Les burkinabés avaient rendez-vous hier avec l’Histoire pour élire le prochain président du Faso à l’issue d’un scrutin libre et transparent. Plus d’un an après la Révolution qui chassa Blaise Compaoré du pouvoir, la Transition touche donc à sa fin. L’heure de la normalisation a sonné et l’annonce du nom du vainqueur de la présidentielle marquera son top départ. Parmi les quatorze candidats, deux supers favoris se détachent du lot. Il s’agit du mossi, Roch Marc Christian Kaboré du Mouvement du peuple pour le progrès (Mpp) et du Bassa, Zéphirin Diabré de l’Union pour le progrès et le changement (Upc). Dans une moindre mesure, on cite le nom de Me Bénéwendé Sankara du parti sankariste l’Unir. Il pourrait bien jouer le rôle d’arbitre dans l’éventualité d’un second tour entre Kaboré et Diabré.
Le scrutin s’est déroulé sous la haute vigilance des forces de l’ordre avec plus de 25000 gendarmes, soldats et policiers mobilisés. Les autorités de Transition ont pris très au sérieux l’aspect sécuritaire du scrutin surtout après l’attentat à l’hôtel Radisson Blu de Bamako qui a fait une vingtaine de victimes en plus des assaillants. Les craintes, bien que marginales, d’un autre coup de force hantaient également les esprits.
Diabré, Kaboré, qui sera président ?
Tous deux, à des degrés différents, ont occupé de hautes fonctions sous la présidence de Blaise Compaoré avant de voler de leurs propres ailes en s’opposant mordicus à la politique du président déchu. Zéphirin Diabré âgé de 56 ans est un fin technocrate et a accompli la majeure partie de sa vie professionnelle à l’étranger, notamment aux Nations-Unies où en 1998 Kofi Annan, alors Secrétaire général des Nations unies, le nomme directeur général adjoint du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Après une courte période comme député à l’Assemblée nationale, il siège au gouvernement comme ministre du commerce, de l’industrie et des mines, ministre de l’économie, des finances et du plan et comme président du Conseil économique et social du Burkina Faso sous Compaoré.
En février 2006, il rejoint le groupe AREVA, pour y occuper les fonctions de président, Afrique et Moyen-Orient et Conseiller pour les affaires internationales auprès de la présidente, Anne Lauvergeon. Il présida même un groupe de réflexion sur les matières premières au sein du Medef. Il appartient au Conseil de surveillance et d’évaluation de la Fondation pour l’innovation politique. Un fait important, M. Diabré, a été chercheur à l’Institute for International Development et Fellow du Weatherhead Center for International Affairs de l’Université de Harvard. Il est décrit comme l’homme des français et quelqu’un de ferme dans ses principes qui aime gouverner seul avec son créneau économique de libéral.
Quant à Roch Marc Christian Kaboré, il est décrit comme quelqu’un de plus flexible et consensuel. C’est un social-démocrate qui a le sens de l’équipe et du compromis, tout le contraire de Zéphirin, plus froid et qui agirait en loup solitaire.
Mais tout comme Zéphirin, Kaboré capitalise une riche expérience dans la gestion des affaires publiques. Il est nommé à 27 ans comme directeur général de la Banque internationale du Burkina jusqu’en 1989, date à laquelle Blaise Compaoré le nomme, ministre des Transports et de la Communication. Ministre d’État en 1990, il est ministre chargé de l’Action gouvernementale en 1991 et en 1992, il est élu député de la province du Kadiogo au sein de l’Organisation pour la démocratie populaire – Mouvement du travail (ODP-MT). Entre 1992 et 1993, il occupe successivement les postes de ministre des Finances puis de chargé des Relations avec les institutions jusqu’en janvier 1994 où Blaise Compaoré le nomme Premier Ministre. En février 1996, il quitte son poste de Premier ministre pour devenir Conseiller spécial à la Présidence. En 1997, avec sa réélection, il devient Premier Vice-Président puis président de l’Assemblée nationale. En 2012, M. Kaboré quitte la Direction du parti présidentiel, le CDP suite à la tentative de modification de l’article 37 de la constitution. N’étant pas d’accord avec le président Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré démissionne 2014, en créant le MPP dont il est aujourd’hui le candidat.
Si l’idée d’un second tour entre Kaboré, l’ex dauphin de Compaoré et Diabré, Chef de file de l’Opposition, semble évidente, difficile de connaitre pour le moment quelle consigne de vote donneront les autres candidats notamment Me. Bénéwendé Sankara fort d’un soutien non négligeable dans l’électorat burkinabé. Ce sera là, la grande énigme de ce premier tour. Au-delà des résultats, c’est le Peuple burkinabé qui sort gagnant de cette élection historique. Le monarque constitutionnel est déchu, la classe politique se renouvelle et en attendant, le burkinabé lambda du balai citoyen continue sa lutte pour un Burkina émergent.
Ahmed M. Thiam