Départs en série, postes vacants, dialogue rompu avec le Congrès… Sous Donald Trump, la Maison-Blanche peine à fonctionner correctement.
Depuis le début du mandat de Donald Trump, pas un jour ne se déroule sans rebondissement politique, et les semaines passées n’ont pas dérogé à la règle. En l’espace de quelques jours, le Sénat a une nouvelle fois rejeté l’abrogation du système de santé mis en place sous Barack Obama, une promesse phare du candidat Trump ; son porte-parole, Sean Spicer, a démissionné ; son remplaçant, Anthony Scaramucci, s’en est violemment pris au chief of staff, le directeur de cabinet de la Maison-Blanche Reince Priebus, et au conseiller présidentiel Steve Bannon. Dans la foulée, Reince Priebus a été remplacé par le général John Kelly. Dernier rebondissement : Scaramucci a quitté ses fonctions dix jours seulement après avoir été nommé…
Un chaos permanent
Un tel désordre a-t-il déjà existé à la Maison-Blanche ? “Les débuts de la première administration Clinton en 1993 étaient également chaotiques, souligne Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et spécialiste de la politique américaine. Ancien gouverneur de l’Arkansas, Bill Clinton n’était plus présent à Washington depuis des années et ne maîtrisait pas les rouages du pouvoir.” L’administration présidentielle est alors désordonnée, et Bill Clinton chute rapidement dans les sondages. “Mais le premier chief of staff de Bill Clinton, son ami d’enfance Mark McLarty, est parti au bout de dix-huit mois, contre six mois à peine pour Reince Priebus, relève Corentin Sellin. Surtout, le chaos règne à la Maison-Blanche depuis le début avec Donald Trump : dès février, c’est son conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn qui partait.”
Donald Trump, électron libre
Fidèle à la campagne tapageuse qui lui a réussi, le président américain maintient un unique fil directeur : il refuse toute contrainte. Pour remplacer Reince Priebus et Sean Spicer, tous deux des cadres du Parti républicain, Donald Trump a préféré des profils bien différents. L’explosif Anthony Scaramucci, ex-homme d’affaires, est un clone de son patron. Parlant sans filtre aux journalistes, il menace de licencier tout le personnel présidentiel pour mettre fin aux fuites, jure et insulte grossièrement ses collègues. John Kelly lui, est “le bon élève”, explique le spécialiste des États-Unis. “Lorsqu’il était secrétaire à la Sécurité intérieure, il a défendu Jared Kushner (gendre et conseiller du président, impliqué dans des affaires avec la Russie), et il était encore plus virulent que Donald Trump sur l’immigration ou sur la liberté de la presse.”
If ObamaCare is hurting people, & it is, why shouldn’t it hurt the insurance companies & why should Congress not be paying what public pays?
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 31 juillet 2017
Déjà coupé de sa majorité, contre laquelle il vitupère sur Twitter, Donald Trump risque d’aggraver la rupture avec le Parti républicain. “Priebus comme Spicer avaient été pris comme des gages de fidélité au parti. Reince Priebus en particulier était le lien avec les Républicains, explique Corentin Sellin. Il était président du Comité national républicain pendant la campagne de 2016, et est un ami de Paul Ryan, le président de la Chambre des représentants.”
Un président virtuel ?
Conséquence de cette rupture, “le bilan législatif de Donald Trump est quasiment nul au bout de six mois”, constate Corentin Sellin, malgré une majorité républicaine au Sénat comme à la Chambre des représentants. “Peu de lois ont été signées, et aucune majeure. Il a un gros activisme sur les décrets présidentiels, mais ceux-ci sont par définition d’une portée limitée, ajoute le spécialiste. Il n’y a pas de ligne directrice, le Congrès est livré à lui-même, comme sur l’Obamacare, où aucune directive précise n’était fixée. Voulait-on une abrogation totale ou partielle ?”
Donald Trump travaille-t-il vraiment ? L’interrogation est réelle, relève le spécialiste des États-Unis : “On a un président qui tweete dans son coin, mais qui n’a plus aucune prise sur le réel, qui se virtualise.” Visiblement plus intéressé par le golf, auquel il s’adonne régulièrement, qu’aux rouages du système politique américain, Donald Trump rechigne à diriger sa majorité. En outre, près de 60 % des postes de la haute fonction publique ne sont toujours pas occupés, Donald Trump n’ayant pas encore proposé de noms à valider au Sénat.
Un soutien solide de sa base électorale
Isolé, Trump garde néanmoins des atouts. “La plupart des élus républicains restent dans une loyauté affichée. Car si Trump dévisse dans les sondages, il reste très populaire dans l’électorat républicain, note Corentin Sellin. Or les élus ont en tête les élections de mi-mandat, dès 2018, où ils pourraient se retrouver face à des candidats trumpistes en cas de dissidence.”
Enfin, une entente pourrait être trouvée entre le président et les élus républicains sur un sujet politique majeur, les réformes fiscales. “Il semble que la Maison-Blanche ait travaillé en amont, avec les grandes lignes des baisses d’impôts définies en accord avec le Congrès”, croit savoir Corentin Sellin. Pour sortir enfin des cafouillages.