Maroc: la marine empêche l’arrivée d’un “navire pour l’avortement”

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Le port de Smir, au Maroc, bloqué par les forces de l’ordre, le 4 octobre 2012

MARINA SMIR — La marine marocaine interdisait jeudi l’accès au port de Smir (nord) à un navire transportant des membres d’une ONG néerlandaise venue proposer des avortements médicamenteux dans le pays, où l’interruption de grossesse, bien que répandue, est officiellement illégale.

Sur place, les autorités interdisaient l’accès au port aux nombreux journalistes en raison de “manoeuvres militaires”, selon un journaliste de l’AFP.

D’après le gardien d’une résidence proche du port, “les forces de l’ordre se sont déployées dès les premières heures de la matinée pour bloquer l’accès”.

A la mi-journée, 200 à 300 islamistes manifestaient à proximité contre l’initiative des associations et pour le droit à la vie, selon le journaliste de l’AFP.

“Ils ont fermé le port. Nous pouvons voir un navire de guerre à l’entrée de celui-ci”, a affirmé par téléphone Gunilla Kleiverga, une gynécologue qui se trouve à bord du bateau. “Nous travaillons à un plan alternatif”, a-t-elle ajouté sans plus de précisions.

Selon Zahi Wadoud, un membre du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), association locale à l’origine de l’initiative, les autorités marocaines ont informé les responsables de l’ONG néerlandaise “Women on waves” de leur décision d’interdire l’accès au port du navire, “mais aucun document écrit n’a été transmis”.

“Women on waves” souhaite proposer pendant une semaine des avortements à bord de son bateau au large du Maroc. Il s’agit d’avortements médicamenteux, sans opération, qu’elle dit pouvoir dispenser en vertu du droit néerlandais, en regagnant les eaux internationales.

C’est la première fois que l’ONG veut mener ce type d’action dans un pays musulman, qui plus est dirigé par un gouvernement à majorité islamiste.

L’avortement est illégal au Maroc mais pratiqué clandestinement par 600 à 800 femmes par jour, selon des estimations.

78 décès par an

D’après Rebecca Gomperts, fondatrice de “Women on waves”, 78 femmes meurent chaque année au Maroc des suites d’un avortement clandestin, et “seules les femmes qui en ont les moyens bénéficient de la qualité de soins requise”.

Dans une première réaction officielle, le ministère marocain de la Santé a demandé mercredi soir aux “autorités concernées” d’intervenir.

Se disant “premier responsable de la santé des citoyens et du système de santé”, le ministère a souligné n’avoir “autorisé aucune partie ou médecin non résident au Maroc à effectuer” une telle intervention médicale.

La démarche de l’ONG a été abondamment commentée au Maroc, et très critiquée dans des médias conservateurs.

“La loi marocaine interdit l’avortement. L’identité religieuse du Maroc fait que c’est interdit (…). Le gouvernement ne peut pas autoriser la venue de ce bateau”, a déclaré un avocat, Abdelmalik Zaza, cité par At-Tajdid, le quotidien du parti islamiste au pouvoir, le PJD.

Le président de l’association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (Amlac), Chafik Chraïbi, a lui regretté l’aspect “provocateur”. “Ca n’est pas dans l’intérêt de la femme. C’est symbolique, mais je ne pense pas que ça soit la bonne approche”, a-t-il dit à l’AFP.

“La seule manière de faire avancer les choses, c’est par la sensibilisation et le plaidoyer auprès des responsables politiques”, a jugé M. Chraïbi.

De précédentes actions similaires de “Women on waves” au large de l’Irlande, de la Pologne, du Portugal et de l’Espagne, ont à chaque fois entraîné des protestations de groupes opposés à l’avortement.

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