" …Comment comprendre que les ”Harkis” d’Algérie bénéficient des mêmes avantages que les soldats français. Alors que les tirailleurs sénégalais n’ont jusque-là reçu que des broutilles. La France n’est pas reconnaissante sinon, elle aurait dû le faire bien avant’ ", a lancé amer un ancien combattant, à l’annonce de la décision du président Sarkozy.
La décision du Président Sarkozy d’aligner les pensions des anciens combattants africains sur celles de leurs compagnons d’armes de la Métropole est bien accueillie sur le continent. Au Mali, les anciens combattants attendent avec impatience la matérialisation de cette décision de l’Elysée. A la Maison des anciens combattants de Bamako, l’optimisme est déjà de mise, la semaine dernière lors de notre passage.
Après plusieurs années de plaidoyer pour la parité avec leurs compagnons d’infortune de la France, les anciens combattants africains peuvent enfin bénéficier des avantages à la hauteur du sacrifice consenti à la Métropole. Très attendu en terre africaine, où anciens combattants encore en vie et parents apprécient diversement la mesure française qui s’appliquera aux 30000 anciens combattants, pour la plupart africains, et vivant dans leur pays d’origine, qui bénéficieront désormais de la même pension que leurs camarades français. C’est au cours d’une rencontre, en prélude à la fête du 14 juillet de cette année que le chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, en compagnie de plusieurs chefs d’Etat africains, a réitéré sa décision. Le coût de cette opération est évalué à environ 150 millions d’euros par an. Le gouvernement français déposera un projet de loi à cet effet devant le parlement ” dès la rentrée prochaine”, selon le communiqué de l’Elysée.
Réparation d’une injustice
Sitôt la nouvelle tombée, nous nous sommes rendus à la Maison des anciens combattants de Bamako. Ici, même si on apprécie cette décision, l’heure n’est pas à la fête. On rencontre des anciens combattants presque abandonnés, usés par le stress et la maladie. Et nombre d’entre eux peinent à se payer une ordonnance et s’offrir une alimentation décente. A l’image de Housseiny Bocoum, ancien combattant qui a combattu aux côtés des troupes françaises lors de la guerre d’Indochine. Ce vieux qui a de la peine à marcher correctement est accompagné par un de ses petits-fils. Il a n’a pas mâché ses mots par rapport à leur situation. "Je suis venu ici pour voir si on peut convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de parler de cette décision.
Il faut mettre la pression sur la France. Pour moi, ce n’est pas l’aumône qu’on nous donne, c’est le fruit de notre effort. Maintenant, la France veut se racheter. Mais nous, anciens combattants, nous ne devons pas oublier l’injustice que ce pays nous a causée. Sinon comment comprendre que les ”harkis” d’Algérie bénéficient des mêmes avantages que les soldats français. Alors que les tirailleurs sénégalais n’ont reçu que des broutilles. La France n’est pas reconnaissante sinon, elle aurait dû le faire bien avant”, se lamente-t-il. Le vendredi 16 juillet dernier, soit deux jours après l’annonce de la décision, anciens combattants et veuves d’anciens combattants ont pris d’assaut la maison des anciens combattants. Et Safiatou Dem, veuve d’un ancien combattant veut se rassurer que cette décision concerne aussi ceux déjà décédés, elle ne trouve pas d’interlocuteur car le président des anciens combattants est absent et celui habilité à lui répondre se trouve en France pour le défilé du 14 juillet dernier.
Mamadou Diallo, un vieil homme, presque octogénaire, nous a affirmé qu’il faisait partie de ceux qui ont échappé au carnage de Thiaroye. "Pour nous autres qui avons connu cette période, c’est un soulagement et un réconfort moral, moi je ne m’attendais pas à çà. On a trop souffert pour la France mais ce pays ne nous a pas récompensés. Maintenant la balle est dans le camp de nos Etats. Si la France a reconnu son tort, on peut lui pardonner”, a-t-il souligné.
A l’intérieur du pays, des anciens combattants vivants ou parents fondent beaucoup d’espoir quant à la matérialisation de cette décision. Même si plusieurs d’entre eux que nous avons approchés considèrent que la France a traîné les pieds avant de prendre cette décision, somme toute, bénéfique pour les 30 000 anciens combattants.