Après avoir nié pendant plusieurs semaines la mort de Jamal Khashoggi, l’Arabie Saoudite l’a finalement reconnue, le dimanche dernier, évoquant une « rixe » ayant mal tourné. Riyad avance que le journaliste a été tué au cours d’une opération « non autorisée » dont le Prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, n’était pas informé. Cette reconnaissance tardive de la mort du journaliste peut-elle suffire pour dédouaner les autorités saoudiennes ?
Dès le début de l’affaire Khashoggi, le monde occidental, les principaux alliés de la dynastie saoudienne, sont plongés dans une profonde duplicité. Si la majorité des pays occidentaux, les patrons des grandes firmes occidentales et la Directrice du FMI ont annulé leur participation au forum économique saoudien qui a commencé le 23 octobre, pour autant, leurs gouvernements, évoquant un besoin de « clarification », ne sont pas encore prêts à franchir le pas pour sanctionner le régime du Prince Mohamed Ben Salmane. La France se borne à dire qu’elle ne prendra pas de sanctions tant que les preuves ne se sont pas établies à travers des faits corroborés par leurs propres services. Le président Donald Trump, très embarrassé par l’Affaire Khashoggi, affiche une totale ambiguïté en essayant de ménager le chou et la chèvre. Les américains, à l’instar des français, attendaient que toute la lumière soit faite pour agir convenablement.
Pourtant, les preuves semblent être détenues par la Turquie. Le Président turc Recep Tayyip Erdogan, l’homme fort de la Turquie et rival du Prince héritier de la dynastie saoudienne dans la région, qui a pris le soin de ne pas incriminer directement le pouvoir saoudien, a fini par briser le silence pour conclure que le journaliste saoudien a été bel et bien victime d’« un assassinat politique ». Il s’appuie sur les services de renseignement de son pays.
Rappelons que dans l’affaire de l’empoisonnement de Sergueï Skripal et de sa fille Youlia, les pays occidentaux n’avaient pas attendu que des preuves tangibles soient établies contre le pouvoir russe pour décréter des embargos commerciaux contre ce pays. Des diplomates russes avaient été expulsés, les relations commerciales et bancaires sont gelées. Le Premier ministre Theresa May avait immédiatement reçu le soutien de la Maison Blanche, qui lui avait exprimé toute sa solidarité. « Nous faisons toute confiance à l’enquête britannique selon laquelle la Russie est probablement responsable de l’attaque », avait dit le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson. Emmanuel Macron s’était aussi déclaré solidaire du Royaume-Uni. Dans cette affaire, avant même l’établissement des preuves, l’on avait pas hésité de déclarer coupables la Russie et Poutine.
Dans l’hypothèse d’une implication avérée du pouvoir saoudien et de son Prince par les services de renseignements occidentaux, les pays occidentaux pourront-ils prendre des sanctions contre l’Arabie Saoudite ? Il est une réalité que ce pays, très riche en hydrocarbures, constitue avec Israël, un allié hautement stratégique des USA, de la Grande Bretagne et de la France, ces derniers l’utilisant comme tête de proue pour affaiblir le régime des Ayatollah en Iran.
Gaoussou Madani Traoré