OTAN : Une adhésion de la Finlande changerait radicalement sa politique nucléaire

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En tant que membre candidat à l’OTAN, la Finlande doit actualiser sa politique en matière d’armes nucléaires. Celles-ci sont un pilier important de l’alliance défensive, dont la position officielle est que tant que les armes nucléaires existeront, l’OTAN sera par nature une alliance nucléaire.

En septembre 2022, le président russe Vladimir Poutine a menacé d’utiliser des armes nucléaires, déclarant : « En cas de menace contre l’intégrité territoriale de notre pays et pour défendre la Russie et notre peuple, nous utiliserons certainement tous les systèmes d’armes à notre disposition. Ce n’est pas du bluff ». La déclaration de Poutine – mais aussi d’autres – a suscité un débat animé concernant les armes nucléaires en Europe, tel qu’on n’en avait pas vu depuis les jours les plus sombres de la Guerre froide. En effet, alors que la doctrine militaire russe prévoit l’utilisation des armes nucléaires pour l’autodéfense, cette pratique est opaque et Poutine est largement considéré à l’Ouest comme un acteur imprévisible. Alors que l’invasion de l’Ukraine s’intensifie et que les pertes russes se multiplient, nombre de personnes s’inquiètent de voir la Russie recourir à son arsenal nucléaire comme méthode de coercition ultime. Ces inquiétudes surviennent alors que la Finlande, en tant que futur membre de l’alliance, reconsidère son positionnement concernant les armes nucléaires.

Après avoir déposé sa demande en mai 2022, la Finlande est maintenant au beau milieu de son processus d’adhésion à l’OTAN, il ne manque plus que l’approbation de la Turquie et de la Hongrie. Dans sa candidature, la Finlande ne cherche pas à obtenir de dérogations quant à son adhésion et s’engage pleinement dans l’alliance. Cela a déclenché des discussions sur sa future politique en matière d’armes nucléaires. Le 7 novembre, le président Sauli Niinistö a souligné la position finlandaise : « Permettez-moi d’être clair : même si nous n’imposons aucune restriction à l’avance concernant notre adhésion à l’OTAN, la Finlande n’a absolument pas l’intention de faire entrer des armes nucléaires dans son territoire. De plus, je n’ai vu aucune indications que quiconque nous en propose. »

Les deux autres membres scandinaves de l’OTAN – la Norvège et le Danemark – ont interdit toute base de l’OTAN ou toute arme nucléaire sur leur sol en temps de paix. En demandant à devenir membre à part entière de l’OTAN sans aucune restriction explicite, la Finlande se donne la possibilité de prendre ses propres décisions en matière d’armes nucléaires. Mais il y a un bémol : selon la législation nationale actuelle de la Finlande, les armes nucléaires sont illégales.

En rejoignant l’OTAN, la Finlande sera alliée à des pays qui disposent d’arsenaux nucléaires – et qui sont prêts à les utiliser si cela s’avérait nécessaire. Cela est conforme au fondement de l’alliance : les armes nucléaires sont une composante essentielle de la dissuasion de l’OTAN. Telle sera la nouvelle réalité sécuritaire à laquelle la Finlande sera confrontée le jour où elle rejoindra l’alliance stratégique. Pour autant, la question de savoir ce que l’adhésion à l’OTAN signifiera pour la conception finlandaise en matière de défense nucléaire n’a pas été suffisamment débattue.

Cela s’explique en partie par l’intérêt que portent la Finlande et l’OTAN à une adhésion rapide et sans complication. Mais il existe également une tradition consistant à ne pas débattre des politiques de sécurité stratégique nationale dans les forums publics, en raison de la grande confiance des Finlandais dans leurs autorités nationales. Un débat national serein est toutefois essentiel pour que la population finlandaise comprenne mieux les politiques en matière d’armes nucléaires et leur impact potentiel sur la sécurité de la Finlande.

En tant que membre de l’OTAN, la politique de la Finlande en matière d’armes nucléaires est censée servir les intérêts nationaux et internationaux du peuple finlandais. La Finlande a toujours eu une politique forte de non-prolifération nucléaire. En 1968, elle a été le premier pays à signer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et a depuis lors manifesté un soutien ferme aux traités multilatéraux de non-prolifération et de désarmement conventionnel. Mais ce dogmatisme a quelque peu vacillé ces dernières années, avant même que la Russie n’envahisse l’Ukraine.

En juillet 2017, lorsque le traité des Nations unies sur l’interdiction des armes nucléaires (TPNW, également connu sous le nom de traité d’interdiction) a été signé par 122 pays, la Finlande a choisi de s’abstenir en raison de l’évolution de ses priorités en matière de sécurité nationale. À cette époque, les experts finlandais pensaient qu’un vote en faveur de l’interdiction des armes nucléaires n’aboutirait pas au résultat souhaité, étant donné l’opposition des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU dotés de l’arme nucléaire à un vote en faveur du traité, ce qui finirait par l’édulcorer. À l’époque, les experts ont émis l’hypothèse que la Finlande s’était abstenue de voter pour ne pas compromettre ses perspectives d’adhésion à l’OTAN.

Lorsque la Finlande adhérera à l’OTAN, son ministre de la Défense disposera d’un siège au sein du Groupe des plans nucléaires de l’OTAN, le principal organisme chargé de définir la doctrine nucléaire de l’alliance et d’en fixer la politique. Comment le ministre finlandais agira en occupant ce siège et le rôle qu’il assumera dans cette alliance est un sujet qui n’a pas encore été discuté ou divulgué publiquement et qui nécessitera une évaluation exhaustive, politique et militaire de la part des dirigeants politiques du pays.

Le fait de siéger au sein du Groupe des plans nucléaires permettra également au gouvernement et à l’armée finlandais d’accéder à des informations opérationnelles jusqu’alors inaccessibles concernant la branche nucléaire de l’alliance. Il est important de discuter de la politique finlandaise révisée en matière d’armes nucléaires pour ne pas mettre en péril l’éthique du fait que la Finlande soutient depuis longtemps et de façon continue les efforts de désarmement et de non-prolifération. Le débat devrait également refléter le fait que la population est prête à participer aux exercices, aux activités ou à la planification de l’OTAN en matière d’armes nucléaires.

Alors que la ratification définitive est imminente, les partis politiques et les parlementaires finlandais devraient engager sans détour un débat politique sur les armes nucléaires et l’OTAN. Dans l’esprit de la tradition finlandaise en matière de politique de sécurité, les politiciens nationaux devraient s’efforcer de trouver un consensus qui résisterait à l’épreuve du temps et aux éventuels changements politiques futurs. Un débat public national réduit le risque d’un retour de bâton politique opposé à l’adhésion à l’OTAN et accroît à long terme la résilience de la population finlandaise. En devenant membre d’une alliance nucléaire, la Finlande doit entamer un processus de révision de sa politique en matière d’armes nucléaires.

Source : Bulletin of the Atomic Scientists, Robin Forsberg, Aku Kähkönen, Jason Moyer, 08-12-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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