Un an après son apparition, le coronavirus continue de faire chaque jour des milliers de morts et d’aggraver la pauvreté dans le monde. Lors d’une journée spéciale ce lundi 11 janvier, RFI analyse les dernières avancées scientifiques et les changements profonds que cette crise a installé dans nos vies quotidiennes.
Confinement, gestes barrière, distanciation sociale, hydroxychloroquine, cluster, écouvillon, zoonose : autant de mots ou d’expressions dont nous n’avions pas connaissance ou du moins pas l’usage il y a seulement un an, lorsque le monde commence à découvrir une maladie inconnue et qui à l’époque n’inquiète pas grand monde. Le 5 janvier 2020, l’Agence France Presse diffuse une dépêche qui intrigue les spécialistes des épidémies : « Mystérieuse pneumonie en Chine: 59 cas, le SRAS exclu ».
Identifiée quelques jours auparavant à Wuhan (centre du pays), cette maladie à coronavirus que l’on appellera Covid-19 se répand dans cette ville de 11 millions d’habitants, d’abord parmi les personnes qui fréquentent un marché aux poissons et animaux sauvages. On ne parle pas encore de transmissions entre humains. Les autorités chinoises et l’OMS (Organisation mondiale de la santé) donnent la première alerte et le 11 janvier est annoncé un premier décès : celui d’un Chinois de 61 ans habitué du marché de Wuhan et qui avait déjà des problèmes de santé.
Personne n’imagine que 365 jours plus tard, selon le décompte de la désormais célèbre université américaine Johns-Hopkins, ce sont près de deux millions de terriens de plus de 190 pays qui auront eux aussi succombé à une épidémie devenue pandémie. Un bilan malheureusement loin d’être définitif. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le SARS-CoV-2 (acronyme anglais de severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) continue de faire des ravages dans plusieurs zones du monde, notamment aux Amériques et en Europe.
Ennemi invisible
Certes cette pandémie ne touche pas tous les territoires avec la même force, certes elle n’est pas dans l’Histoire la plus meurtrière (la grippe espagnole en 1918-1919 ou plus récemment le sida ont tué chacun des dizaines de millions de personnes), mais ce virus a une particularité qui le rend particulièrement difficile à combattre : il rentre dans nos cellules par de simples gouttelettes émises par une autre personne croisée même brièvement, même si elle ne présente pas le moindre symptôme. Un ennemi invisible dont les secrets, malgré tous les efforts des scientifiques qui au passage alertaient depuis longtemps contre les risques d’une pandémie de grande ampleur, n’ont sans doute pas encore été tous révélés. L’apparition au Royaume-Uni et en Afrique du Sud de nouvelles formes du virus amènent une inconnue supplémentaire dans cette équation déjà complexe.
Un monde atterré
À cette crise sanitaire qui endeuille des familles séparées jusqu’au dernier instant par la crainte d’une contamination, se sont ajoutés d’autres drames humains. Il y a d’abord la souffrance des personnels soignants, sous-payés et en première ligne pour sauver leurs patients. Au début de la bataille, victimes de la pénurie de protections, ils sont plus que vulnérables. Beaucoup l’ont payé de leur vie. Les autres resteront marqués par ces mois de travail intense dans des hôpitaux parfois surchargés. Certains parlent d’une « ambiance de guerre ». Cette année 2020 aura eu valeur de test pour la plupart des systèmes de santé. 2021 le sera sans doute encore plus.
Paradoxes économiques
Mais ce sont en réalité les économies dans leur ensemble qui subissent un choc tout aussi violent qu’imprévisible. La fermeture des frontières, les confinements à répétition et qui se prolongent pendant des mois, l’activité à l’arrêt dans de nombreux secteurs : au nom de la préservation de la vie humaine, une crise profonde s’est installée. Privées de ressources, des entreprises mettent la clé sous la porte, plongeant leurs salariés dans l’incertitude. Le secteur informel paie un plus grand prix encore. La Banque mondiale prévoit qu’en 2021, 150 millions de personnes pourraient plonger dans la grande pauvreté du fait de la récession. Les inégalités sociales, déjà flagrantes, se creusent dans de nombreux pays où les distributions de nourriture et de biens de première nécessité voient les files d’attente s’allonger.
Dans ce contexte, les aides ciblées et les plans de relance certes spectaculaires ne pourront qu’amortir la chute d’un système mondialisé et qui montre à la fois sa force et ses limites. Chaque jour sont annoncés des résultats catastrophiques, mais les marchés financiers ne se sont peut-être jamais si bien portés. Profitant des nouvelles pratiques de loisirs et de travail à distance, l’économie numérique sort grande gagnante de 2020, les géants Google, Amazon, Facebook, Twitter en tête. Le secteur de la santé n’est évidemment pas en reste. Les grandes firmes pharmaceutiques, détestées ou vues comme les sauveurs du monde, engrangent des contrats mirobolants.
Un vainqueur dans la course au vaccin
Et puisqu’il en fallait un, ce sera lui : l’Américain Pfizer, associé au laboratoire allemand BioNTech, remporte un sprint inédit dans l’histoire de la recherche sur les épidémies. Dès le mois de novembre (8 mois seulement après que l’OMS a décrété la pandémie), son PDG Albert Bourla annonce la mise au point d’un vaccin « efficace à 90% ». Les marchés financiers s’enthousiasment et les gouvernements se livrent bataille pour réserver des stocks. Une semaine plus tard, c’est un autre groupe américain, Moderna, qui fait monter les enchères en promettant un vaccin efficace « à 95 % ». D’après les premières constatations, les effets indésirables sont mineurs. D’autres sont également lancés comme le Britannique AstraZeneca, le Chinois Sinopharm, le Russe Spoutnik, l’Américain Novavax.
Les premières campagnes de vaccination ont donc débuté, notamment dans les pays occidentaux, avec une priorité accordée aux personnes âgées, personnels soignants, les catégories de population les plus vulnérables. C’est la clé d’un possible retour à une vie un peu plus normale, espérée dans le courant de l’année 2021. Restent plusieurs questions : les pays les moins riches seront-ils rapidement approvisionnés ? Les vaccins chinois et russes, moins onéreux, pourraient être privilégiés en Afrique et en Amérique latine. Par ailleurs, comment convaincre les anti-vaccins, réticents à la piqûre pour des raisons médicales ou idéologiques ? Le défi est aussi politique et sociétal, dans un monde où la science est de plus en plus remise en cause.
Ironie de l’histoire : Donald Trump avait misé sur les promesses de vaccination pour convaincre les Américains de le réélire, malgré le désastre sanitaire dans son pays. En mai, Washington lance l’Opération Warp Speed : 11 milliards de dollars pour le développement d’un vaccin d’ici la fin de l’année. Donald Trump évoque alors l’effort américain le plus massif depuis le développement de la bombe atomique pendant la Seconde Guerre mondiale. Son échec dans les urnes sera-t-il aussi celui de son allié brésilien Jair Bolsonaro qui remettra son mandat en jeu en 2022 ?
Des armes pour lutter
Le vaccin, quoique probablement décisif, n’est pourtant pas la seule arme dont dispose le monde en 2021. Le traçage des personnes contaminées est un enjeu stratégique. Tout comme le respect des gestes barrières qui se sont invités sans doute pour longtemps dans nos existences. Pour reprendre une image éloignée de la science, mais véhiculée par des scientifiques, ces mesures sont comme une suite de tranches d’emmental, ce fromage avec des trous aléatoires ; chacune de ces mesures n’est pas suffisante à elle seule pour faire obstacle au coronavirus, mais, ensemble, elles constituent un rempart efficace. Il y a d’abord le masque ; un accessoire, qui est très loin d’être accessoire, avec lequel nous avons appris à vivre pour l’immense majorité d’entre nous. Il est fondamental. Et ce d’autant que l’on peut être contagieux sans avoir de symptômes du Covid-19. Autre geste très important : l’aération des lieux clos. Parler, tousser, éternuer mais aussi respirer provoquent l’émission de gouttelettes potentiellement contaminées – à noter que les plus petites peuvent rester plusieurs heures en suspension dans l’air. Il ne faut pas oublier le lavage très régulier des mains au savon, ou l’utilisation du gel hydro-alcoolique. Autant de gestes de base préconisés par les spécialistes de santé publique.
Mais ce qui aura sans doute davantage marqué les terriens et va sans doute les marquer pour un bon moment, c’est la recommandation d’une distanciation physique, arme encore plus imparable que le port du masque. Le fait de réduire drastiquement les contacts induit mécaniquement moins de cas. Sauf que demander à des êtres humains, théoriquement programmés pour le lien social, de ne plus se serrer la main, ne plus se toucher, s’embrasser, ne plus danser ensemble, ne plus manger à la même table, parfois même de s’isoler totalement pendant plusieurs semaines est par nature source d’angoisses voire de dérèglements psychologiques. Des écoles et des universités fermées (avec des conséquences inévitables sur le niveau d’éducation des enfants), des salariés qui travaillent à leur domicile parfois exigu et donc privés d’une partie de la relation humaine avec leurs collègues, la pratique sportive limitée, les voyages quasi-impossibles, les lieux de socialisation comme les bars et les restaurants désertés, l’annulation des spectacles culturels, des fêtes familiales ou amicales, la limitation drastique de la pratique religieuse : autant de facteurs de fragilisation de la santé mentale dans toutes les générations. Une attention est portée aux étudiants et aux jeunes adultes privés des moments qui forgent leur personnalité et leurs amitiés futures. C’est le moment où se dessine leur rapport au monde.
Des motifs d’espoir
Un tableau très sombre, mais il y a aussi des raisons d’être raisonnablement optimiste pour l’avenir à moyen terme. En attendant les effets des vaccins et d’une possible immunité collective, en attendant la mise au point de traitements efficaces contre ce virus, cette crise aura aussi fait émerger de nouvelles solidarités, y compris internationales. Des projets sont en route, de nouvelles façons de travailler sont imaginées, d’autres façons d’enseigner, certains veulent croire aussi à une prise de conscience écologique, une autre façon de penser notre rapport à la consommation, une autre relation au monde animal. Des perspectives plus joyeuses qui, sans consoler les malades, leurs familles, ou ceux qui ont perdu leur emploi, permettent au moins de poser la question : « Et si 2021 nous laissait apercevoir le bout du tunnel ? »
RFI