Le nouveau décret de Donald Trump sur l’immigration vise toujours autant les musulmans

Un détail du texte montre que ce décret a toujours tout d'un "Muslim ban".

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Donald Trump doit rendre public cette semaine un nouveau décret sur l’immigration (photo d'archives). REUTERS/Kevin Lamarque

ÉTATS-UNIS – Inscrit dans les dernières lignes du nouveau décret de Donald Trump sur l’immigration, dévoilé ce lundi 6 mars, réside un ordre discret mais frappant. Dans la section 11, Trump ordonne au département de la Sécurité intérieure des États-Unis de rassembler et publier certaines informations concernant les étrangers vivant sur le sol américain.

Parmi les différentes données, le président voudrait que ce ministère fournisse les “informations concernant le nombre et le type d’actes violents à l’encontre des femmes, y compris ce que l’on surnomme les ‘crime d’honneur’, sur le sol américain.”

Cette pratique, les meurtres en général de filles ou de femmes par des proches qui jugent que ces dernières leur ont fait honte par leurs actes, est principalement observée au Proche et Moyen-Orient.

Les violences liées au genre sont bien réelles, et c’est un problème à côté duquel les États-Unis passent souvent. La plupart des experts et défenseurs accusent la misogynie qui règne dans les différentes cultures à travers le monde et les échecs des institutions à protéger ou aider les personnes qui en réchappent. Mais le décret de Trump suggère que le problème vient d’un groupe de méchants bien plus restreint: les étrangers musulmans.

Les intentions sont claires

L’idée que l’islam encourage la violence envers les femmes est l’une des attaques favorites de la sphère islamophobe depuis des années. La semaine dernière encore, un législateur républicain de l’Oklahoma a visé les électeurs musulmans avec un questionnaire qui demandait, entre autres, s’ils battaient leur femme. John Bennett, qui avait notamment suggéré que Hillary Clinton devrait être installée devant un peloton d’exécution, a expliqué que ses questions étaient basées “sur des passages du Coran et autres textes islamiques”.

Quand les gens décident de répandre la peur autour de crimes musulmans -et insinuent qu’en venant d’Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie ou Yemen, les pays à majorité musulmane qui sont visés par le décret de Trump, on est davantage susceptible de se livrer à des crimes envers les femmes- les intentions sont claires.

“Ce fantôme de la femme vulnérable (et souvent blanche) menacée par un homme brutal basané est une très vieille justification au racisme”, a écrit sur Twitter l’écrivaine féministe Jill Filipovic après avoir vu la nouvelle version du décret. L’histoire aux États-Unis nous a aussi montré l’impact dramatique qu’ont eu les accusations de viols, par des femmes blanches, envers les hommes noirs.

Heather Barr, chercheuse sur les droits des femmes pour l’association Human Rights Watch, a remarqué que Trump lui-même s’est exprimé de manière à valider les agressions sexuelles et aurait agressé des femmes. “Si seulement il s’intéressait à toutes les violences faites aux femmes aux États-Unis et pas seulement celles dues aux étrangers. Mais cela voudrait dire qu’il devrait se signaler aux autorités”, se désole-t-elle.

Mélange de problèmes réels et de mensonges sur l’islam

Ceux qui espèrent répandre la peur autour des musulmans sont heureux de ne pas s’arrêter aux accusations de violence liées aux genre. L’extrême droite a, de la même manière, tenté de rapprocher l’intolérance envers les membres de la communauté LGBTQ et l’islam.

En mélangeant les problèmes bien réels qui touchent les femmes, les personnes LGBTQ et d’autres dans les régions du monde à majorité musulmane avec des mensonges sur les enseignements et pratiques de l’islam, Trump et ses homologues nationalistes à l’étranger se hissent en défenseurs de l’égalité occidentale (et oublient soigneusement de mentionner le bilan de leur propre parti sur les questions d’égalité hommes/femmes et sur les droits LGBTQ).

Les observateurs LGBTQ ont aussi dénoncé ce discours anti-musulmans. L’argument de Trump est “l’exploitation cynique de la vulnérabilité d’un groupe pour marginaliser un autre groupe vulnérable”, estimait Regina Rini, professeur à la New York University, dans les colonnes du Los Angeles Times l’été dernier.

Le point de vue reflété par le nouveau décret de Donald Trump est le même que celui qui a inspiré les lois contre l’apparition, non existante, de la sharia aux États-Unis. C’est la perspective des personnes proches du président qui croient que toute présence musulmane sur le sol américain est suspecte d’une manière ou d’une autre.

L’argument de l’impératif sécuritaire s’affaiblit de jour en jour

L’ancien conseiller de Trump à la sécurité nationale, Michael Flynn, avait qualifié l’islam de “cancer”. Le stratège en chef à la Maison Blanche, Steve Bannon, a parlé de la crise mondiale des réfugiés comme d’une “invasion musulmane”.

Le nouveau décret de Trump va être passé à la loupe par les différentes cours de justice qui se demanderont s’il est animé par un esprit anti-musulman (ou s’il répond à un impératif sécuritaire, un argument qui s’affaiblit de jour en jour).

Certains des juges qui ont tranché contre le décret original avaient notamment cité le fait que Trump avait parlé lui-même de “Muslim ban”, d’interdiction des musulmans, en français, et que ses conseillers avaient déclaré y travailler. Même après les verdicts défavorables de la justice, l’équipe du président a continué de se tirer une balle dans le pied en évoquant le projet plus large de réduire la population musulmane sur le territoire américain.

Aujourd’hui, le langage utilisé dans ce nouveau décret pourrait prouver qu’une fois encore, oui, ce sont bien les musulmans qui sont visés.

Akbar Shahid Ahmed

The Huffington Post / 07/03/2017 03:40

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