Eveil Hebdo /Le dialogue politique, on en parle beaucoup. Mais on n ne le voit pas venir, alors que le temps presse, sur fond de raidissement des positions de certains des protagonistes.
En remettant la « feuille de route » pour le dialogue élaborée par la Coordination de l’opposition démocratique (COD) au président de la République, le leader de l’APP, Messaoud Ould Boulkheir, croyait tenir l’œuvre historique de sa vie. Mais, c’était sans compter avec le caractère ténu des rapports entre les différents acteurs de la scène politique. D’un côté, il y a un pouvoir, assis sur ses lauriers, qui ne veut rien céder, en plus d’avoir renié ses engagements. Entouré encore de soutiens beaucoup plus soucieux de leur survie que du dialogue. De l’autre, une opposition que rien n’unit, sauf d’être opposée au même régime, échaudée par le sort fâcheux réservé à l’accord de Dakar. Et qui ne veut pas, une énième fois, se laisser entraîner dans une périlleuse entreprise qui peut entamer définitivement sa crédibilité, en cherchant de sérieuses garanties. Deux camps, deux positions, difficilement conciliables. Le décor est lugubre.
Le « facilitateur », Ould Boulkheïr, a eu beau de crier que « le dialogue a franchi un pas important, et qu’il aura lieu, qu’on le veuille ou non ! » Mais tout n’est pas aussi simple. La réalité est que le chemin vers le dialogue est difficile à pratiquer. Pour ne pas dire impossible. La posture du pouvoir face à la « feuille de route » de l’opposition a été le premier couac. La Majorité présidentielle a péché, en y répondant dans la précipitation. Alors que l’enjeu était de taille et d’une importance capitale pour le pays. On rétorquera que la COD a mis beaucoup du temps pour l’élaborer. C’est vrai, et c’est normal dans une démocratie, au sein de laquelle le débat doit être contradictoire pour être convaincant. Le suivisme mou est dangereux, et constitue un frein à la progression de la démocratie. Le président de la République aurait du, en l’espèce, laisser les partis de son camp débattre sereinement du document, sans engager sa personne. Son rôle est celui d’un arbitre ; et il doit le rester.
Voie biaisée
Certainement, la voie biaisée, suivie par les démarcheurs, a rendu leurs démarches plus compliquées. Ainsi, la COD, en se réunissant par trois fois, en une semaine, n’a pas pu dégager une position commune à la réponse du pouvoir. Pour cause ! Elle part, maintenant, de report en report. Ce qui éclaire sur ses mésententes. Comme on le sait, au sein de l’opposition, des partis comme l’APP et El Wiam de Boïdiel Ould Houmeïd ne posent pas forcément de conditions intangibles pour le dialogue, mais il n’en reste pas moins que certaines formations, comme le Rfd qui insiste sur les conditions, l’Ufp, la Cnd, restent dubitatives quant à la sincérité du pouvoir sur ses intentions de dialogue. D’où la nécessité d’un signal fort du côté de ce dernier.
Les couteaux sont, parfois, tirés. Lors de son meeting de jeudi dernier, le Rfd, sans doute, le plus radical dans ses positions, en rappelant qu’il « a, de tout temps, demandé de s’asseoir autour d’une table pour traiter des questions nationale », s’est interrogé « avec qui » ? Partant de cette interrogation, son leader, Ahmed Ould Daddah, apportera sa réponse, en indiquant que « le RFD ne pourra prendre part à ce dialogue du moment qu’il n’aura en face de lui qu’une seule partie représentée par Mohamed Ould Abdel Aziz ». Auparavant, dans une conférence de presse suivant l’annonce de la réponse du pouvoir à la « feuille de route » de l’opposition, Me Mahfoudh Ould Bettah, président de la CND et de la COD, avait indiqué que son organe n’acceptera d’aller au dialogue si les conditions ne sont remplies. Mohamed Ould Maouloud, le président de l’Ufp, ne serait pas loin de penser comme lui.
Le résultat de toutes les démarches a été affligeant. Trop de cacophonie sur fond d’anathèmes lancés ici et là. Alors que l’enjeu se situe ailleurs : l’avenir du pays et sa stabilité. Que faire ? Toute la question est là. Mais une chose est certaine, pour réunir les conditions pour le dialogue, il faut, d’abord, instaurer la confiance, et ensuite, jouer la sincérité, surtout surseoir à l’organisation d’élections municipales et législatives en Octobre prochain pour apaiser les esprits et donner du temps aux conciliabules. Afin de réunir le consensus le plus utile pour un climat politique national apaisé, et pour l’organisation d’élections transparentes avec des instruments fiables qui ne souffriront pas de contestation.
El Hadj Mamadou THIAM (Eveil Hebdo) Mauritanie