La pendaison de Saddam Hussein continue d”alimenter les polémiques relancées par une vidéo pirate de l”exécution, avec des invectives contre l”ex-raïs au pied du gibet. Libération revient sur les circonstances de cette mise à mort précipitée.
rn
Reste que l”exécution aurait pu être différée de quelques jours pour éviter de coïncider avec la fête du Sacrifice, qui, pour les sunnites, commençait samedi, et de froisser ainsi les sentiments de cette communauté majoritaire dans le monde musulman. «C”est parce que la pendaison répond à un agenda chiite. Elle est une façon de coller une couleur chiite au nouveau pouvoir irakien, de montrer que désormais le pays est chiite, que le gouvernement s”identifie à cette société et que l”ex-raïs n”était que le représentant de la minorité sunnite», commente l”anthropologue Hosham Dawood. Derrière le refus de retarder la pendaison, le gouvernement chiite a montré son goût immodéré pour le pouvoir. L”exécution a aussi permis une identification confessionnelle : les chiites se sont identifiés aux bourreaux, en lesquels ils ont vu des justiciers ; les sunnites, au supplicié. Des deux côtés, on peut voir la même volonté de se confronter à l”autre camp.
rn
rn
La mise en oeuvre précipitée du verdict n”en est que plus scandaleuse. Elle est néanmoins légale au regard de la loi irakienne. L”indignation n”en est pas moins quasi générale, d”autant que Saddam Hussein, condamné là pour crime contre l”humanité pour ses responsabilités dans le massacre de 148 villageois chiites du village de Doujaïl, en 1982, ne sera jamais jugé pour ses pires forfaits comme l”extermination de quelque 200 000 Kurdes lors de l”opération Al-Anfal, en 1988, avec l”emploi d”armes chimiques, ou les massacres de centaines de milliers de chiites au printemps 1991, après la guerre du Golfe.
rn
La télévision publique Al-Iraqiya a diffusé une séquence d”une vingtaine de secondes, filmée par les services de communication du Premier ministre chiite Nouri al-Maliki, montrant, sans le son, les derniers instants du dictateur déchu, mais pas la pendaison ni le cadavre. Il s”agissait de prouver que le «tyran [était] bien mort».
rn
Une très large majorité de la population, notamment les chiites (60 % de la population) et les Kurdes (20 %), principales victimes du défunt régime, était favorable à la pendaison de l”ex-raïs, responsable de la mort de centaines de milliers d”Irakiens. La vidéo pirate de 2"30 illustre de façon beaucoup plus crue les conditions d”une mise à mort évoquant clairement une vengeance communautaire, scandée par des cris à la gloire du jeune imam chiite radical Moqtada al-Sadr. «L”exécution aurait dû avoir lieu conformément aux critères les plus élevés de discipline et de respect pour le condamné, à la fois avant et après sa mort», a déclaré hier Khoudaïer al-Khouzaï, qui assure l”intérim du ministre de la Justice, annonçant l”ouverture d”une enquête.
rn
Source:
Libération (France)rn“