Comme sa femme Isabel dos Santos, fille milliardaire de l’ex-président angolais, aujourd’hui poursuivie par la justice de son pays pour détournement de fonds publics, Sindika Dokolo est rattrapé par le scandale.
Aux côtés d’Isabel dos Santos, présentée comme la femme la plus riche d’Afrique, désormais au centre de révélations sur l’origine douteuse de sa fortune, il y a Sindika Dokolo, son mari. Pendant des années, le couple s’est appliqué, à l’aide de cabinets d’audit, à mettre au point des montages financiers opaques. Mais, dans la lumière de ses prestigieuses activités de collectionneur, M. Dokolo, de mère danoise et de père zaïrois, a longtemps tenté de faire oublier les démêlés judiciaires de sa belle-famille.
Un homme d’affaires présent sur tous les fronts
En septembre 2019, l’élégant quadragénaire soignait encore son image de marque avec une exposition d’œuvres africaines intitulée Incar-Nations au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Au même moment, à Kinshasa, sa ville natale, ce fils d’un ex-banquier zaïrois se montrait lors d’un forum économique réunissant l’élite de la RDC dont le président Félix Tshisekedi. Lors des dernières heures du précédent régime Kabila (2017-2018), le “gendre” avait aussi joué la carte du retour au pays et du changement en lançant un mouvement citoyen, Les Congolais debout, surtout actif sur internet. Opposant virtuel à Kinshasa d’un côté, de l’autre, M. Dokolo prospérait dans l’Angola voisin depuis son mariage avec la “princesse Isabel” en 2002.
A l’ombre du pouvoir ex-marxiste du MPLA, les affaires du couple se chiffraient en millions de dollars : mines de diamants, téléphonie, banque, immobilier et, goût de l’art toujours, le Palais de fer, la plus grande salle de spectacles de Luanda, la capitale angolaise.
Mais ce bel échafaudage s’est effondré pour le “prince consort” qui aimait aussi fréquenter le festival de Cannes. C’est avec sa femme qu’aujourd’hui il fait les frais de l’opération anticorruption lancée par le président Joao Lourenço, élu à plus de 60% en août 2017. Un dauphin qui s’est émancipé de son prédécesseur et ancien mentor Jose Eduardo dos Santos. Dans le même temps, le fils de ce dernier, Jose Filomeno dos Santos, est jugé pour détournement de fonds après six mois de détention préventive. Et en décembre, ce sont les avoirs et les actifs du couple le plus people et le plus glamour d’Afrique que la justice angolaise a gelés.
Un milliard de dollars de préjudice, des enquêtes ouvertes au Portugal et à Monaco
Le procureur leur reproche un préjudice d’un milliard de dollars au détriment de l’Etat angolais et de ses deux principales entreprises publiques : la compagnie pétrolière nationale Sonangol, qu’Isabel dos Santos a dirigée, et la société publique de commercialisation des diamants Sodiam. Les deux mamelles de l’Angola.
Début janvier, la justice portugaise a elle aussi annoncé l’ouverture d’une enquête sur la femme d’affaires, qui détient des intérêts dans de nombreuses entreprises du pays, pour blanchiment d’argent public. “Monaco a fait de même récemment pour les mêmes motifs”, selon le quotidien français Le Monde. Publiée le 19 janvier, une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation intitulée Luanda Leaks révèle comment le couple a été aidé par “une armée de sociétés financières occidentales, d’avocats, de comptables, de fonctionnaires et de sociétés de gestion” pour “cacher des avoirs aux autorités fiscales”.
C’est aussi en couple qu’Isabel dos Santos et Sindika Dokolo ont riposté à l’enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), elle dans un anglais oxfordien à la BBC, lui aux médias francophones. Dans une interview à Radio France internationale (RFI), M. Sindika a dénoncé une “volonté de nous nuire”. Les documents publiés “ont été gardés et sont instrumentalisés aujourd’hui pour faire main basse sur nos avoirs à l’étranger. Ils se servent de la presse pour manipuler l’opinion et les gouvernements étrangers”, ajoute-t-il, en visant les autorités angolaises. “L’an dernier, on a payé avec ma femme 250 millions de dollars d’impôts pour nos sociétés imposables en Angola”, affirme-t-il.
“Ma famille a toujours privilégié des montages de holdings complexes”
Sindika Dokolo est né en 1972. Enfant, avec sa mère, il visite tous les musées d’Europe. Son père, fondateur de la première banque privée au Congo (ex-Zaïre), a été spolié par le dictateur Mobutu Sese Seko dans les années 80. “Sans autre forme de procès, Mobutu avait déclaré dans une phrase qui demeure célèbre dans ma famille : ‘Prenez tout. Laissez-lui sa voiture et sa maison'”, rappelle-t-il à RFI, ajoutant que, depuis, sa “famille a toujours privilégié des montages de holdings complexes afin d’être protégée au maximum des spoliations de pouvoirs politiques”.
Joint sur Whatsapp par l’AFP, M. Dokolo s’est refusé à tout autre commentaire. Son compte est illustré par un superbe masque africain et cette devise : “Souvent dans l’erreur, jamais dans le doute.” Avis à la population.
franceinfo avec AFP