C’est un recadrage qui se veut strict et sans appel. Le président ivoirien Alassane Ouattara ne veut plus entendre parler de manifestations violentes là où la voix du dialogue peut être privilégiée. Il siffle aussi la fin du « brouhaha » et des rumeurs concernant son projet phare de nouvelle Constitution. Seulement, sera-t-il suivi ? Les mécontentements de l’opposition se font plus audibles et les mouvements sociaux, plus musclés.
Recadrage social dans un contexte contestataire
Au coeur des nombreuses tensions, les tarifs de l’électricité. Alors que le ministère de l’Énergie ivoirien avait initialement annoncé une hausse de 6 à 10 % des tarifs de l’électricité pour le début d’année, une majorité d’abonnés ont vu leurs factures exploser bien au-delà à consommation égale. Certains d’entre eux ont alors manifesté violemment en commettant des actes de vandalisme, des pillages et des saccages, courant juillet, contre des agences de la Compagnie de distribution d’électricité (CIE) dans des localités de l’intérieur du pays. À Bouaké (Centre), une personne avait été tuée et une dizaine d’autres ont été blessées par balle. Une agence de la Compagnie ivoirienne d’électricité (privatisée en 1990 et propriété du groupe franco-africain Eranove) et plusieurs bâtiments administratifs avaient été pillés et saccagés. Des manifestations avaient aussi entraîné des violences et des pillages à Yamoussoukro, la capitale administrative de la Côte d’Ivoire, et à Daloa, dans le centre. « Le gouvernement est responsable de la poussée de tension sociale actuelle et des manifestations de Yamoussoukro », avait alors accusé Jean-Baptiste Koffi, président de l’Union fédérale des consommateurs de Côte d’Ivoire, qui regroupe 125 associations. Le gouvernement a donné des explications en affirmant que « l’État [continuait] de subventionner l’électricité en Côte d’Ivoire […] à hauteur de 60 à 80 milliards de FCFA par an » (91,4 à 121,9 millions d’euros). « C’est une aide du gouvernement aux populations sans laquelle l’électricité coûterait plus cher », détaillait Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement. Cette augmentation des tarifs d’électricité subventionnés par l’État est surtout le fait de la pression des bailleurs internationaux, au nom de l’orthodoxie budgétaire. Le FPI, parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, a déposé une plainte « contre le gouvernement Ouattara devant les juridictions nationale et internationale pour harcèlement économique de la population et abus de position », ont-ils fait savoir dans un communiqué le 2 août. Le président dans son discours prononcé ce 7 août s’est voulu rassurant sur le front des manifestations estudiantines qui ont été émaillées de violences dans ces dernières semaines. « Dans un pays en reconstruction, on ne peut pas casser pour manifester son mécontentement », a jugé le président. Il a donc annoncé des moyens supplémentaires pour les étudiants.
Accélération du calendrier politique et création d’un poste de vice-président
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— Presidenceci (@Presidenceci) 7 août 2016
Le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé la création d’un poste de vice-président et d’un Sénat dans le cadre de la nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum à la fin du mois d’octobre. La « création d’un poste de vice-président, élu au suffrage universel direct, en même temps que le président de la République […] pour garantir la paix et la stabilité », est l’une des principales « innovations » du nouveau texte, a déclaré M. Ouattara dans son traditionnel discours à la nation, à la veille de la commémoration du 56e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. « En cas de vacance de pouvoir, il [le vice-président] garantit la continuité de l’État d’une part et le respect du calendrier électoral d’autre part », a-t-il expliqué. La nouvelle Constitution doit en outre doter la Côte d’Ivoire d’un « Sénat » composé « d’anciens serviteurs de l’État, de personnalités de qualité » qui cohabiteront avec l’Assemblée nationale. La rédaction d’une nouvelle Constitution était l’une des promesses de campagne d’Alassane Ouattara, réélu pour un second et dernier mandat de cinq ans en octobre 2015. Fin juin, vingt-trois partis d’opposition, dont le Front populaire ivoirien (FPI), fondé par l’ancien président Laurent Gbagbo, ont adopté jeudi une déclaration commune refusant le référendum sur une nouvelle Constitution. Les opposants demandent la « convocation d’une assemblée constituante » et critiquent de nombreux autres choix. « La nomination d’un vice-président vise en réalité à lui [Ouattara] permettre de choisir son successeur, ce qui traduirait une dévolution monarchique du pouvoir », disent-ils. « La multiplication de nouvelles institutions, vice-présidence, Sénat, Chambre des rois, dans une période où le budget de l’État s’avère insuffisant pour faire face à l’amélioration du niveau de vie des populations est anachronique », estiment-ils.