Le 26 novembre 2006, Rafael Correa est élu président d’Equateur. Ce qui fait un de plus sur le front antilibéral que le Cubain Castro et le Vénézuelien Chávez sont en train de bâtir pour contrer les Etats-Unis dans leur reconquête du monde depuis la fin de la guerre froide. Dans le même temps, l’Afrique, par la faute de dirigeants peu clairvoyants, baye aux corneilles.rn
Contrairement à ce que certains analystes politiques américains pensent, rien ne prouve que Correa va « jouer la carte de la sagesse et de la modération pour ne pas finir comme la plupart de ses prédécesseurs, renversés par la rue ou par le Parlement ». En effet, contrairement aux autres présidents d’Equateur, il peut compter sur un soutien indéfectible de la plupart de ses voisins qui, petit à petit, sont en train de redessiner la scène politique andine, entourant la Colombie et le Pérou, deux pays notoirement à droite.
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Déjà Correa s’oppose au Traité de libre-échange (TLC) que les Etats-Unis s”efforcent de mettre en place avec plusieurs pays latinos. Il songe également à réintégrer l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) que l”Equateur, 5e producteur d”Amérique latine, a quitté en 1992. Certes, Correa n’est pas le typique dirigeant de gauche car, loin du militantisme juvénile, il s’est formé dans les universités.
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Mais, sa lutte contre la corruption, contre la pression des organismes internationaux de crédit et contre l’influence directe des Etats-Unis dans le pays ont montré sa sensibilité aux demandes principales d’une grande partie de la société, spécialement des Equatoriens les plus pauvres et ignorés. Il est non seulement fermement opposé au TLC qu’impulse Washington et qui est fortement dénoncé par les mouvements sociaux, mais il a aussi mis en cause l’existence d’une base militaire américaine dans son pays. Il a en tout cas promis qu’il ne renouvellera pas l’accord d’établissement de cette présence militaire en 2009.
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Par ses ambitions politiques, il rejoint le président bolivien Evo Morales, premier Indien à accéder à la magistrature suprême en Bolivie. Ce dernier a récemment appelé, à Paris, à la révision des contrats d”exploitation « illégaux » des ressources naturelles de son pays. Il a, en outre, plaidé « pour la culture de la feuille de coca », combattue par les Etats-Unis, tout en fustigeant le modèle « néo-libéral » prôné par l’Occident et qui est la cause « de la misère et de la faim » dans son pays.
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La victoire du sandiniste Daniel Ortega à la présidentielle au Nicaragua lui a aussi valu les chaleureuses félicitations de Fidel Castro et d”Hugo Chávez. La Maison-Blanche a réagi avec plus de prudence au retour d”Ortega au pouvoir, 16ans après l”avoir quitté. A l”époque, Ortega combattait les rebelles antimarxistes soutenus par les Etats-Unis.
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Retrouvant, avec 38 % des suffrages aux élections du 5 novembre 2006, la présidence du Nicaragua qu”il avait perdue en 1990, l”ex-chef guérillero sandiniste Daniel Ortega est détesté à Washington. Même si le néo sandinisme devra donc naviguer avec prudence entre l”amitié de Fidel Castro et d”Hugo Chavez et l”aversion de George W. Bush, il est pour le moment visiblement sensible au discours anti-libéral de plus en plus répandu en Amérique latine.
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Mauvaise posture
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Au fil des élections générales, surtout présidentielle et législatives, convoquées les douze derniers mois dans dix pays d”Amérique latine, l”axe radical « anti-impérialiste » des présidents cubain Fidel Castro et vénézuélien Hugo Chavez a été renforcé. Il s’est consolidé avec la Bolivie, l’Equateur et le Nicaragua.
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D’ailleurs, Castro et Chàvez avaient félicité ce dernier au lendemain de son écrasante victoire. « Cher Daniel, cette grande victoire sandiniste remplit notre peuple de joie et discrédite le gouvernement américain terroriste et génocidaire », avait victorieusement écrit le leader cubain. Le président vénézuélien s”est pour sa part réjoui que « les peuples se lèvent à nouveau ». Il n’a pas caché son espoir de voir « l”union des révolutions sandiniste et bolivarienne pour construire le socialisme du 21e siècle ».
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Quel que soit l’optimisme de la Maison Blanche de vite reprendre le contrôle de la situation en misant sur la déception des peuples, force est de reconnaître que les Américains sont en totale perte de vitesse dans cette région stratégiquement importante à cause des gisements importants comme ceux du pétrole. Le front antilibéral ne cesse de s’élargir en Amérique latine. Le pouvoir des leaders comme Chàvez ne cesse d’être consolidé dans leur pays. Son parlement vient de lui donner carte blanche pour mener sa révolution comme bon lui semble.
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Et lors du dernier sommet des présidents du Mercosur, à Rio de Janeiro (Brésil) Hugo Chàvez à engagé son combat visant à transformer cette communauté économique sud-américaine en « un instrument politique continental de lutte contre le néo-libéralisme ». Le président vénézuélien a surtout souhaité que le Mercosur, créé en 1991 par le Brésil, l”Argentine, l”Uruguay et le Paraguay, soit « décontaminé du virus néo-libéral ».
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Qu’attend l’Afrique ?
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« En cette nouvelle ère s”impose le retour à la politique, à l”idéologie et non pas au marché. L”époque néo-libérale est terminée en Amérique latine. Nous ne permettrons pas qu”elle revienne », a martelé Chàvez devant ses pairs. Même si l’entente est loin d’être parfaite entre les dirigeants de l’Amérique latine, rares sont ceux qui sont restés insensibles à ce discours conforme aux attentes de leurs peuples. « En Colombie, sous prétexte de lutte contre le trafic de drogue, les Etats-Unis ont investi des millions et des millions, mais le pays continue de connaître un déficit budgétaire et un déficit commercial », a également dénoncé Evo Morales.
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Comme on peut constater, l’Amérique latine se libère de plus en plus du joug du néo-libéralisme, donc du néo-colonialisme. Une révolution conforme aux vœux des peuples de cette région. Au même moment, l’Afrique ne cesse d’accroître sa dépendance vis-à-vis des forces impérialistes. Nos dirigeants continuent à être des marionnettes entre les mains de l’Occident.
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L’Amérique ressemble aujourd’hui à l’Afrique des années d’indépendance (1960) avec les Lumumba, Nkwamé Nkrumah, Modibo Kéita, Sékou Touré… dont le crime a été de tourner le dos à l’impérialisme. Ils ont payé leur révolte de leur vie. Thomas Sankara a tenté de reprendre le flambeau dans les années 1980, ils l’ont fait taire pour de bon. Et depuis, l’avenir de l’Afrique semble hypothéqué avec des dirigeants peu soucieux du destin de leur peuple.
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Et l’ardeur des leaders comme Hugo Chàvez, Evo Morales et Daniel Ortega à défendre les intérêts de leur peuple ne peut que nous faire de la peine au cœur. Ils nous prouvent chaque jour que leur région avance alors que l’Afrique… recule et s’enfonce dans la dépendance politique et économique.
rnMoussa Bolly“