Pierre Buyoya réagit face à sa condamnation par la Cour suprême de Burundi : « Cette affaire relève d’un procès purement politique »

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Le lundi 19 octobre 2020, la Cour suprême du Burundi a condamné l’ancien président burundais Pierre Buyoya, ainsi que d’autres personnalités à la perpétuité, pour l’assassinat (21 septembre 1993) du premier président hutu du Burundi démocratiquement élu Melchior Ndadaye. L’ancien président burundais, Pierre Buyoya, aujourd’hui, Haut Représentant de la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL), est condamné par contumace à la prison à perpétuité, pour « attentat contre le chef de l’État, contre l’autorité de l’Etat et attentat tendant à porter le massacre et la dévastation ». En réaction à ce verdict, Pierre Buyoya a indiqué dans un communiqué de presse que cette affaire relève d’un procès purement politique. « Ce procès a été mené en violation de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation nationale au Burundi… ce procès a été conduit en violation flagrante de toutes les dispositions nationales et internationales qui consacrent le droit de toute personne humaine à un procès juste et équitable…Nous rejetons ces jugements qui ne sauraient en aucun cas nous engager. Nous nous réservons le droit de faire appel auprès des juridictions et des instances nationales et internationales compétentes pour que justice soit faite aux personnalités injustement condamnées », a souligné Pierre Buyoya. Lisez la réaction de Pierre Buyoya !

Communiqué de Presse

Réactions du Président Pierre BUYOYA dans le dossier Ndadaye dont le verdict a été rendu public ce lundi, 19 octobre 2020

Dans la parodie de justice relative au dossier RPS/97 sur l’assassinat du Président Melchior Ndadaye, en cours depuis bientôt deux ans, la Cour suprême du Burundi vient de décider, sans surprise par ailleurs, de condamner vingt anciennes personnalités à de lourdes peines, allant de vingt ans de servitude pénale à la prison à perpétuité. Et pour compléter le forfait, cette peine est assortie de la condamnation à payer solidairement à l’Etat du Burundi plus de cent deux milliards de francs, trahissant par-là l’intention du gouvernement d’exproprier les anciens dirigeants de tous leurs biens en vue de se les approprier. Face à ce simulacre de procès, nous tenons à déclarer ce qui suit à l’intention de l’opinion nationale et internationale :

Premièrement, comme nous l’avons toujours indiqué, cette affaire relève d’un procès purement politique. Elle a été initiée dans le contexte de la crise consécutive au troisième mandat anticonstitutionnel de l’ancien Président Pierre Nkurunziza, avec pour objectif de réaliser une grande mobilisation politico- ethnique, dans la perspective des dernières élections générales de 2020. Sur les traces de son prédécesseur, le nouveau gouvernement vient de prouver à la face du monde qu’il s’inscrit dans cette ligne de non droit. L’orchestration est telle que cette sentence est prononcée, pour frapper davantage les esprits, la veille de la date anniversaire de l’assassinat du Président Melchior Ndadaye.

Deuxièmement, dès le début de sa mise en œuvre, ce procès a été mené en violation de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation nationale au Burundi. Conclu le 28 août 2000, sous les auspices des illustres personnalités africaines comme Nelson Mandela et de toute la communauté internationale, cet Accord de portée historique a valeur de symbole. Il traduit un nouveau contrat social qui marque la volonté du peuple burundais de se réconcilier avec lui-même. En cherchant à éliminer une des parties signataires, le gouvernement prend la lourde responsabilité de rompre ce pacte et d’engager le pays sur la voie glissante de la haine, de la division et de l’injustice.

Troisièmement, ce procès a été conduit en violation flagrante de toutes les dispositions nationales et internationales qui consacrent le droit de toute personne humaine à un procès juste et équitable. Dès le départ en effet, les prévenus qui, pour des raisons de sécurité ne résident pas au pays pour le moment n’ont pas été autorisés à se faire assister. Leurs avocats nationaux ont été tenus à l’écart des dossiers et le gouvernement a refusé aux avocats internationaux le visa d’entrée au Burundi pour participer à leur défense. A tel point qu’aujourd’hui, des citoyens au-dessus de tout soupçon viennent de s’entendre condamnés à de si lourdes peines sans avoir jamais su de quoi ils sont accusés. Ce jugement constitue clairement une nouvelle violation flagrante des droits de l’homme, le droit à la vie, à la liberté, le droit à une justice équitable.

Quatrièmement, dès la première audience sur cette affaire, les avocats des accusés ont tout mis en œuvre pour obtenir copie des dossiers des prévenus, sans succès. C’est dire que les preuves des faits reprochés aux accusés n’ont jamais été présentées ni démontrées. L’on s’est contenté de simples déclarations souvent anonymes dans un procès où les avocats de la défense étaient littéralement exclus.

Cinquièmement, le jugement qui vient d’être rendu foule aux pieds la Constitution, les lois, les principes et les procédures qui fondent le droit burundais. En procédant à la réouverture du dossier, au mépris du jugement déjà rendu dans la même affaire, il ignore le principe internationalement reconnu de l’autorité de la chose jugée. Il viole par la même occasion le principe de la prescription et de la non-rétroactivité de la loi pénale, puisque les faits incriminés se sont déroulés il y a vingt-sept ans, alors que la loi en vigueur à l’époque limitait leur poursuite à une période de vingt ans.

Face à toutes ces violations, nous tenons à porter à la connaissance de l’opinion nationale et internationale que nous rejetons ces jugements qui ne sauraient en aucun cas nous engager. Nous nous réservons le droit de faire appel auprès des juridictions et des instances nationales et internationales compétentes pour que justice soit faite aux personnalités injustement condamnées.

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