Message d’ATT au peuple Guinéen : Je suis le mieux placé pour comprendre la situation dans laquelle se trouve mon cadet Sékouba Konaté dixit le président malien

0

Une mission d’apaisement, c’est presque l’intitulé du séjour du jeudi 8 Juillet 2010 à Conakry du président malien, Amadou Toumani Touré, au cours duquel il a rencontré les acteurs principaux de la transition guinéenne, le corps diplomatique et les leaders religieux.  Le locataire de Koulouba s’est prêté aux questions de la presse. ATT a répondu à une seule question, mais qui résume sa mission à Conakry, c’est en même temps un message d’apaisement. Voici l’intégralité de l’intervention du président de la République en Guinée.

Je voudrais, tout d’abord, remercier le président de la République, mon cadet et cousin, Sékouba Konaté. Je voudrais, à ces salutations, associer le Premier ministre, les membres du CNDD, les membres du CNT, les membres du gouvernement de la République de Guinée, les officiers généraux, officiers supérieurs, officiers et sous officiers, le peuple de Guinée, mes frères et mes sœurs. Je n’ai pas besoin d’être invité en Guinée. Sékouba Konaté non plus n’a pas besoin que je l’invite à Bamako. Bamako c’est chez lui, et je suis son logeur. Je prendrais mon avion chaque fois que l’occasion m’est donnée, pour venir à Conakry. Pas seulement s’il y a problème, mais chaque fois que l’occasion me  sera donné. C’est l’occasion de remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont pu œuvrer et aider, pour que nous nous retrouvions, nous, en Guinée, et qu’aujourd’hui nous nous retrouvions, en tout cas, à ce stade où les élections ont été organisées. Je voudrais vous dire que j’ai rencontré effectivement le corps diplomatique, que je n’ai pas manqué de remercier et de saluer, mais je les ai conviés, également, à la solidarité, à la compréhension, au soutien de nos efforts. Pour la communauté internationale, il est bien beau de dire: allez y aux élections! allez y aux élections! On ne va pas comme ça aux élections. Il faut soutenir nos actions, il faut nous aider, il faut nous accompagner. Et je le pense fermement. Avant même de venir à Conakry, j’ai pu me permettre de téléphoner à certains chefs d’état, aussi bien africains, qu’extra africains, pour leur dire, soutenez la Guinée. C’est indispensable.  J’ai rencontré également les membres du CNT, la délégation était conduite par une grande femme, je dirai même une grande dame, qui m’a aussi prodigué des conseils, qui m’a expliqué sa lecture de la situation, mais en qui j’ai trouvé non seulement l’amour maternel qu’elle a pour la Guinée, mais aussi le respect et l’estime qu’elle a fait montre pour le général Sékouba Konaté. J’ai rencontré également le Premier ministre, encemble nous avons fait des échanges fructueux. Il m’a donné des conseils et il m’a confié sa lecture des événements. Mais je pense que le clou des rencontres, après également le Président de la République, c’est celle que j’ai eu avec les partis politiques. D’abord nous avons vidé la salle et j’ai dit que nous allons parler en famille, autour d’une même table, sans tabou. Je suis Guinéen, je le revendique et ce n’est pas politique. Nous avons causé, ils m’on dit leur lecture. Mais il y a deux ou trois enseignements que j’en ai tirés, qui m’ont réconforté. La première c’est la franchise avec laquelle nous avons eu à échanger. Ils ont parlé sans complaisance. Le second point, c’est leur volonté de suivre et d’aider à respecter la loi. Ils ont fait un appel dans ce sens. Le troisième, c’est un des candidats, le doyen, qui me disait :’’Monsieur le Président, nous avons vraiment compris. Nous vous demandons et souhaitons que vous rentriez à Bamako en très bonne santé. Mais nous allons vous dire que nous ferons tout, ensemble, pour aider et soutenir le processus démocratique, et nous ferons en sorte qu’un jour vous reveniez, pour saluer et nous féliciter’’. Je pense que, certainement, c’est la meilleure conclusion que j’ai trouvée. J’ai trouvé une classe politique responsable, certes, mais j’insisterai surtout sur un fait, auprès du peuple de Guinée: je suis passé sur les voies de mon cadet, qui est aujourd’hui sur mes pas, soldat comme lui, parachutiste, de surcroit commando. Nous ne connaissons pas les labyrinthes d’une certaine politique, qui ne dit pas son nom. Nous avons pris l’habitude d’aller droit à nos objectifs, tout en donnant les moyens d’y parvenir. Un chef, une mission et des moyens. J e suis aujourd’hui, dans cette salle, le mieux placé à comprendre ce que mon cadet vit, parce que je suis passé par le même chemin que lui, sinon plus, pendant la transition démocratique au Mali. Vous savez qu’un jour j’étais tellement contrarié, je me suis rendu à la Bourse du travail du Mali, avec une délégation commando, qui assurait ma sécurité. Je n’ai pas réussi à sortir de la Bourse du travail. Des jeunes venaient de partout, nous avons été totalement bloqués.  J’ai vu des gens enlever les bérets de mes commandos et les écraser. Nous avons tout entendu, tout a été dit. J’ai passé une nuit blanche, je n’ai pas dormi. En ce moment, je me suis dis, au fond,  si c’est pour partir,  il faut décider de partir. Si c’est pour donner le pouvoir, je vais donner le pouvoir. Si c’est pour organiser les élections, je répète, j’organise et je m’en vais parce que, votre objectif , ce n’est pas la mien. Je ne suis pas préparé pour garder le pouvoir. Aujourd’hui, la Guinée a un homme de bonne volonté, qui dit la même chose, qui le réaffirme à chaque fois que l’occasion lui est donnée. C’est pourquoi, le lendemain, j’ai convoqué l’ensemble de la classe politique malienne à l’Assemblée nationale. Je leur ai dit, en tout cas, vous n’allez pas me jouer le tour de l’autre. Vous n’allez pas amener des parachutistes révoltés pour tirer sur les enfants, à créer un événement et vous allez profiter de cet événement pour vous attaquer à ma propre personne et aux forces armées et de sécurité. Au fond, qu’est-ce que vous voulez ? Si c’est le pouvoir là, je vous dis que moi ça ne m’intéresse pas. Sékouba l’a dit et répété à satiété. J’ai fini même par le dire, Sékou, maintenant, tu peux te taire, tout le monde a compris. Parce que je ne doute pas de ta bonne volonté, et je sais que c’est une parole d’officier que tu as donnée. Toi et l’armée guinéenne, qui est mon armée, vous allez tenir avec l’ensemble des forces de sécurité.

En son temps, je disais, maintenant, si vous voulez autre chose, je me lève, je retourne dans mon régiment de parachutistes, je vous donne votre affaire et vous en faites ce que vous voulez. Parce que je ne peux pas comprendre qu’on m’insulte, qu’on doute de moi. Je peux comprendre qu’on s’exprime, mais qu’on m’insulte, qu’on s’attaque à ce que j’ai de plus cher au monde, non! Qu’on m’agresse moi-même, je peux supporter, mais qu’on insulte ma famille, mon père, ma mère, mes amis, mes frères,  je dis là ce n’est plus de la politique, c’est un comportement inadmissible. Attaquez-vous à moi, politiquement et militairement, je saurai vous donner les réponses appropriées. Ce jour, j’avoue que je n’avais aucune envie de rester deux minutes dans cette histoire. Mais, dans ma tête, avant d’y arriver, j’avoue que je serais parti leur dire que cette affaire ne m’intéresse pas. Mais je me suis rendu compte, qu’au fond, il y a deux choses: d’abord je ne veux pas faire le jeu de certains. Ce n’est pas parce qu’ils sont pressés, qu’il faut que je leur donne ma place. Il faudrait qu’on continue le processus. Et j’ai pris un engagement devant le peuple malien, comme Sékou l’a fait, devant le peuple guinéen, de conduire les forces armées de sécurité et l’armée vers la réussite de la transition. Qu’est ce que c’est que réussir la transition ? Réussir la transition, c’est tuer la transition elle-même. C’est de m’effacer, c’est de finir la transition pour qu’un ordre nouveau s’installe et qu’un Président de la République, accepté choisi par les guinéens, puisse être investi. A partir de ce jour, je considère qu’une large partie de ma mission est terminée. Je sais ce que Sékou souhaite et je sais aussi ce pour lequel il s’est engagé. Alors, j’ai décidé de rester, je ne ferai pas plaisir à ceux qui veulent que je parte, parce qu’au fond, si j’étais parti, on allait donner le pouvoir à qui ? Un militaire quitte, c’est un autre militaire qui va venir, peut être moi je vais partir , mais celui qui me remplace ne voudrait pas. Alors ou est -ce que nous en serons, au moins moi il faut me laisser partir. Maintenant, celui qui va venir, personne ne sait ce qu’il a dans sa tête. S’il vient et refuse de partir comment allez-vous faire ? Voilà un général, un officier de valeur, en tout cas de valeur militaire, que j’ai suivi, écouté et entendu, qui donne sa parole et qui est même pressé de partir. Croyez-le, comme certains n’ont pas voulu croire en moi, hier. D’autres ne font que créer des problèmes, cela est inadmissible. Ces élections, il faut qu’on en parle. 24 candidats ne vont pas gagner. Les élections seront gagnées par un, parce qu’il y a un seul fauteuil. Cependant, il y a une chose que je dis à mes frères de Guinée: qu’aucun homme seul, aucun parti seul, aucun groupe de partis seul, ne peut demain gérer la Guinée. Il faut la conjugaison de toutes les énergies, il faut la synergie de toutes les compétences, aussi bien au niveau politique qu’administratif et partout, pour que nous poussions sortir la Guinée de la situation actuelle. Quelqu’un me disait, il n y a pas longtemps, que développer le Mali est une performance, c’est un compliment. Mais il dit le faire en Guinée, c’est tout à fait ordinaire. Voilà un pays auquel nous sommes fiers, par les moyens que vous avez, parce que ce qui vous appartient,  en Guinée, c’est pour nous aussi. C’est ce même fleuve Niger  qui prend sa source ici, qui passe devant la porte de mon village. C’est au bord de ce fleuve que je suis né. On ne peut compter les relations entre un Touré et un Konaté, un Touré et un Keïta, un Touré et un Coulibaly. Mais, qui va faire la différence entre le général Sékouba Konaté et le Lieutenant colonel Mamadou Konaté qui se trouve à Kati là-bas au Mali? Personne! C’est pour vous dire que je suis satisfait, je suis satisfait, mais je reviendrai, chaque fois que l’occasion me sera donnée. Je reviendrai, également, pour suivre et accompagner mon cadet, accompagner l’armée guinéenne et accompagner le peuple de Guinée. Je disais, à qui veut l’entendre, tout ce qui touche la Guinée, touchera forcément le Mali. Ce n’est pas politique, je suis un soldat et chez nous la méthode de raisonnement tactique est claire et nette. Le hasard est minimisé, et nous avons une chance et malheureusement une mauvaise chance, c’est de dire exactement ce qu’on pense. Parfois, ça ne plait pas aux politiciens. Et bien, c’est comme ça. Et peut-être, moi-même, je suis déjà devenu un politicien  »        

Kassim TRAORE

 

Commentaires via Facebook :