Nigeria: Boko Haram, enjeu électoral et sécuritaire

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Le 14 février prochain, les Nigérians seront appelés aux urnes pour le premier tour de la présidentielle afin de donner ou non à Goodluck Jonathan un second mandat à la tête du pays, alors que le président est très critiqué pour n’avoir pas su empêcher la progression de Boko Haram depuis son arrivée au pouvoir. A l’approche de ce scrutin, les islamistes nigérians font une fois de plus la démonstration de leur volonté de semer la terreur et d’asseoir leur contrôle sur le territoire dans le nord du pays. Exemple encore ce lundi, avec une explosion à la sortie d’un meeting de Goodluck Jonathan.

Le président nigérian Goodluck Jonathan (main levée)
Le président nigérian Goodluck Jonathan (main levée) en meeting à Gombe ce lundi 2 février 2014.
REUTERS/Afolabi Sotunde

L’explosion a eu lieu, à Gombe, dans le nord-est du pays, vers 15h. La déflagration est survenue dans le parking devant le stade où quelques minutes plus tôt se tenait une rencontre entre Goodluck Jonathan et ses partisans. L’explosion a eu lieu alors que le convoi du chef de l’Etat venait tout juste de quitter les lieux. Le bilan fait état de 2 morts et d’une vingtaine de blessés. Deux femmes kamikazes seraient à l’origine de l’attaque.

Selon des témoins, des dizaines de jeunes ont ensuite manifesté en ville contre Goodluck Jonathan, parce que selon eux, la visite présidentielle est la cause de cet attentat. C’est la première fois que les islamistes sont aussi près d’atteindre le président. Il s’agit d’un vrai signal, d’un vrai défi qui lui est lancé à quelques jours de la présidentielle.

L’enjeu de Maïduguri

Autre signal lancé par Boko Haram, ce week-end, avec l’attaque menée contre la grande ville de Maiduguri. Dimanche, les islamistes ont lancé une importante offensive sur la capitale de l’Etat de Borno. Mais l’armée et les forces civiles de défense les ont repoussés après trois heures de combats.

Maïduguri constitue un enjeu stratégique, car la ville est le berceau de Boko Haram, fondé au début des années 2000, et les jihadistes la considèrent comme leur fief. Le contrôle de Maïduguri représente aussi un enjeu majeur pour la crédibilité du scrutin. On y trouve près d’un million et demi de personnes. D’où la très forte présence des soldats qui quadrillent complètement la cité.

Une force de 7 500 hommes

Une série d’attaques qui intervient dans le contexte d’une mobilisation croissante des pays de l’Union africaine. Une quinzaine de chefs d’Etat se sont rassemblés ces derniers jours en marge du sommet de l’Union africaine d’Addis Abeba, pour un Conseil de paix et de sécurité dédié au problème Boko Haram. Les dirigeants africains ont apporté leur soutien au déploiement d’une force multinationale de 7 500 hommes. Elle comprendrait des effectifs du Nigeria, du Tchad, du Cameroun, mais aussi du Niger et du Bénin.

Le mois prochain, les pays africains vont saisir le conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il puisse apporter une aide logistique et financière à cette force au travers d’un fonds spécial. Pendant ces discussions d’Addis Abeba, le Tchad lui s’est engagé sur le terrain. L’armée tchadienne est entrée au Cameroun le 17 janvier. Ndjamena a engagé plusieurs milliers de soldats, plusieurs dizaines de blindés et notamment des chars.

L’objectif affiché est la reprise de Baga, conquise par Boko Haram début janvier. Le président Déby l’a décrite comme « l’épicentre des échanges économiques de la zone ».

Au fil des jours, les militaires tchadiens se sont rapprochés de la frontière nigériane. La semaine dernière, l’aviation tchadienne a bombardé Malam Fatori, au Nigeria, à la frontière avec le Niger, dans le but de désorganiser Boko Haram, et d’éparpiller ses hommes.

Les Tchadiens entrent au Nigeria

Plus au Sud, les soldats de Ndjamena se sont massés à Fotokol. Ils seraient 2000 sur place. En face, de l’autre côté de la frontière, on trouve la ville nigériane de Gambaru, détenue par Boko Haram depuis cinq mois. Là aussi, l’aviation tchadienne a bombardé. Vendredi, Boko Haram aurait lancé une série de roquettes sur les Tchadiens qui auraient répliqué, entraînant des combats à distance de plusieurs heures.

Le lendemain, pour la première fois, des soldats tchadiens ont franchi la frontière pour affronter Boko Haram directement au sol avant de retourner à Fotokol. Une incursion autorisée par le Nigeria, qui a donné aux Tchadiens un droit de poursuite. Bilan de ces affrontements selon Ndjamena : 123 jihadistes tués, trois militaires tchadiens morts.

Ce lundi encore, Gambaru a été une fois de plus visée par deux avions Soukoï et un hélicoptère envoyés par Ndjamena, preuve que la ville reste encore contrôlée par les miliciens. Dans le même temps, les militaires tchadiens attendent un feu vert pour franchir la frontière et traquer Boko Haram au Nigeria.

Boko Haram, enjeu électoral

Dans un tel contexte, la lutte contre Boko Haram s’invite évidemment dans la campagne électorale. L’enjeu électoral est de taille d’autant que Goodluck Jonathan et son principal concurrent, l’opposant Muhamadou Buhari, seraient aux coudes à coudes selon des observateurs. Leurs meetings attirent les foules. Or Muhamadou Bouhari est un musulman du Nord, il a donc un avantage dans les régions du Nord car Jonathan est un chrétien du Sud.

Certains reprochent d’ailleurs au chef de l’Etat de ne pas avoir œuvré en faveur du développement du Nord. Et même d’avoir délibérément permis à Boko Haram de contrôler cette zone afin d’y empêcher la tenue du scrutin présidentiel, et surtout l’élection du gouverneur dans l’Etat de Borno.

Concernant l’entrée en action des Tchadiens, difficile de mesurer l’impact sur le scrutin. Cette aide extérieure peut paraître humiliante pour le chef d’Etat du pays le plus peuplé d’Afrique. Mais ce recours permet aussi d’obtenir des résultats et de désorganiser Boko Haram.

Source: rfi.fr
Publié le 02-02-2015 Modifié le 03-02-2015 à 00:54

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