TENSION. Nuit agitée à Niamey où, à deux jours de l’investiture du président élu, des tirs d’armes lourdes et légères ont été entendus aux abords de la présidence.
Des tirs nourris », y compris à « l’arme lourde », ont été entendus dans la nuit de mardi à mercredi dans le secteur de la présidence à Niamey, ont indiqué des riverains à l’AFP. « C’était vers 3 heures (2 heures GMT), nous avons entendu des tirs d’armes lourdes et légères et cela a duré quinze minutes avant de cesser, suivis de tirs à l’arme légère, tout a ensuite cessé », a raconté un riverain du quartier du Plateau à Niamey qui abrite les bureaux et la résidence présidentielle. « Les tirs ont duré une vingtaine de minutes », selon un autre témoin. « Les tirs étaient intenses, il y avait des armes lourdes et des armes légères », a témoigné un autre riverain.
Des témoignages, mais aucune source officielle pour confirmer les tirs
Selon le journal en ligne actuniger.com, « des tirs à l’arme lourde ont retenti vers 3 heures du matin vers la Présidence et les autres quartiers du centre-ville », mais « la situation est redevenue calme aux environs de 4 heures ». Des vidéos de quelques secondes ont vite été postées sur les réseaux sociaux, permettant d’entendre des tirs sporadiques de rafales dans le noir total. L’authenticité de ces vidéos n’a cependant pas pu être établie dans un premier temps. Aucune source officielle n’était disponible pour confirmer ces tirs intervenus à la veille de l’intronisation prévue jeudi à Niamey du nouveau président élu Mohamed Bazoum, très proche du chef de l’État sortant Mahamadou Issoufou.
Son rival, l’ex-président Mahamane Ousmane, conteste les résultats du scrutin et a revendiqué la victoire. Il a appelé à des « marches pacifiques » dans tout le pays. Dans la capitale Niamey, la marche prévue mercredi par l’opposition a été interdite mardi par les autorités. L’histoire du Niger, pays sahélien parmi les plus pauvres du monde en proie à de récentes attaques djihadistes particulièrement meurtrières, est jalonnée par les coups d’État. Le dernier date de février 2010 et avait renversé le président Mamadou Tandja.
Des arrestations annoncées
Aux dernières nouvelles, des militaires auraient été arrêtés après ce qui est qualifié de « tentative de coup d’État », a appris l’AFP de source sécuritaire. « Il y a eu des arrestations parmi les quelques éléments de l’armée qui sont à l’origine de cette tentative de coup d’État. Ce groupe de militaires n’a pas pu s’approcher du palais présidentiel lorsque la garde présidentielle a riposté », a indiqué cette source en affirmant que la situation était « sous contrôle ».
Une source proche de Mohamed Bazoum a confirmé à l’AFP qu’il y a eu ce qu’il a qualifié de « petite tentative de coup d’État vite maîtrisée par les forces légitimistes ». Le quartier présidentiel a été quadrillé par les forces de l’ordre, mais, dans le reste de la ville, la situation était normale mercredi et les gens vaquaient à leurs occupations comme si rien ne s’était passé, ont constaté des journalistes locaux. L’ambassade des États-Unis à Niamey a décidé de suspendre ses « services consulaires jusqu’à nouvel ordre » et a « encouragé » son personnel à rester à la maison, l’ambassade de France invitant, elle, « les Français à rester chez eux ».
Un pays sous pression depuis l’Indépendance
L’histoire du Niger, pays sahélien parmi les plus pauvres du monde en proie à de récentes attaques djihadistes particulièrement meurtrières, est jalonnée par les coups d’État. Depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre : le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mahamadou Tandja. Sans compter les tentatives de putsch, nombreuses. Le passage de relais entre Mahamafou Issoufou et Mohamed Bazoum est le premier entre deux présidents démocratiquement élus.
Mohamed Bazoum va être immédiatement confronté à l’immense défi des attaques djihadistes menées régulièrement dans son pays par des groupes affiliés à Al-Qaïda et l’État islamique dans sa partie ouest frontalière du Mali et du Burkina Faso, par le groupe nigérian Boko Haram dans sa partie est frontalière du Nigeria. Les attaques contre des civils se sont multipliées depuis le début de l’année : plus de 300 personnes ont été tuées dans trois séries d’attaques contre des villages et des campements de l’ouest du pays, frontalier du Mali. Aucune n’a été revendiquée. La dernière de ces attaques de grande ampleur a eu lieu le 21 mars dans la région de Tahoua, faisant 141 morts en quelques heures dans trois villages touareg et des campements alentour. La région de Tahoua, vaste et désertique, se trouve à l’est de celle de Tillabéri, toutes deux proches de la frontière avec le Mali. La région de Tillabéri est située dans la zone dite « des trois frontières » entre Niger, Mali et Burkina Faso, régulièrement frappée par les groupes djihadistes.
Dans un récent entretien à RFI et France 24, M. Bazoum a écarté tout dialogue avec les djihadistes, estimant que la situation de son pays était différente de celle du Mali. « Nous ne pourrions pas envisager quelque dialogue que ce soit dans la mesure où il n’y a pas un seul chef djihadiste nigérien, une seule base de djihadistes sur notre territoire », a-t-il affirmé.