La réélection de Félix Tshisekedi a été validée par la justice, en dépit des recours en irrégularités et des commentaires peu amènes des observateurs envoyés par les Églises. L’ONU s’inquiète des discours de haine.
La Cour constitutionnelle de RD Congo a rejeté, le 9 janvier 2024, les recours déposés après la publication des résultats de l’élection présidentielle, dont celui de Théodore Ngoy, candidat arrivé dernier avec 0,02 % des voix. La réélection de Félix Tshisekedi, avec 73% des voix, est donc définitive, d’ici quelques jours.
Un scrutin pourtant décrié par les différentes oppositions et par la société civile, notamment l’Église, « Un désordre gigantesque et organisé », a fustigé le cardinal Fridolin Ambongo. Les Églises catholiques et protestantes avaient dépêché environ 24 000 observateurs dans le pays.
« La rhétorique haineuse, déshumanisante et incitative est odieuse ; elle ne peut qu’aggraver les tensions et la violence dans le pays même, tout en mettant en péril la sécurité régionale. »
De nombreux actes de violence ont été signalés autour des bureaux de vote, ainsi que des pratiques frauduleuses et suspectes. Quelquefois, des bagarres ont éclaté parce que les citoyens étaient lassés de faire la queue dans des bureaux aux bulletins manquants. Les réseaux sociaux ont diffusé des images de « machines à voter » aux mains d’assesseurs bien scrupuleux, parfois dans des appartements privés. La commission électorale aurait admis que certaines de ses machines avaient été volées ou perdues.
D’ailleurs, certains résultats des élections locales et législatives ont été invalidés ou sont en passe de l’être. Certes, le score de 73,47 % (soit 0,1 point de plus que les résultats annoncés après le scrutin par la Ceni !) pour le président sortant peut surprendre, mais les sondages prédisaient un score majoritaire à Félix Tshisekedi dès le premier tour et les Églises elles-mêmes ont fait état de scores sans appel. Les leaders de l’opposition ont néanmoins appelé à un nouveau scrutin, dénonçant les fraudes.
Félix Tshisekedi est suivi par l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, qui recueille 18,08 % des suffrages, puis de Martin Fayulu (4,92 %).
L’ancien Premier ministre Adolphe Muzito obtient 1,13 % des voix. Tous les autres, y compris le Prix Nobel de la paix Denis Mukwege, ne dépassent pas les 1 %.
« La rhétorique nationaliste enflammée du président – il a promis de porter le combat au Rwanda si celui-ci poursuivait son ingérence présumée dans l’est du pays – et son bilan en matière d’enseignement primaire gratuit ont probablement joué un rôle déterminant, de même qu’une opposition faible et divisée », commente le politologue Jason Stearns, cité par la BBC.
Inquiétudes des Nations unies
En ce qui concerne les législatives, il faudra sans doute revoter dans de nombreuses circonscriptions. La CENI (Commission électorale indépendance) a déjà invalidé les votes pour 82 candidats, dont trois ministres et quatre gouverneurs provinciaux. En cause, le mauvais déroulement du scrutin, des intimidations, voire des fraudes.
Si les élections en elles-mêmes ne provoquent pas de débordements particuliers, le climat reste tendu dans certaines régions de la RD Congo. Les combats se poursuivent contre les rebelles à l’est du pays. Dans le Sud-Ouest, un conflit ancien, « Teke-Yaka », né d’un litige foncier, oppose de nouveau l’armée régulière, qui doit notamment protéger les membres du clergé, et une milice hostile, les Mobondo. Le pouvoir central redoute ces conflits intercommunautaires qui se déroulent aux portes de Kinshasa.
Le 7 janvier, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a fait part de ses préoccupations devant la montée des discours de haine à caractère ethnique et des incitations à la violence en RD Congo.
« Je suis très préoccupé par la montée des discours de haine à caractère ethnique et des incitations à la violence en particulier dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ainsi que dans les régions du Kasaï et du Katanga, après les élections générales du mois dernier », a affirmé Volker Türk dans une déclaration publiée depuis Genève.
Pour le représentant onusien, « la rhétorique haineuse, déshumanisante et incitative est odieuse » Elle ne peut qu’ « aggraver les tensions et la violence dans le pays même, tout en mettant en péril la sécurité régionale ».
Volker Türk a noté les efforts déployés par « certaines autorités » pour lutter contre ce comportement, affirmant toutefois que « des mesures plus énergiques s’imposent ».
« J’appelle les autorités à mener des enquêtes approfondies et transparentes sur tous les cas de discours de haine et d’incitation à la violence et à demander des comptes aux responsables » a conclu le haut responsable onusien.
magazinedelafrique.com