Niger- Interview exclusive de Hari Hama Amadou, la Winnie Mandela du Niger

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A quelques jours du lancement de la campagne du second tour de la présidentielle du Niger, Les Afriques est allé à la rencontre de celle que l’on surnomme la Winnie du Niger, Hari Hama, épouse de Hama Amadou, candidat à la présidentielle du Niger et toujours en prison. Sans langue de bois et sans détour, cette combattante de la liberté s’est livrée à nos questions.

 

Les Afriques : Dans quel état d’esprit se trouve votre époux qui va affronter, dans quelques jours, le président sortant Issoufou au second tour, depuis la prison ?

 

Hari Hama: Je voulais tout d’abord vous remercier de l’opportunité que le journal Les Afriques me donne, en ce moment particulier, pour m’exprimer dans ses colonnes. Pour répondre à votre préoccupation sachez seulement que mon époux est vraiment dans un bon état d’esprit et il affiche une sérénité sans faille pour affronter le deuxième tour de l’élection présidentielle.

 Les Afriques : Est-ce que le fait qu’il soit maintenu en prison ne serait pas un handicap pour affronter le président sortant à ce second tour, car l’enjeu du second tour est différent de celui du premier tour ?

 H H : Bien évidemment c’est un grand handicap, il est détenu de façon arbitraire. Il n’a pas pu battre librement campagne au premier tour .Voila que le peuple Nigérien lui a apporté ses suffrages qui lui ont permis de mettre en ballotage le président sortant. C’est un message fort que le peuple Nigérien a lancé à l’endroit du régime Issoufou. Comme vous le savez, le président Hama se trouve toujours en prison. Notre souhait le plus ardent serait qu’il retrouve sa liberté pour sillonner le pays comme son challenger, le candidat Issoufou. Hélas, les dirigeants actuels semblent ne pas être prêts à faire libérer Hama, principal challenger de Issoufou, car il sied de le souligner, le véritable problème de Issoufou, c’est Hama Amadou.

Issoufou a peur d’affronter Hama Amadou, car il pensait que Hama en prison lui permettrait de réaliser son fameux KO, ce qui n’a pas été le cas. Le peuple en a décidé autrement, malgré la triche. Le scénario du KO a été mis en échec, grâce à la vigilance du peuple et de la démocratie nigérienne.

 Les Afriques : Le Conseil supérieur de la communication du Niger envisage d’organiser un face à face entre les deux candidats. Un courrier a d’ailleurs été adressé au candidat Hama Amadou dans ce cadre. Serait-il prêt a prendre part à ce face à face ?

 H H : Hama est prêt pour le face à face avec Issoufou. Il souhaite vraiment avoir un débat contradictoire, projet contre projet, avec Issoufou, afin que l’opinion nationale et internationale assiste à un véritable débat démocratique entre deux candidats comme l’exigent les valeurs partagées de la démocratie.

 

 Les Afriques : L’emprisonnement de votre époux Hama Amadou constitue-t-il, selon vous un abus de pouvoir?

 H H : C’est d’abord un emprisonnement politique puis un abus d’autorité. Vous savez à ce jour aucun juge n’a été saisi du dossier Hama. Hama Amadou n’a comparu devant aucun juge d’instruction. Comprenez ainsi que le maintien en détention du candidat Hama est, qui plus est, un moyen pour éliminer un redoutable adversaire politique. Issoufou sait que, sans Hama en 2010, il n’aurait jamais pu remporter la présidentielle face à Séni Oumarou, candidat du Mnsd. Mais je suis très surprise du changement des méthodes antidémocratiques, imposées par le régime Issoufou qui prive de liberté et opprime les libertés fondamentales, comme la liberté d’expression et de penser le contraire des idéaux de ce régime qui semble vivre à l’ère de l’autoritarisme.

 Les Afriques : Qu’est-ce que la justice nigérienne reproche à votre époux réellement ?

 H H : Permettez-moi de faire une nuance ! C’est le pouvoir nigérien qui a un problème politique avec Hama et non la justice nigérienne. Ce pouvoir a ressorti la scabreuse affaire, prétendue de trafic de bébés, sans en apporter la preuve, c’est ridicule. Ce dossier a été monté de toutes pièces par le régime Issoufou pour éliminer politiquement un adversaire politique qui se trouve être mon époux et à l’époque président du Parlement du Niger.

 Les Afriques : Pour vous ce dossier est un grossier montage ?

 H H : Je confirme que c’est un montage grotesque et honteux. On a toujours demandé au pouvoir d’apporter la preuve de l’implication de Hama dans ce dossier. Ils n’ont jamais été en mesure d’apporter la moindre preuve.

 

Les Afriques : Le ministère public, selon nos informations, vous aurait demandé de faire un test ADN, auquel votre époux et vous-même n’avaient jamais voulu vous soumettre. Qu’en est-il exactement ?

 H H : C’est quand même l’inversion de la règle de procédure en matière de preuve judiciaire. C’est plutôt à eux qu’incombe la responsabilité d’apporter la preuve de leurs accusations grotesques. Etant donné que c’est bien le pouvoir qui a accusé Hama d’être impliqué dans un trafic de bébés. C’est bien à eux d’apporter la preuve de l’implication de ce dernier. Ce qui n’a jamais été le cas. Ainsi, je persiste et signe que c’est un dossier vide. C’est une manipulation du pouvoir qui n’avait qu’un seul but : écarter un candidat redoutable de la course à la magistrature suprême. En dépit de cette cabale juridico-politique, la cour constitutionnelle a bel et bien validé la candidature de Hama Amadou qui a mis le président sortant en ballotage.

 Les Afriques : Madame Hama, quel est l’état d’esprit des militants du parti Modem Fa Lumana-Africa, privés de leur leader?

 H H : Les militants sont sereins et plus que jamais déterminés, comme au premier tour de la présidentielle. Les militants et sympathisants sont encore plus déterminés pour aborder ce second tour exceptionnel, malgré le fait qu’ils soient toujours privés de leur leader. Bien au contraire, cela réconforte leur adhésion aux idéaux du président Hama Amadou qu’ils comptent porter démocratiquement à la tête de l’Etat du Niger, au second tour.

 Les Afriques : Que répondez-vous à ceux qui pensent que si Hama n’est pas libéré, il ferait mieux de boycotter le second tour. Car aller dans ces conditions serait une façon de légitimer une sorte de hold-up électoral?

 H H : Je ne saurais vous donner l’avis de Hama à ce sujet, on n’a pas encore examiné la question ensemble, ni au niveau du parti. Ce que je sais, c’est que l’opposition toute entière est rassemblée autour du mouvement Copa 2016 qui a exigé la libération sans condition de Hama Amadou. Il est inadmissible d’aborder la campagne du second entre un président sortant qui bénéficie des moyens de l’Etat, et un challenger, en prison. Il faudrait respecter l’équité requise entre les candidats, lors d’un second tour. C’est une exigence de l’élégance démocratique qui malheureusement fait défaut au Niger de Mamadaou Issoufou l’opposant d’hier …

 Les Afriques : Avez-vous, au stade actuel, l’assurance que toute l’opposition apportera son soutien à Hama Amadou ?

 H H : Oui bien sûr. Je vous affirme que l’opposition fait bloc autour de Hama. Hier (NDLR : interview réalisée jeudi 3 mars 2016) tous les leaders de l’opposition ont effectué le déplacement de Niamey pour rendre visite à leur frère et allié le candidat Hama Amadou, afin de lui témoigner leur soutien indéfectible. Ils étaient tous présents à la prison civile de Filingué, à 180 km de la capitale, dans une zone déshéritée.

 Les Afriques : En attendant d’être situés sur la possible libération de Hama, quelle est la stratégie que vous compter bâtir pour aborder la campagne du second tour ?

 H H : Nous allons maintenir la stratégie du premier tour, sauf que cette fois-ci, nous avons le ralliement des autres forces de l’opposition. Donc nous allons procéder à la campagne de proximité, sillonner les villages, les hameaux… faire du porte à porte, pour sensibiliser les électeurs. Il s’agir de drainer le maximum de personnes pour voter en faveur de Hama. Nous devons le porter à la présidence du Niger.

 Les Afriques. : Dites-nous Mme quel est le message que le président Hama a adressé aux Nigériens et au reste du monde, depuis la prison?

H H : Vous voulez que je me mette à la place de Hama ?

 Les Afriques ? Oui, si vous voulez bien, pour nous vous êtes son porte-parole, entre autres ?

 H H : Oui peut-être, mais son porte-parole est là, bien présent. Moi je m’exprime en qualité d’épouse. Je veux tout simplement vous répéter son message à l’ouverture de la campagne lors du premier tour «son destin est entre les mains du peuple Nigérien», qui a un choix capital et démocratique à faire entre lui et le président sortant, qui d’ailleurs fut son allié politique en 2010.

Les Nigériens auront à choisir le candidat qu’ils pensent être à la hauteur de garantir la paix la stabilité et le progrès du Niger, sans entraver les aspirations démocratiques du peuple.

 (La suite à lire dans le prochain numéro du magazine Les Afriques)

Les Afriques

 

RODRIGUE FÉNELON MASSALA.

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