Arrêtés et conduits samedi au Quartier Général de la Sûreté Nationale pour tentative de coup d’Etat : si les colonels Abdoulaye Badié et Abdou Sidikou sont vraiment coupables de ce qui leur est reproché, alors il faut se poser des questions légitimes sur leur sens politique.
Car un putsch, c’est autant la réussite technique que l’acceptabilité politique d’un projet de subversion contre lequel existe une alliance sacrée de toutes les institutions africaines et internationales. C’est pourquoi le Niger reste suspendu des activités de l’Union africaine.
Pourtant, la junte de Niamey suscite presque partout de la sympathie et la pétulante classe politique nigérienne lui a même accordé plus de légitimité qu’à sa victime Mamadou Tandja renversée le 18 février dernier pour une autre forme de coup d’état. Alors, à supposer que les conjurés du weekend avaient réussi leur coup, sur quelles forces politiques se seraient-il appuyés pour être « validés », donc gouverner en attendant le retour à la légalité qui leur aurait été exigée comme cela l’avait été à la suite du putsch qui a mis Salou Djibo à la tête du pays ? Dans l’état d’esprit actuel de la classe politique et de la non moins vivace société civile nigérienne, on voit mal d’où serait venue l’acceptation du forfait présumé.
A moins de remettre Mamadou Tandja en selle. Cela aurait été à la fois surréaliste et inintelligible de la part de ses tombeurs. Ou de garder le pouvoir en réprimant dans le sang la levée de boucliers unanime des politiques et des citoyens contre les nouveaux maîtres. Dans un cas comme dans l’autre, pour qui connaît la résilience et la combativité des acteurs nigériens, un pouvoir issu d’un putsch contre Djibo avait devant lui une vie très courte. Les colonels écroués pouvaient-ils l’ignorer ? Tout le monde en douterait.
La junte va donc devoir sortir des arguments imparables pour convaincre les parties prenantes à la délicate gouvernance du pays. De toute façon, le groupe du 18 février a démontré qu’il peut se lézarder. Ce n’est pas sans intérêt pour les amis de Tandja, la partie pas contente de l’armée et les politiques que les pronostics n’arrangent pas. Même si Salou Djibo n’est encore là que pour quelques petits mois puisque les élections doivent se tenir dans le premier trimestre de 2011. Mais attention : s’il n’a fait ce second coup que pour la continuité du projet démocratique du Niger alors chapeau, c’est un grand Africain.
Adam Thiam