend : ne pas décevoir les attentes de la jeunesse. À 44 ans, le futur président se présente comme l’élu des jeunes et de la « rupture ». Rupture au plan politique : il entend rééquilibrer les pouvoirs en faveur du Parlement, de la société civile. Les jeunes Sénégalais seront particulièrement exigeants sur ce point, car ils savent que ce type de promesses est souvent déçu.
Rupture dans les méthodes de gouvernance, y compris au plan économique. Bassirou Diomaye Faye devrait relancer le débat sur le rôle du Sénégal au sein de la CEDEAO : non pas qu’il veuille quitter cette instance ouest-africaine, mais il en souhaite la « réforme » pour davantage d’efficacité. Le Président élu ne cache pas non plus son rejet du franc CFA. Le Sénégal peut-il unilatéralement quitter ce système monétaire ? Il devra s’assurer, dans ce dossier, du soutien solide des Sénégalais et des milieux économiques.
Priorité sera sans doute donnée à la refonte des institutions, afin de renforcer le caractère démocratique du Sénégal. Objectif donc, rééquilibrer les pouvoirs, limiter les risques de corruption et de pouvoir arbitraire. Bassirou Diomaye Faye a reproché, tous ces derniers mois, à l’équipe dirigeante autour de Macky Sall, d’interférer dans les pouvoirs judiciaires et législatifs. Sa propre incarcération, pour troubles à l’ordre public, ainsi que celle de son camarade Ousmane Sonko, pour un motif pénal peu solide, sont là pour en témoigner.
« Panafricanisme de gauche »
Ousmane Sonko. Parlons-en. Quel sera le rôle de celui qui aurait dû être le candidat de l’opposition ? Durant la courte campagne, Bassirou Diomaye Faye a joué la fusion, insistant sur leur proximité. Mais il n’est qu’un seul fauteuil pour deux. Tenir à l’écart Ousmane Sonko sera en faire, petit à petit, un opposant de l’intérieur. Lui confier un important poste de responsabilité – par exemple Premier ministre – serait donner l’impression que le Sénégal est gouverné par un curieux tandem déséquilibré, style Medvedev – Poutine en Russie.
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Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko en meeting, en mars 2024.[/caption]
Interrogé sur ce point, Bassirou Diomaye Faye a indiqué, dès le 25 mars, que le rôle de son camarade serait lié à l’application du programme de l’ex Pastef et à la refonte des institutions. Une option logique est qu’Ousmane Sonko garde un rôle plus politique en devenant chef de la majorité présidentielle, et pourquoi pas, président de l’Assemblée.
Quoi qu’il en soit, les deux hommes restent proches au plan idéologique, gardant un axe de « panafricanisme de gauche ».
Le nouveau président souhaite renforcer la souveraineté nationale, mise à mal par les ingérences étrangères. Les premiers échanges et contacts avec le président Macron seront, à coup sûr, analysés de près. « Félicitations à Bassirou Diomaye Faye pour son élection comme Président de la République du Sénégal. Je lui adresse tous mes vœux de réussite et me réjouis de travailler avec lui », a écrit Emmanuel Macron sur son compte « X » (ex-Twitter) dès le 25 mars.
Cette relation avec les partenaires étrangers sera mise à l’épreuve si le nouveau pouvoir souhaite renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers. Ce, alors que l’année 2024, on le sait, marque l’entrée en production de grands projets.
Il en sera de même, par exemple, pour les accords de pêche. Cette activité, qui fait vivre de nombreuses familles sénégalaises, subit la concurrence des chalutiers asiatiques et européens.
@NA
Par Laurent Allais
magazinedelafrique