Près de 500 personnes qui manifestaient vendredi à Pretoria contre les immigrés ont été dispersées à coup de balles en caoutchouc et de grenades assourdissantes et lacrymogènes près du ministère de l’intérieur,
La police sud-africaine a dispersé vendredi à Pretoria une manifestation anti-immigrés sous haute tension organisée dans la foulée d’une vague d’incidents violents qui ont ravivé le spectre des émeutes xénophobes meurtrières de 2008 et 2015.
Depuis deux semaines, des dizaines de bâtiments occupés par des étrangers, notamment des Nigérians, et soupçonnés d’abriter des maisons de passe ou du trafic de drogue ont été brûlés par des riverains en colère à Johannesburg et dans la capitale.
A l’appel d’un collectif d’habitants d’un township de Pretoria, environ 500 personnes se sont réunies dans la matinée et ont marché sur le ministère de l’Intérieur.
Dans un contexte de fort chômage et de pauvreté, elles accusent les étrangers de voler leur travail et d’encourager la criminalité.
“Les gens en ont ras-le-bol de ceux qui amènent la drogue à la jeunesse et toute la criminalité qui va avec”, a déclaré à l’AFP un des manifestants, qui a refusé de donner son identité.
Déployée en masse autour du ministère de l’Intérieur, la police anti-émeute a dispersé la foule qui s’en approchait à grands renforts de balles en caoutchouc et de grenades assourdissantes et lacrymogènes, a rapporté un journaliste de l’AFP.
Les forces de l’ordre se sont ensuite déployées dans le quartier pour éviter tout incident avec des immigrés.
“Nous n’avons pas peur de nous battre”, a assuré à l’AFP un immigré originaire du Zimbabwe, Clement Melfort, 26 ans, venu observer à distance la manifestation.
La police a notamment repoussé une petite foule de Somaliens qui s’en est prise aux manifestants.
“Nous ne voulons que la paix”, a lancé l’un d’entre eux, Mohamed Abdi, 31 ans. “Les gens disent que nous les étrangers, nous vendons de la drogue. Personne ne pourrait vendre de la drogue ici”, a-t-il protesté, “qu’ils viennent fouiller nos magasins”.
Dans une déclaration diffusée par ses services quelques heures avant la manifestation, le président Jacob Zuma a “appelé les citoyens sud-africains et les étrangers à la mesure” et condamné “fermement les actes de violence”.
– Profonde préoccupation –
Jeudi, son ministre de l’Intérieur Malusi Gigaba avait lui aussi appelé “tous les Sud-Africains à prendre leurs distances avec la rhétorique ou les actions xénophobes”.
Le chef de l’Etat a toutefois reconnu la “profonde préoccupation exprimée dans de nombreux quartiers par les Sud-Africains à propos de la criminalité qui déstabilise les communautés”.
“Notre peuple ne peut plus continuer à vivre dans la peur comme ça”, a-t-il poursuivi, promettant de renforcer la lutte contre le crime et contre le travail au noir.
La récente vague de violences a suscité une crise diplomatique avec le Nigeria, dont les ressortissants sont souvent la cible.
Abuja a convoqué jeudi l’ambassadeur sud-africain pour lui faire part de sa “profonde préoccupation” et exiger des mesures de protection de “vies et des biens des étrangers”.
Jeudi, des étudiants nigérians ont défilé en représailles dans la capitale nigériane, notamment devant les sièges des entreprises sud-africaines Multichoice (fournisseur de télévision par satellite) et MTN (téléphonie mobile).
“Tous les Sud-Africains du Nigeria doivent partir dans les quarante-huit heures, sinon nous ne serons plus en mesure de garantir leur sécurité”, a menacé leur responsable, Aruna Kadiri.
De nombreuses ONG d’aide aux étrangers avaient demandé aux autorités sud-africaines d’interdire la manifestation de vendredi qui, selon elles, ne pouvait que “renforcer les attitudes xénophobes et les attaques”.
“Nous avons peur parce que nous connaissons les Sud-Africains”, a confié jeudi soir à l’AFP un immigré de Pretoria, Alain Bome, 47 ans, originaire de République démocratique du Congo. “Nous avons décidé de ne pas quitter notre domicile”.
Les flambées de violence anti-immigrés sont récurrentes en Afrique du Sud, qui accueille des millions d’étrangers venus de tout le continent, souvent illégalement.
En 2015, sept personnes sont mortes lors de pillages visant des commerces tenus par des étrangers à Johannesburg et à Durban. En 2008, des émeutes xénophobes avaient fait 62 morts.
Publié: le 24-02-2017 par rfi