Marche internationale de l’unité africaine à Paris

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Abakar Assileck Halata, un des responsables des Patriotes tchadiens en France, a expliqué pourquoi tous ces Africains et Africaines ont décidé de marcher ensemble : «Nous avons compris que c’est dans l’unité que nous serons écoutés. En constatant que la diplomatie et la politique françaises se dirigent beaucoup plus vers les dictateurs que vers les peuples, nous avons créé un collectif afin de marcher aujourd’hui, pour parler d’une seule voix, et dénoncer la complaisance de la France vis-à-vis des dictateurs africains. Elle les impose et choisit ensuite de les soutenir. Les peuples sont spoliés, les dictateurs sont protégés. Les élections sont des mascarades. À travers ce rassemblement, nous envoyons un message fort à tous les dictateurs. Nous disons stop à toutes leurs gabegies et à leurs pouvoirs illimités. Nous demandons à la France une coopération d’égal à égal. Elle ne sera pas lésée, et les populations en sortiront gagnantes. Depuis la chute de Compaoré au Burkina, la jeunesse africaine s’est réveillée. Nous, Tchadiens, ne reconnaissons pas Idriss Déby comme notre président car depuis 1990, il se maintient par la force des armes. Dans le cadre de Barkhane, il a été remis sur le devant de la scène internationale, alors que l’armée tchadienne n’est pas une armée nationale, c’est une armée clanique. Au Mali, c’est son fils qui est parti à la tête du contingent tchadien, en RCA, c’est son neveu. Dernièrement, Idriss Déby s’est illustré dans son discours à Dakar, mais ce qu’il cherche c’est se maintenir au pouvoir. Nous demandons à la France de faire attention à ce qu’elle fait avec lui. L’Occident devrait composer avec les Tchadiens et avec tous les peuples africains, plutôt que de choisir de le faire avec les dictateurs, car c’est un jeu dangereux.»

Le Djiboutien, Maki Houmed-Gaba, représentant de l’USN en France, n’a pas mâché ses mots : «Nous sommes ici pour libérer tous les pays africains de la dictature. Après le Burkina Faso, ce sera le tour de Djibouti. Le peuple est debout. En ce moment, au moins deux ou trois par semaine, les Djiboutiens sont dans la rue pour réclamer que la démocratie soit enfin respectée et que les opposants politiques emprisonnés soient libérés. Nous sommes ici dans la rue à Paris pour faire écho à ces mouvements populaires. Depuis l’indépendance à Djibouti, le peuple n’a pas connu la démocratie, il est temps que cela soit le cas.»

Une pancarte «Ali Bongo dégage» à bout de bras, un membre de la diaspora gabonaise a été clair lui aussi : «Nous réclamons le départ immédiat de Ali Bongo sans aucune condition. Nous nous appuyons sur l’article 10 de la constitution gabonaise qui stipule que ne peut être à la tête du Gabon qu’un Gabonais, né au Gabon, et non pas devenu gabonais. Le Gabon regorge de fils et de filles susceptibles d’assumer les responsabilités de l’Etat. Ce que nous voulons, c’est nous débarrasser par tous les moyens du Président actuel qui n’est ni légal ni légitime.»

Un Ivoirien venu à la marche panafricaine après avoir lu l’appel sur les réseaux sociaux a immédiatement  précisé qu’«avoir commencé le procès de Simone Gbagbo en pleine période de fêtes est juste une farce. Mis à part le choix de cette période, il est évident que le procès ne sera pas équitable. Ils accusent les pro- Gbagbo, alors que personne n’ignore qu’à l’époque, le Président Gbagbo ne détenait que le pouvoir exécutif. C’est à la primature, que des gens comme Guillaume Soro avaient les pleins pouvoirs. S’il y a des responsables pour ce qui s’est passé, on ne doit pas oublier le rôle évident que ces gens ont joué. Nous ne nous faisons pas d’illusions, nous connaissons malheureusement déjà l’issue du procès qui vient d’être ouvert.»

Sosthène Nguelé, résistant congolais, venu pour la défense des droits humains africains, et plus particulièrement pour dénoncer ce qui se passe au Congo Brazzaville : «Nous vivons dans une dictature qui dure depuis près de 40 ans. Sassou, ça suffit ! Il veut changer la constitution. L’Assemblée nationale congolaise est monocolore, elle n’est composée que de ses partisans. C’est pour cette raison que nous disons «Stop». Si les gens quittent nos pays africains et meurent en mer, c’est pour fuir ces dictatures. Nous manifestons pour que tout cela s’arrête. Dans notre sous-région, les Sassou, Paul Biya, Ali Bongo, Kabila sont tous des dictateurs. L’Afrique centrale est victime de cette Ebola politique. Nous demandons à la France, qui est notre partenaire de longue date, de nous aider en inversant ce qu’elle a fait pour mettre ces gens au pouvoir et les y maintenir. Si elle inverse ses politiques, elle peut les faire quitter définitivement, et nous vivrons enfin tranquillement. Nous ne voulons plus de la langue de bois politique, nous exigeons que nos dictateurs cessent de nous mépriser, et partent.»

Patrick Eric Mampouya, opposant congolais, récemment incarcéré : «Je suis arrivé ce matin de Brazzaville pour manifester à Paris, car au Congo, on ne peut pas marcher. On nous emprisonne. Ce qui se passe en Angola est affreux. L’Etat cherche des boucs émissaires, car le prix du pétrole baisse. Comme partout en temps de difficultés économiques, les décideurs cherchent à se débarrasser des étrangers. L’Etat prétend qu’ainsi les Angolais trouveront du travail, ce qui est faux.»

Marcel Makomé, ancien ambassadeur du Congo Brazzaville, et président du Parti libéral congolais : «Nous demandons à la communauté internationale d’augmenter la pression sur Sassou. Si elle gèle ses avoirs  à l’extérieur du pays, et ceux de tous ses dignitaires, cela pourra nous aider.  En ce qui concerne Monsieur Sassou lui-même, il doit respecter la constitution du 20 janvier 2002, sinon le pays va entrer dans une jungle. Ce qui s’est passé au Burkina a redonné du courage à tout le monde. Au Congo, le peuple est debout, mais Sassou envoie les militaires dès que les gens veulent se rassembler. Il y a beaucoup de répression. La communauté internationale doit avoir un langage très fort à l’égard de Sassou. Il ne faut pas qu’elle attende que le sang coule pour intervenir au Congo.»

Monsieur Zoubir, un Algérien vivant en France depuis 16 ans, a rappelé que «les indépendances africaines sont fictives. Quand l’Occident le décide, ceux qui gênent ses intérêts économiques sont éliminés. Kadhafi les gênait trop. L’Occident ne veille pas à l’existence de la démocratie. En Algérie, nous sommes gouvernés par un handicapé. Notre tissu industriel est inexistant, nous importons tout. La France soutient le régime en place pour protéger ses propres intérêts, peu importe ce que les populations vivent. Le jour où l’Algérie ne tirera plus de profits du pétrole, tous ceux qui en bénéficiaient quitteront le pays. Nous qui sommes ici, nous pourrons enfin repartir en Algérie pour construire notre pays à notre guise. Pour le moment, ils ne nous laissent pas faire. »

Anasthasie Mutoka, secrétaire générale du Mouvement de Libération du Congo : «Ceux qui gouvernent la RDC ne savent pas faire leur travail. L’armée est quasi inexistante, et l’Est du pays, très riche en coltan et autres minerais, est occupé par des milices étrangères qui dévastent tout, et font vivre l’enfer aux femmes et jeunes filles congolaises. Elles sont violées devant leurs époux et leurs enfants, et martyrisées ensuite. Heureusement que le Dr. Denis Mukwege est là pour les «réparer», mais il faudrait surtout que ces tragédies n’aient plus lieu. Celui qui est à la tête de l’Etat n’est pas natif du pays. Il cède nos richesses aux étrangers, et ne fait rien pour protéger les populations. Nous sommes ici pour dénoncer ce qui passe chez nous, pour que tout le monde le sache et prenne conscience de l’impact de l’exploitation des richesses naturelles sur les populations. Il faut que des solutions soient trouvées.»

François Passema, du Comité d’Action pour la Conquête de la Démocratie en Centrafrique : «Les forces Sangaris et celles de l’ONU refusent d’appliquer la résolution  n° 2149 qui prévoit le désarmement des criminels qui sévissent en RCA. Le peuple centrafricain a droit à la recomposition de son armée pour assurer sa sécurité. Le peuple centrafricain a droit au redéploiement de son administration sur l’ensemble du territoire, et à la protection de sa vie. On nous parle d’élections ! C’est une insulte aux populations, puisque les forces internationales ne font absolument rien pour assurer la sécurité. Les éléments de ces forces internationales ne font que s’entretenir avec ceux qui martyrisent les populations. Il faut que cela s’arrête. Nous sommes ici pour dire que Trop c’est trop. Nous exigeons le respect des peuples africains, quels qu’ils soient, et où qu’ils vivent.»

Obambe Gakosso, coordonateur de la section France de la Ligue Panafricaine UMOJA qui a 8 sections sur le territoire africain (Sénégal, Burundi, Mali, Niger, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, et les 2 Congo) : «Tous, nous luttons pour l’idéal panafricain. Aujourd’hui, il y a de nombreux drapeaux nationaux, mais la Ligue Panafricaine va au-delà de ces territoires  «berlinois». En effet, lors de cette conférence, l’Occident a décidé de nos frontières sans l’accord des populations. L’UMOJA veut aller vers les Etats Unis d’Afrique. Tous les frères et sœurs, de la Caraïbe à la Papouasie Nouvelle Guinée, sont les bienvenus au sein de notre Ligue Panafricaine. Cette marche africaine unitaire a lancé un signal fort aux dictateurs et aux gouvernements occidentaux. Tous les pays n’étaient pas représentés. Les drapeaux béninois, camerounais, équato-guinéen, malien, nigérien, sénégalais ou togolais n’ont pas flotté sur le boulevard. Etait-ce à cause des fêtes ? Etait-ce parce que la situation politique est plus tolérable au pays ?  Sont-ils arrivés en fin de parcours ?  Peut-être faisait-il simplement trop froid.

Françoise WASSERVOGEL

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