L’armée égyptienne a commencé à se déployer, jeudi, devant le palais présidentiel au Caire. Au moins trois chars lourds et trois blindés légers ont pris position près de l’entrée du complexe présidentiel et sur une grande avenue qui le longe, dans le quartier d’Héliopolis, où des centaines de partisans du président étaient présents en début de matinée.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, cinq manifestants ont été tués dans des affrontements entre opposants et partisans du chef de l’Etat, Mohamed Morsi. Quatre manifestants ont été tués par balle et l’un après avoir été atteint près du cœur par une décharge de chevrotine, selon l’agence officielle Mena. Le ministère de la santé a indiqué que près de 450 personnes avaient été blessées.
Les Frères musulmans, dont est issu le président, ont également fait état des décès, indiquant avoir perdu cinq de leurs partisans. Cinquante personnes ont, en outre, été arrêtées, selon le ministère de l’intérieur.
Des batailles à coups de bâton, de cocktail Molotov et par jets de pierre ont eu lieu toute la nuit, avec de brèves périodes d’accalmie, autour du palais présidentiel à Héliopolis, et des coups de feu se faisaient régulièrement entendre. Ulcérés par l’incapacité de la police à ramener le calme, des riverains ont dressé des barricades, comme au plus fort de la “révolution du Nil” qui mit fin au règne d’Hosni Moubarak.
L’opposition accuse M. Morsi de s’être engagé sur la voie d’un régime dictatorial après un décret pris le 22 novembre, par lequel il s’est arrogé des pouvoirs exceptionnels et mis ses décisions ainsi que la commission chargée de rédiger la future Constitution à l’abri de tout recours en justice.
Elle proteste aussi contre le projet de loi fondamentale devant être soumis à référendum le 15 décembre, adopté en toute hâte par cette commission dominée par les islamistes et qui sape selon elle des libertés fondamentales tout en ouvrant la voie à une application plus stricte de la loi islamique. M. Morsi affirme que ses pouvoirs élargis sont “temporaires” et destinés à accélérer une transition tumultueuse.
A l’appel des Frères, des milliers de personnes avaient afflué vers le palais dans l’après-midi pour défendre le président, démantelant les tentes dans lesquelles de petits groupes d’anti-Morsi avaient passé la nuit après une manifestation massive de l’opposition mardi. Des protestations ont aussi eu lieu en province. Des opposants à M. Morsi ont ainsi incendié des locaux des Frères musulmans à Ismaïliya et Suez.
Un quatrième conseiller du président, Mohammed Esmat Seif Eddawla, a annoncé sa démission en signe de protestation.
Un groupe de responsables de l’opposition s’est réuni pour débattre des propositions du vice-président mais son coordinateur, Mohamed Elbaradei, Prix Nobel de la paix 2005, ne s’est dit prêt à les prendre en compte que si le décret du 22 novembre est abrogé. “Nous sommes prêts au dialogue si le décret constitutionnel est annulé (…) et si le référendum sur la Constitution est reporté”, a annoncé Mohamed ElBaradei, qui a accusé Mohamed Morsi et son gouvernement d’être “entièrement responsables” des violences.
Le Monde.fr | 06.12.2012